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dans fes vûës par un autre Plébeïen à peu près du même caractere, mais plus habile, appellé Lucius Junius, comme le liberateur de Rome, quoi que d'une famille bien différente: il affectoit même le furnom de Brutus, par une vanité ridicule de se comparer à cet illuftre Patricien. Ce Plébéïen confeilla à Sicinius de traverfer d'abord la négociation des députez, & de faire naître de nouveaux obftacles à la réunion & à la paix, afin de pénétrer quel avantage ils en pourroient tirer, & à quel prix on voudroit l'acheter. » Le Sénat a peur, lui dit-il; nous » fommes les maîtres fi nous fça»vons nous prévaloir des conjon» Aures: laiffez parler ces graves Magiftrats; je me charge de leur répondre au nom de nos cama»rades, & je me flatte que ma ré»ponse leur fera également utile » & agréable.

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Ces deux Chefs du parti Plébéïen, étant convenus des differens rôles qu'ils devoient jouer Sicinius introduifit les députez dans le camp. Tous les foldats

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les environnerent, & après qu'ils eurent pris leur place dans un endroit d'où ils pouvoient être entendus par la multitude, on' leur dit d'expofer leur commiffion. M. Valerius prenant la parole, dit qu'il leur apportoit une heureuse nouvelle; que le Sénat vouloit bien oublier leur faute ; qu'il les avoit même chargez de leur accorder toutes les graces qui fe trouveroient conformes au bien commun de la patrie; que rien ne les empêchoit de rentrer dans la Ville, d'aller revoir leurs Dieux domeftiques, & de recevoir les embraffemens de leurs femmes & de leurs enfans qui foupiroient après

leur retour.

Sicinius lui répondit qu'avant que le peuple fit cette démarche, il étoit jufte qu'il expofât lui-même fes griefs & fes prétentions, & qu'il vit ce qu'il devoit efperer de ces promeffes fi magnifiques du Sénat; & il exhorta en même temps ceux des foldats qui voudroient défendre la liberté publique, de fe préfenter. Mais un profond filence.regnoit dans l'Affemblée; chacun

D. H.1.6:

fe regardoit, & ces foldats ne fe fentant point le talent de la parole, n'ofoient fe charger de foutenir la cause commune. Pour lors ce Plébéïen qui avoit pris le nom de Brutus, fe leva, comme il en étoit convenu fecrettement avec Sicinius, & adreffant la parole aux foldats: Il femble, mes compa"gnons, leur dit-il,à voir ce mor"ne filence, que vous foyez encore » obfedez par cette crainte fervile » dans laquelle les Patriciens & » vos creanciers vous ont retenus

» fi long-temps. Chacun cherche » dans les yeux des autres s'il y » démêlera plus de refolution qu'il » ne s'en trouve lui-même, & au» cun de vous n'eft affez hardi » pour ofer dire en public ce qui » fait le fujet ordinaire de vos en- » tretiens particuliers. Ignorez» Vous que vous êtes libres; Ce » camp, ces armes, ne vous assu"rent-ils pas que vous n'avez plus

de tyrans ? & fi vous en pouviez » encore douter, la démarche que » vient de faire le Sénat, ne fuffiroit-elle pas pour vous en convaincre Ces hommes fi impe

rieux

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ce

rieux & fi fuperbes viennent nous-« rechercher : ils ne fe fervent plus « ni de commandemens feveres,ni « de menaces cruelles ; ils nous « invitent comme leurs conci- « toyens à rentrer dans notre com- « mune patrie, & nos Souverains « ont la bonté de venir jufques dans notre camp nous offrir une « amniftie generale. D'où vient « donc ce filence obstiné après des « graces fi fingulieres? Si vous « doutez de la fincerité de leurs « promeffes ;fi vous craignez que « fous l'appas de quelques difcours Aateurs on ne cache vos ancien- < nes chaînes, que ne parlez-vous?« &fi vous n'ofez ouvrir la bouche,« écoutez du moins un Romain af-«< fez courageux pour ne rien crain-« dre, que de ne pas dire la verité. «

Pour lors fe tournant vers Valerius: » Vous nous invitez, lui ditil,à rentrer dans Rome;mais vous«< ne dites point à quelles condi-« tions. Des Plébéïens pauvres, mais libres, peuvent-ils fe réunir «< à des Nobles fi riches & fi ambi- «< tieux ? & quand même nous fe-« rions convenus de ces condi- « Tome I.

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כן

tions, quelle fûreté donneront» ils de leurs paroles, ces fiers Pa>>triciens, qui fe font un mérite » dans leur Corps d'avoir trompé » le peuple? On ne nous parle que » de pardon & d'amniftie, comme » fi nous étions vos fujets, & des fujets rebelles : c'eft ce qu'il faut approfondir. Il est question de "fçavoir qui à tort du Peuple ou » du Sénat; lequel de ces deux » Ordres a violé le premier cette » focieté commune qui doit être » entre les citoyens d'une même République.

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» Pour en juger fans préoccupa¬ » tion, fouffrez que je rapporte fimplement un certain nombre » de faits dont je ne veux pour té» moins que vous-même & vos Collegues.

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Notre Etat a été fondé par des Rois, & jamais le peuple Ro» main n'a été plus libre ni plus » heureux que fous leur gouver»nement. Tarquin même le der»nier de ces Princes, Tarquin fi » odieux au Sénat & à la Nobleffe » nous étoit auffi favorable qu'il vous étoit contraire. Il aimoit

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