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LIVRE II.

LesTribuns du Peuple qui n'avoient été créez que pour empêcher l'oppreffion des Plebeiens, tâchent de détruire l'autorité du Sénat. Origine des Ediles Plebeiens. De quelle maniere les Tribuns vinrent à bout de fe faire donner le droit de convoquer les Affemblées du Peuple. Coriolan fe declare hautement contre les entreprises des Tribuns. Caractere de ce Patricien. Les Tribuns veu lent l'obliger à rendre compte de fa conduite devant l'Assemblée du Peuple. Coriolan refufe dere. connoître l'autorité de ce Tribunal. Le Senat intervient d'abord en fa faveur, mais à la fin il l'abandonne, & donne un Arrêt qui renvoye la décifion de ce differend à l'Affemblée du Peuple. Coriolan eft condamné à un exit perpetuel. Il fe retire chez les

Volfques, à qui il vient à bout de faire prendre les armes contre les Romains. Il entre fur leurs terres à la tête d'une nombreuse armée. Tout plie devant lui; Rome même avoit tout à craindre, lorfqu'elle fe voit délivrée de danger par la fageffe & la prudence de deux Romaines entre autres, dont l'une étoit la femme, & l'autre la mere de Coriolan.

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R Tribunar, changea une feOмE par l'établissement du

conde fois la forme de fon Gouvernement. Il étoit paffé, comme nous venons de le voir, de l'Etat Monarchique à une espece d'Ariftocratie, où toute l'autorité étoit entre les mains du Sénat & des Grands. Mais par la creation des Tribuns on vit s'élever infenfiblement, & comme par degrez, une nouvelle Démocratie dans laquelle le peuple, fous differens prétextes, s'empara de la meilleure partie du Gouvernement.

Il fembloit d'abord que le Sénat n'eût rien à craindre des Tribuns, qui n'avoient d'autre pouvoir que celui de s'intereffer à la défense de tous les Plébéïens. Ces nouveaux Magiftrats n'avoient même dans leur origine ni la qualité de Senateurs, ni Tribunal particulier, ni juridiction fur leurs concitoyens, ni le pouvoir de convoquer les Affemblées du peuple. Habillez comme de fimples particuliers, & escortez d'un feul domeftique appellé Viateur, & qui étoit comme un valet de ville, ils demeuroient affis fur un banc au dehors du Sénat, ils n'y étoient admis que lorfque les Confuls les faifoient appeller pour avoir leur avis furquelque affaire qui concernoit les interêts du peuple. Toute leur fonction fe réduifoit à pouvoir s'oppofer aux Ordonnances du Sénat par ce mot Latin veto,qui veut dire je l'empêche, qu'ils mettoient au bas de fes decrets, quand ils les croyoient contraires à la liberté du peuple, & cette autorité étoit même renfermée dans les murailIes de Rome, & tout au plus à un

mille aux environs : & afin que le peuple eût toujours dans la Ville des protecteurs prêts à prendre fa défense, il n'étoit point permis aux Tribuns de s'en éloigner un jour entier, fi ce n'étoit dans les Feries Latines. C'étoit par la même raison qu'ils étoient obligez de tenir la porte de leurs maifons ouvertes jour &nuit pour recevoir les plaintes des Citoyens qui auroient recours à leur protection. De femblables Magiftrats fembloient n'avoir été inftituez que pour empêcher feulement l'oppreffion des malheureux ; mais ils ne fe coninrent pas longtemps dans un état fi plein de moderation. Il n'y eut rien dans la fuite de fi grand & de fi élevé où ils ne portaffent leurs vûës ambitieufes. Nous les verrons bien-tôt entrer en concurence avec les premiers Magiftrats de la République ; & fous prétexte d'affurer la liberté du peuple, ils n'eurent pour objet que de ruiner infenfiblement l'autorité du Sénat.

Une des premieres démarches de ces Tribuns fut de demander permiffion au Sénat de choisir

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deux Plébéïens, qui fous le titre d'Ediles, les puffent fecourir dans la multitude des affaires dont ils fe difoient accablez dans une auffi grande Ville que Rome, & furcommencement d'une nouvelle Magiftrature.

tout au

Le Sénat toujours divifé, & qui avoit perdu de vûë le point fixe de fon gouvernement, fe laiffa entraîner au gré de ces ambitieux; on leur accorda encore cette nouvelle demande. Telle fut l'origine des Ediles Plébéiens, creatures & miniftres des premiers Tribuns, & aufquels on atribua dans la fuite l'inspection fur les édifices publics le foin des Temples, des Bains, des Aqueducs, & la connoiffance d'un grand nombre d'affaires qui étoient auparavant du reffort des D. H. 1.6. Confuls: nouvelle brêche que les Tribuns firent à l'autorité du Sé

nat.

Cependant les Sénateurs les plus populaires fe flatoient, en relâchant quelque chofe de leurs droits d'avoir au moins rétabli le calme dans la République. Rome en effet paroiffoit tranquille, & il

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