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» min du Mont Sacré leur est en» core ouvert, il ne nous faut que » des fujets foumis & paifibles, & » il vaudroit encore mieux s'en paffer que de partager avec une » vile populace le Gouvernement "& les Dignitez de l'Etat.

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Les Senateurs les plus âgez, ceux fur-tout qui avoient ménagé la réunion, trouvoient plus de hauteur que de prudence dans un difcours fi véhément. Les jeunes Senateurs au contraire qui n'en prévoyoient pas les fuites, lui donnoient de grandes louanges. Admirateurs de la vertu de Coriolan, ils fe récrierent qu'il étoit le feul qui eut le courage d'un véritable Romain: chacun fe reprochoit comme une lâcheté inexcufable, le confentement qu'il avoit donné à l'érection du Tribunat: on parloit tout haut de l'abolir; & le plus grand nombre des voix alloit à rétablir le Gouvernement de la République fur fes anciens fondemens.

Les Tribuns que les Confuls aId. ibid. voient fait entrer dans le Senat, comme nous l'avons dit, voyant

cette efpece de conjuration contre leur Ordre, en fortirent pleins de fureur, invoquant les Dieux vengeurs du parjure, & les prenant à témoins des fermens folemnels avec lefquels le Sénat avoit autorifé l'établissement du Tribunat. Ils affemblerent le peuple tumultuairement, & ils crioient du haut de la Tribune que les Patriciens avoient formé une confpiration pour les faire périr avec leurs femmes & leurs enfans, à moins que les Plébéïens ne remiffent leurs Tribuns enchaînez en la puiffance de Coriolan; que c'étoit un nouveau tyran qui s'élevoit dans la République, & qui vouloit ou leur mort ou leur fervitude.

Le peuple prend feu auffi-tôt, il pouffe mille cris confus remplis d'indignation & de menaces. Rome à peine tranquille, voit renaître une fédition plus dangereuse que la premiere. Il n'eft plus queftion de fe retirer fur le Mont Sacré; le peuple qui a, pour ainfi dire, effayé fes forces, prétend difputer aux Patriciens l'Empire

de Rome au milieu de Rome mê me. On ne parle pas moins que d'aller fur le champ arracher Coriolan du Senat pour l'immoler à la haine publique. Mais les Tribuns qui le vouloient perdre plus fûrement, fous prétexte d'obferver les formes de la Juftice, l'envoyerent fommer de venir rendre comde fa conduite devant l'Affemblée du Peuple, dans la vûë, s'il obéïffoit, d'être les maîtres & les arbitres de la vie de leur ennemi, ou de le rendre plus odieux au peuple s'il refufoit de reconnoître fon autorité.

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Coriolan naturellement fier & hautain, ayant renvoyé l'Appariteur avec mépris, comme les Tribuns l'avoient bien prévû, ceuxci fe firent fuivre auffi-tôt par une troupe des plus mutins d'entre les Plébéïens, & ils furent l'attendre à la fortie du Senat pour l'arrêter. Ils le rencontrerent accompagné à fon ordinaire d'une foule defes Cliens, & d'un grand nombre de jeunes Senateurs attachez à fa perfonne, & qui fe faifoient honneur de fuivre fon avis dans le Senat, &

fes exemples à la guerre. Les Tribuns ne l'eurent pas plûtôt apperçu, qu'ils ordonnerent à Brutus & à Icilius qui faifoient cette année la fonction d'Ediles, de le conduire en prifon. Mais il n'étoit pas aifé d'executer une pareille commiffion, & l'entreprise étoit auffi hardie qu'extraordinaire. Coriolan & fes amis fe mettent en défense. On repouffe les Ediles à coups de poing: c'étoient les feules armes d'ufage en ce temslà, dans une ville où l'on ne prenoit l'épée que quand on fortoit pour marcher aux ennemis. Les Tribuns irritez de cette résistance, appellent le peuple à leur fecours; les Patriciens de leur côté accourent pour défendre un des plus illuftres perfonnages de leur Corps. Le tumulte s'augmente, on en vient aux injures & aux reproches. Les Tribuns fe plaignent qu'un fimple particulier ofe violer une Magiftrature facrée. Les Senateurs leur demandent à leur tour par quelle autorité ils ofent faire arrêter un Senateur & un Patricien d'un Ordre fuperieur au peuple,

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& s'ils prétendent s'ériger en Tribuns du Senat, comme ils le font du peuple. Pendant ces difputes, arrivent les Confuls qui écartent la foule; & autant par prieres que par autorité, ils obligent le peuple à fe retirer.

Mais les Tribuns n'en demeure rent pas là; ils convoquerent l'Af femblée pour le lendemain. Les Confuls & le Senat qui virent le peuple courir dès la pointe du jour à la place, s'y rendirent de leur côté en diligence pour prévenir les mauvais deffeins de ces Magi ftrats féditieux, & pour les empê cher de faire prendre au peuple qu'ils gouvernoient, quelque réfolution précipitée, & contraire à la dignité du Senat & au falut de Coriolan. Leur préfence n'empêcha point ces Tribuns de fe déchaîner å leur ordinaire contre tout l'Ordre des Patriciens. Tournant enfuite l'accufation contre Coriolan, ils rapporterent le difcours qu'il avoit tenu dans le Senat au fujet de la diftribution des grains.

On lui fit un nouveau crime de ce grand nombre d'amis que fa

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