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vertu attachoit à fa fuite, & que les Tribuns appelloient les fatellites du tyran. » C'eft par fon ordre, difoient-ils, en adreffant la « parole au peuple, que vos E- « diles ont été maltraitez. Il ne « cherchoit par ces premiers coups «< qu'à engager la querelle ; & fi « nous n'avions pas eu plus de mo- « deration que lui, peut-être qu'une Guerre civile auroit armé « vos citoyens les uns contre les « autres. Après s'être épuifés en in-« vectives pour rendre Coriolan plus odieux à la multitude, ils ajoûterent que s'il y avoit quelque Patricien qui voulût entreprendre fa défenfe, il pouvoit monter dans` la Tribune & parler au peuple. Minucius premier Conful fe pré- D. H.1.7. fenta, & après s'être plaint en général, & avec beaucoup de modération, de ceux qui faififfoient le moindre prétexte pour exciter de nouveaux troubles dans la République, il remontra au peuple, que bien loin qu'on pût accufer le Sénat & les Patriciens d'avoir procuré la famine, tout le monde fçavoit que ce malheur n'étoit ar

rivé que par la défertion du peuple, & par la faute de ceux qui avoient negligé l'année précedente de cultiver & de femer leurs terres. Qu'il ne lui feroit pas plus difficile de détruire les autres calomnies dont on les entretenoit dans des harangues féditieufes comme fi le Senat eût formé le projet d'abolir le Tribunat, & de faire perir tout le peuple par la famine. Que pour faire tomber tout d'un coup des difcours fi faux & fi injurieux, il leur declaroit D. H. 1.6.que le Sénat confirmoit de nouveau la dignité Tribunitienne avec tous les droits qui y avoient été attachez fur le Mont Sacré : qu'à l'égard de la diftribution des grains, il laiffoit le peuple maître & arbitre d'y mettre lui-même tel prix qu'il jugeroit à propos.

Le Conful après un préambule fi propre à adoucir les efprits, & à fe concilier la bien veillance du peuple, ajoûta, comme par un doux reproche, qu'il ne pouvoit s'empêcher de les blâmer de la précipitation avec laquelle ils fe laiffoient entraîner aux premiers

bruits que répandoient quelques mutins. Qu'il étoit bien furprenant qu'ils vouluffent faire un crime au Sénat des differens avis qui fe propofoient, avant même qu'il eût rien ftatué.» Souvenez-vous, leur dit-il, que pendant votre retraite << fur le Mont Sacré, vos vœux, « vos requêtes & vos prieres fe bor-«< noient à obtenir l'abolition des « dettes. A peine vous eut-on ac- «cordé une fi grande grace, que « vous vous fites comme un nou- « veau droit de la facilité du Sénat,«< pour demander la création de « deux Magiftrats de votre Corps, donttoute l'autorité, devotre pro-« pre aveu, devoit être renfermée à « empêcher qu'un Plébéïen ne pût « être opprimé par un Patricien : « nouvelle grace qui nous attira « vos remercimens, & qui parut » remplir tous vos fouhaits. On ne « vous vit point dans ces temps fâ-« cheux, lors même que la fedition « étoit la plus échauffée, demander« qu'on diminuât l'autorité du Sé-c nat, ou qu'on changeât la forme « de notre gouvernement. De quel «< droit donc vos Tribuns préten- «

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» dent-ils aujourd'hui porter leurs » vûes & leur cenfure fur ce qui se

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paffe dans nos Confeils? Quand » s'eft-on avifé de faire un crime » à un Senateur pour avoir dit li» brement fon avis dans le Sénat ; Quelles Loix peuvent vous au»torifer à pourfuivre avec tant d'animofité fon éxil ou fa mort? » Mais je fuppofe que par un ren» verfement inoui de tout ordre » le Corps entier du Sénat fût juf»ticiable de vos Tribuns. Suppo» fons encore, fi on le veut, qu'il » foit échapé à Coriolan quelque » chofe de trop dur en difant fon » avis, n'eft-il pas de votre équité » d'oublier quelques paroles vai

nes & qui fe font perdues en l'air, » en faveur de fes fervices réels » dont vous avez vous-même re"cueilli tout le fruit? Confervez

la vie à un excellent citoyen, » confervez à la patrie un grand » Capitaine; & fi vous ne le voulez pas abfoudre comme inno» cent, donnez-le du moins comme » criminel à tout le Sénat qui vous » en prie par ma bouche. Ce fera » là le lien qui en nous réunissant,

fervira au Sénat comme d'un « nouveau motif pour l'engager à « vous continuer fes bienfaits. Au « lieu que fi vous perfiftiez à vou- « loir perdre ce Senateur, peut- « être que l'oppofition que vous y « trouveriez de la part des Patri- «< ciens, produiroit des maux qui « vous feroient repentir d'avoir « pouffé trop loin votre reffenti- «<

ment.

Ce difcours fit impreffion fur la multitude, & tourna les efprits du côté de la paix & de l'union. Sicinius en fut confterné: mais diffimulant fes mauvais deffeins, il donna de grandes louanges à Minutius & à tous les Senateurs, d'avoir bien voulu s'abaiffer jusqu'à rendre compte au peuple de leur conduite, & de n'avoir pas même dédaigné d'interpofer leurs prieres & leurs offices en faveur de Coriolan. Se tournant enfuite vers ce Senateur: » Et vous excellent « citoyen, lui dit-il d'un ton iro- « nique, ne foûtiendrez-vous pas « aujourd'hui devant le peuple ces « avis fi utiles à la République, que « vous avez propofez fi hardiment «

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