la fédition, & les Confuls entrerent en conference avec les Tribuns fur l'affaire de Coriolan, dans la vûë de les adoucir, & de réduire ces Magistrats populaires à fe conformer aux anciennes regles du Gouvernement. Minucius qui portoit la parole, leur réprefenta que depuis la fondation de Rome, on avoit toujours rendu ce respect au Senat, de ne renvoyer aucune affaire au jugement du peuple, que par un SenatusConfulte que les Rois même a; voient eu cette déference pour un Corps fi augufte. Qu'il les exhortoit à fe conformer aux ufages de leurs ancêtres. Mais que s'ils avoient des griefs confidérables à propofer contre Coriolan, ils s'adreffaffent au Senat qui leur feroit justice, & qui fur la nature du crime & la folidité des preuves le renvoyeroit par un Senatus-Confulte au jugement du peuple qui pour lors feulement feroit en droit de faire le procès à un citoyen.

Sicinius s'oppofa avec fon infolence ordinaire à cette propofi

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tion, & il déclara qu'il ne fouffriroit jamais que l'on décidât par Senatus-Confulte de l'autorité du Peuple Romain. Ses Collegues auffi mal intentionnez, mais plus habiles dans la conduite de leurs desseins, virent bien qu'ils fe rendroient odieux même aux Plébéïens, s'ils s'éloignoient fi ouvertement des formes ordinaires de la Juftice. Ainfi ils obligerent Sicinius à fe défifter de fon oppofition, fous prétexte de condefcendance pour les Confuls. Mais Cette complaifance apparente leur coutoit d'autant moins, qu'ils étoient bien réfólus, fi le SenatusConfulte ne leur étoit pas favorable, de fe fonder fur la Loi Valeria pour en annall

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por devant l'Affeme

blée du Peuple, & par là cette affaire devoit toujours revenir à leur tribunal, & il n'étoit au plus queftion que de fçavoir si elle y feroit portée en premiere ou en feconde inftance.

Ainfi ces Tribuns convinrent fans peinc que le Senat décideroit à fon ordinaire, fi le peuple deyoit prendre connoiffance de cette

accufation; & ils demanderent qu'ils puffent être entendus dans le Senat fur les griefs qu'ils prétendoient propofer contre l'Ac cufé.

Les Confuls & les Tribuns étant convenus de cette forme prélimi naire, on introduifit le lendemain ces Magiftrats du peuple dans le Senat. Decius un de ces Tribuns, quoi que le plus jeune, portoit la parole, & on lui avoit déferé cet honneur, à caufe de fon éloquence & de fa facilité de s'énoncer en public: qualité indifpenfable dans tout gouvernement populaire, & fur-tout à Rome, où le talent de la parole n'étoit pas moins neceffaire pour s'avancer, que le courage & la valeur. Ce Tribun s'adreffant à tout le Senat: » Vous fçavez, Peres confcripts, leur « dit-il, qu'ayant chaffé les Rois « par notre fecours, vous établites « dans la République la forme du « gouvernement qui s'y obferve, « & dont nous ne nous plaignons pas. Mais vous n'ignorez pas «< auffi que dans tous les différends « que de pauvres Plébéïens eurent «

» dans la fuite avec des Nobles & » des Patriciens, ces Plébéïens perdoient toujours leur procès, " parce que leurs Parties étoient » leurs Juges, & que tous les Tri» bunaux n'étoient remplis que de » Patriciens. Cet abus obligea P.

Valerius Publicola, ce fage » Conful & cet excellent citoyen, » d'établir la Loi qui permettoit d'appeller devant le peuple des » Ordonnances du Sénat & du Ju"gement des Confuls.

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»Telle eft la Loi appellée Valeria, » qu'on a toujours regardée com» me la baze & le fondement de la » liberté publique. C'eft à cette » Loi que nous avons recours aujourd'hui, fi vous nous refufez » la juftice que nous demandons » contre un homme noirci du plus grand crime qu'on puiffe com» mettre dans une République. » Ce n'eft point un feul Plébéïen

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qui fe plaint, c'eft le Corps en»tier du Peuple Romain qui de"mande la condamnation d'un » tyran qui a voulu faire mourir » de faim fes concitoyens, qui a » violé notre Magiftrature, &

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repouffé la force à la main nos ce Officiers & les Ediles de la Répu « blique. C'eft Coriolan que nous accufons d'avoir propofé l'abo- « lition du Tribunat, cette Ma- « giftrature confacrée par les fer- «< mens les plus folemnels. Qu'eft- « il befoin après cela de Senatus- «< Confulte pour juger un pareil crime? Ne fçait-on pas que ces « decrets particuliers du Sénat «< n'ont lieu que dans des affaires « imprévûes & extraordinaires, & « fur lefquelles les Loix n'ont en-«< core rien ftatué? Mais dans l'ef- « 'pece dont il s'agit, où la Loi eft « fi formelle, où elle dévoue fi ex- « preffément aux Dieux infernaux «< ceux qui la violeront; n'eft-ce « pas fe rendre complice du crime «< que d'en vouloir douter? Ne « craignez-vous point que par ces « retardemens affectez de pronon-" cer contre le criminel, fous prétexte de la neceffité imaginaire d'un Sénatus-Confulte,le peuple«< ne fe perfuade queCoriolan n'a été«< que l'interprete de vos fentimens? << Je fçai que plufieurs parmi vous a fe plaignent que ce n'a été que «

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