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»torité, & contre la forme de no»tre Gouvernement.

On voit par ces difcours fi oppofez de Decius & d'Appius que l'affaire de Coriolan ne fervoit que de prétexte à de plus grands intérêts. Le veritable fujet de la difpute & de l'animofité des deux partis, rouloit fur ce que les Nobles & les Patriciens prétendoient que par l'expulfion des Rois ils avoient fuccedé à leur autorité, & que le Gouvernement devoit être purement Ariftocratique ; au lieu que les Tribuns tâchoient par de nouvelles Loix de le tourner en Democratie, & d'attirer toute l'autorité dans l'Affemblée du Peuple qu'ils gouvernoient à leur gré. Ainfi l'ambition, l'interêt & la jaloufie animoient ces différens partis, & faifoient craindre aux plus fages une nouvelle féparation, ou une Guerre civile.

C'eft ce que M. Valerius ce Confulaire qui avoit eu tant de part à la réunion fur le Mont Sacré, repréfenta au Sénat en des termes également forts & touchants. C'étoit un véritable Républicain, &

qui fouffroit impatiemment que les Nobles & ceux de fon Ordre affe&taffent une diftinction & un empire toujours odieux dans un Etat libre. Comme il avoit une éloquence douce & infinuante, il dit d'abord beaucoup de chofes en général à la louange de la paix, & fur la néceffité d'entretenir l'union dans la République. De là il paffa à l'affaire de Coriolan, & il fut d'avis qu'on en renvoyât la connoiffance à l'Affemblée du Peuple. Il foutint que le Sénat en cédant quelque chofe de fon autorité, en affureroit la durée; qu'elle feroit plus ferme fi elle étoit moindre, & que rien n'étoit plus propre à défarmer le reffentiment du Peuple contre cet illuftre Accusé, que de lui en abandonner le jugement: que la multitude charmée de cette déférence, s'abftiendroit de prononcer contre un homme qu'elle fçavoit être fi cher au Sénat: que pour achever de l'adoucir il étoit d'avis que tous les Sénateurs fe répandiffent dans l'Affemblée, & que par des manieres plus douces & plus populaires ils

tâchaffent chacun de fon côté de gagner les Plébéïens qui étoient de leur connoiffance.

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Valerius fe tournant enfuite vers Coriolan le conjura dans les termes les plus touchans de donner la paix à la République: » Al,, lez, Coriolan, lui dit-il, vous prefenter vous-même généreufe,,ment au jugement du Peuple; c'eft la feule maniere de vous juftifier qui foit digne de vous; c'eft le moyen le plus propre à impofer filence à ceux qui vous accufent d'affecter la tyrannie. Le peuple charmé de voir ce ,, grand courage plier enfin fous " la puiffance de fes Tribuns, ne fe réfoudra jamais à prononcer ,, contre Coriolan; au lieu que fi ,, vous perfiftez à méprifer ce tri

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bunal, fi vous déclinez fa Jufti,, ce, & fi vous vous obftinez à n'ê,, tre jugé que par les Confuls,

vous commettrez le Senat avec ,, le peuple, & vous allumerez ,, une cruelle fédition. Vous feul ,, en ferez le flambeau fatal ; & qui ,, fçait jufqu'où fe portera l'incen,, die? Repréfentez-vous l'image

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affreufe d'une guerre civile; les " loix fans force; les Magiftrats " fans pouvoir; la fureur & la vio-" lence regner dans les deux par-" tis; le fer & le feu briller de tou- " tes parts, & vos citoyens s'égor-" ger les uns les autres; la femme " vous rédemander fon mari; le“ fes enfans; tous vous char- “ ger d'imprécations. Enfin repréfentez-vous Rome à qui lesDieux “ avoient promis de fi grandes de- " ftinées, fuccomber fous les fu- " reurs des deux partis, & s'enfe-" velir fous fes propres ruines. Valerius qui aimoit fincerement fa patrie, attendri par l'idée de ces grands malheurs, ne put retenir des larmes qui lui échappoient malgré lui: & ces larmes d'un Confulaire vénérable par fon âge & par fes dignitez encore plus éloquentes que fon difcours, toucherent la plupart des Sénateurs & difpoferent les efprits à la paix. Pour lors Valerius fe voyant maître de l'Affemblée, éleva fa voix, & comme s'il eût repris de nouvelles forces, ou qu'il eût été un autre homme, il fe montra à

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découvert, & il leur parla avec cette autorité que lui donnoient fon âge & une longue experience dans les affaires. On veut fiqus faire peur, s'écria-t-il, pour la liberté publique, fi nous donnons tant de pouvoir au peuple, & fi on lui remet le juge,, ment de ceux de notre Ordre ,, qui feront accufez par les Tribuns. Je fuis perfuadé au contraire rien n'eft plus propre ,, pour la maintenir. La Républi,, que eft composée de deux Or,, dres, de Patriciens & de Plébéïens; il eft question de déci,, der auquel de ces deux Ordres il est plus fûr de confier la garde ,, & le dépôt facré de notre liberté. Je foûtiens qu'elle fera plus en fûreté entre les mains du Peuple ,,qui ne demande que de n'être pas ,, opprimé, que dans celles des Nobles qui ont tous une violente paffion de dominer. Ces Patriciens revêtus des premieres Magiftratures, diftinguez par leur naiffance, leurs richeffes & leurs dignitez, feront toujours affez puiffans pour retenir le peu

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