ર ple dans fon devoir : & le peuple autorifé par les loix, attentif aux " démarches des grands, naturel-" lement ennemi & jaloux de " toute élevation, fera craindre " la févérité de fes jugemens à ceux" des Patriciens qui feroient tentez" d'afpirer à la tyrannie. Vous a- " vez, Peres confcripts, aboli la“ Royauté, parce que l'autorité " d'un feul devenoit trop abfolue." Non contens de partager le pouvoir fouverain entre deux Magftrats annuels, vous leur avez " encore donné un confeil de trois " cens Sénateurs qui fervent d'inf-" pecteurs de leur conduite, & de " modérateurs de leur autorité. " Mais ce même Sénat fi formida- " ble aux Rois & aux Confuls, ne" trouve rien dans la République " qui balance fon autorité. Je fçai bien que jufqu'ici nous n'avons, " graces aux Dieux, qu'à nous louer de fa modération. Mais je " n'ignore pas auffi que peut-être " en fommes-nous redevables à la " crainte du dehors, & à ces guerres continuelles qu'il nous a fal- “ lu foutenir. Mais qui nous répon-" Tome I. I " dra que dans la fuite nos fuccef,, feurs devenus plus fiers & plus puiffans par une longue paix, n'attenteront point à la liberté ,, de leur patrie, & qu'il ne fe for,,mera point dans le Sénat même quelque faction puissante dont le cheffe faffe le tyran de fon pays, s'il ne fe trouve en même temps hors du Sénat une autre puiffance, qui, à la faveur des ac,, cufations qu'on pourra porter dans l'Affemblée du peuple, soit ,, en état de s'oppofer aux entreprifes ambitieufes des Grands? On me reprochera peut-être fi ,, on n'a pas le même inconvénient à craindre de la part du peuple, & fi on pourra empêcher qu'il ne s'éleve un jour par,, mi les Plébéïens quelque chef ,, de parti qui abufe de fon pou,, voir fur les efprits de la multitude, & qui fous le prétexte ordinaire de défendre les intérêts du peuple, n'opprime à la fin fa liberté & celle du Sénat. Mais ,, vous n'ignorez pas qu'au moindre péril où vous paroîtroit la ,, République de ce côté-là, nos Confuls font en droit de nommer« un Dictateur qu'ils ne tireront ja- « mais que de votre Corps; que ce a Magiftrat fouverain & maître ab-« folu de la vie de fes concitoyens," eft feul capable par fon autorité « de diffiper une faction populaire: & la fageffe de nos Loix " ne lui a même laissé cette puif " fance redoutable que pour fix “ mois, de peur qu'il n'en abusât," & que pour établir fa propre ty- " tannie, il n'employât une auto-" rité qui ne lui étoit confiée que pour détruire celle des autres. “ C'est ainsi, ajouta Valerius, que “ par une infpection réciproque " le Sénat veillera fur la conduite " des Confuls, le peuple fur celle " du Sénat, & le Dictateur, quand “ l'état des affaires demandera « qu'on ait recours à cette Digni- " té, fervira de frein à l'ambition " des uns & des autres. Plus il y aura d'yeux ouverts fur la con- " duite de chaque particulier, & " plus notre liberté fera assurée, & plus la conftitution de notre " Gouvernement fera parfaite. D'autres Sénateurs qui étoient du même avis, ajouterent que rien n'étoit plus propre à maintenir la liberté que de laiffer à tout Citoyen Romain compris fous le cens, le pouvoir d'intenter action devant l'Affemblée du Peuple contre ceux qui auroient violé les Loix; que ce droit d'accufation non feulement tiendroit les Grands en refpect, mais ferviroit encore à exhaler, pour ainfi dire, les murmures du peuple, qui fans ce fecours pourroient fe tourner en fédition. Ainfi on réfolut à la pluralité des voix de renvoyer cette affaire au jugement du Peuple. On prit d'autant plus volontiers ce parti, que la réquifition que faifoient au préalable les Tribuns d'un Senatus-Confulte pour pouvoir faire le procès à l'accusé, ferviroit à l'avenir d'un nouveau titre de la puiffance & de l'autorité du Sénat. Quoi que la Compagnie fçût qu'elle alloit facrifier un innocent à la paffion de fes ennemis, l'interêt public l'emporta fur le particulier, & on dressa aussi-tôt le Sénatus-Confulte. Mais avant qu'il fût figné, Coriolan qui vit N bien que le Sénat l'abandonnoit, ce Coriolan s'expliquoit ainfi pour P. 462° |