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» terai des actions où cet efprit de "tyrannie & fon orgueil ne fe » montrent pas moins à découvert. "Vous fçavez que par nos Loix les dépouilles des ennemis appar» tiennent au Peuple Romain? que "ni les foldats ni leur General » même ne peuvent en difpofer;

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mais que tout doit être vendu, » & le prix qui en provient porté » par un Questeur dans le Trésor public. Tel eft l'ufage & la for"me de notre Gouvernement. Ce» pendant au préjudice de ces » Loix auffi anciennes que Rome » même, Coriolan ayant fait un » butin confidérable fur les terres » des Antiates, de fon autorité privée, il le diftribua entre les amis; & ce tyran leur donna le » bien du Peuple, comme les pre» miers gages de leur conjuration.

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Il faut donc ou qu'il nie un fait » certain & avéré, & qu'il dife » qu'il n'a point difposé de ce bu. ,, tin, ou qu'il l'a pu faire fans violer les Loix. Ainfi fans m'arrêter à ces vaines exclamations de fes ,, Partisans, ni à toutes ces cica,,trices qu'il montre avec tant

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d'oftentation, je le fomme de ré- “ pondre à cet unique chef que je " propose contre lui.

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Il eft vrai que Coriolan avoit fait cette diftribution du butin ou plutôt qu'il avoit fouffert que fes foldats en priffent chacun leur part. Mais bien loin qu'il en eût difposé feulement en faveur de fes amis & de fes créatures, comme on le lui objectoit, il eft conftant que fes foldats qui faifoient partie de ce même Peuple qui le pourfuivoit avec tant d'animofité,avoient tiré toute l'utilité de ce "pillage. Pour éclaircir ce fait, il faut fçavoir que les Antiates fe prévalant de la famine dont Rome étoit affligée, & de la difcorde qui étoit entre le peuple & le Sénat, étoient venus faire des courfes jufqu'aux portes de la ville, fans qu'on eût pû engager le Peuple à en fortir pour repouffer les ennemis. Coriolan ne put fouffrir cette infulte: il demanda aux Confuls la permiffion de prendre les armes : il fe mit à la tête de fes amis, & pour engager les foldats Plébeïens à le fuivre dans cette expédition, il leur

promit de lesra mener chargez de butin. Les foldats qui connoiffoient fa valeur & fon expérience dans la guerre, & qui d'ailleurs fe trouvoient preffez par la faim, coururent fe ranger fous fes enfeignes. Coriolan fuivi des plus braves Plébéïens, fortit de Rome, furprit les ennemis répandus dans la campagne, les batit en diffé rentes occafions, les repoussa jufques fur leurs terres, & les força à la fin de fe renfermer dans Antium. Il ufa même de repréfailles, & pendant qu'il tenoit les portes de cette ville comme fcellées par la crainte de fes armes & par la terreur de fon nom, fes foldats à leur tour en fouragerent le territoire; couperent les grains & firent la récolte l'épée à la main. Ce General ne confentit qu'ils retinffent ce grain, que pour les aider à faire. fubfifter leurs femmes & leurs enfans, & qu'afin d'exciter par leur exemple les autres Plébéiens à aller généreufement chercher des vivres jufques fur les terres de leurs

ennemis.

Mais ceux du peuple qui n'a

voient point eu de part à cette expédition, ne virent qu'avec une jaloufie fecrete les foldats de Coriolan rentrer dans Rome chargez de bled. Decius qui avoit démêlé ces fentimens, réfolut d'en profiter, & il ne douta point que ces Plébéïens jaloux du bonheur de leurs voisins, ne confentiffent à faire un crime à Coriolan d'une action généreufe dont ils n'avoient point profité.

Ce Tribun vif & preffant, de mandoit infolemment à Coriolan s'il étoit le Roi de Rome, & par quelle autorité il avoit difposé du bien de la République. Coriolan furpris d'une accufation contre laquelle il n'avoit point préparé de défenfes, fe contenta d'expofer fimplement le fait de la maniere dont nous venons de le rapporter. Il repréfentoit qu'une partie du Peuple avoit profité des dépouilles des ennemis, & il appelloit à haute voix les Centurions & les principaux Plébéïens qui l'avoient fuivi dans cette course pour rendre témoignage à la verité. Mais ceux qui n'avoient point eu de

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Plut.inCo

riol.

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part au pillage du bled des Antiates, étant en plus grand nombre que les foldats de Coriolan, faifoient tant de bruit, que ces Chefs de bandes ne fe purent faire entendre. Les Tribuns voyant que le petit peuple reprenoit fa premiere animofité, profiterent de cette difpofition pour faire recueillir les fuffrages; & Coriolan fut enfin condamné à un exil perpetuel.

La plupart des Nobles & des Patriciens fe crurent comme exilez avec ce grand homme, qui avoit toujours été le defenfeur & le foutien de leur Ordre. D'abord la confternation fut générale, & bien-tôt la colere & l'indignation fuccederent à ce premier fentiment. Les uns reprochoient à Valerius qu'il avoit féduit le Sénat par fon difcours artificieux ; d'autres fe reprochoient à eux même leur excès de complaifance pour le Peuple; tous fe repentoient de n'avoir pas plutôt fouffert les dernieres extrêmitez, que d'abandonner un citoyen fi illuftre à l'infolence d'une populace mutinée.

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