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Je dois cette reflexion aux évenemens qui suivent, & on va voir que le peuple ne fut pas longtemps sans se repentir d'avoir remis le gouvernement de l'Etat & le commandement des Armées, à deux hommes qui en étoient également incapables.

Coriolan, errant au sortir de Rome, cherchoit moins un azile & une retraite, que le moyen & les occasions de se venger. Ce courage si élevé, ce Romain si ferme en apparence, livré enfin à luimême, ne put se défendre contre les mouvemens secrets de fon refsentiment; & dans les desseins qu'il forma pour la perte de ses ennemis, il n'eut point de honte d'y comprendre la ruine même de sa patrie. Il passa les premiers jours de fon exil dans une maison de campagne. Son esprit agité d'une pafsion violente, formoit successivement différens projets. Enfin après avoir jetté les yeux fur différens peuples, voisins & ennemis de Rome, Sabins, Eques, Toscans, Volsques & Herniques, il n'en trouva point qui lui parussent plus

animez contre les Romains, & en même temps qui fussent plus en état d'entreprendre la guerre, que les Volsques, peuples de l'ancien Latium.

C'étoit une République, & comme une Communauté formée de plusieurs petites villes qui s'étoient unies par une ligue, & qui se gouvernoient par une affemblée des députez de chaque canton. Cette nation voisine de Rome, & jalouse de son agrandiffement, s'y étoit toujours opposée avec beaucoup de courage, mais la guerre ne lui avoit pas été heureuse. Les Romains leur avoient enlevé plusieurs bourgades, & une partie de leur territoire, de sorte que dans la derniere guerre, les Volsques après avoir été batus en différentes rencontres, avoient enfin été réduits à demander une tréve pour deux ans, dans la vûë de rétablir leurs forces à la faveur de cette suspension d'armes. L'animosité n'en étoit pas moins vive dans leurs coœurs; ils cherchoient dans toute P'Italie à fufciter de nouveaux ennemis aux Romains, & c'étoit fur

leur ressentiment que Coriolan fondoit l'esperance de leur faire reprendre les armes. Mais il étoit moins propre qu'un autre pour leur inspirer ce grand dessein; lui seul leur avoit fait plus de mal que tous les Romains ; il avoit plus d'une fois taillé en pieces leurs troupes, ravagé leur territoire, pris & pillé leurs villes: le nom de Coriolan étoit aussi odieux que formidable dans toute la Communauté des Volsques.

D'ailleurs cette petite République étoit gouvernée alors par TullusAttius Général de cette nation, jaloux de la gloire de Coriolan qui l'avoit batu dans toutes les occafions où ils s'étoient trouvez opposez: outrage qu'on voudroit se pouvoir cacher à soi-même, mais qu'on ne pardonne jamais. Il n'y avoit pas d'apparence de s'aller livrer entre les mains d'un ennemi, qui pour couvrir la honte de sa défaite, pouvoit perfuader à Tit. Liv. ses citoyens de le faire arrêter, & peut-être même de le faire périr; Plutar, in mais le defir immodéré de la vengeance l'emporta dans un coeur

1.2.

Coriol,

C

qui n'étoit guéres accessible à la D. H. init. crainte, & il résolut de s'adresser 1. 8. directement à Tullus même.

Val. Max,

11 fortit de sa retraite après s'être 1. 5. c. déguisé; & au commencement de & 4 la nuit il entra dans Antium principale ville de la Communauté des Volsques. Il fut droit à la maisfon de Tullus, le visage couvert: il s'assit sans dire un seul mot auprès du foyer domestique, lieu sacré - dans toutes les maisons de l'ancien Paganisme. Une conduite si extraordinaire, & certain air d'autorité qui n'abandonne jamais les grands hommes, surprirent les do✓ mestiques: ils coururent en avertir leur maître. Tullus vint, & lui demanda qui il étoit, & ce qu'il ✓éxigeoit de lui.

Coriolan se découvrant alors: Si tu ne me reconnois pas enco- « re, lui dit-il, je suis Caïus Mar- « cius, mon furnom est Coriolan, « seule récompense qui me reste « de tous mes services. Je suis ban- « ni de Rome par la haine du peu- « ple, & la foiblesse des Grands: « je dois me venger, il ne tiendra <« qu'à toi d'employer mon épée

>>> contre mes ennemis & ceux de >> ton pays. Si ta République ne >> veut pas se servir de moi, je t'a>> bandonne ma vie, fais périr un >> ancien ennemi qui pourroit peut>> être un jour causer de nouvelles >> pertes à ta patrie.

Tullus étonné de la grandeur de fon courage lui tendit la main: >>> Ne crains rien, lui dit-il, Mar>>> cius, ta confiance est le gage de >> ta fûreté. En te donnant à nous, >> tu nous rends plus que tu ne nous > as ôté. Nous sçaurons aussi mieux reconnoître tes services que n'ont >> fait tes citoyens. Il est bien juste >> qu'un si grand Capitaine n'atten>> de que de grandes choses des >> Volsques. Il le conduisit ensuite >>> dans son appartement, où ils >> confererent en secret des moyens de renouveller la guerre.

دو

Nous avons dit qu'il y avoit alors une Tréve entre les Volsques & les Romains, il étoit question de déterminer les premiers à la rompre. Mais l'entreprise n'étoit pas fans difficulté, à cause des pertes & des disgraces recentes que les Volsques avoient essuyées dans

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