néla vie; & fi un spectable aussi funelte n'est pas capable d'arrêter ta fureur, songe au moins qu'en voulant mettre Rome aux fers, ta femme & tes enfans ne peuvent éviter la mort, ou une " prompte servitude. co Coriolan agité de différentes passions paroissoit interdit: la hai ne & le desir de la vengeance balançoient dans son cœur l'impref sion qu'y faisoit malgré lui un dif cours fi touchant. Véturie qui le voyoit ébranlé, mais qui craignoit que la colere ne l'emportât sur la pitié: >>> Pourquoi ne me réponds- " tu point, mon fils, lui dit-elle ? « Méconnois-tu ta mere? As - tu ce oublié les soins que j'ai pris de ton enfance? Et toi qui ne fais « la guerre que pour te venger de l'ingratitude de tes concitoyens, peus-tu fans te noircir du même « crime que tu veux punir, refuser « la premiere grace que je t'aye ja- « mais demandée? Si j'éxigeois que tu trahisses les Volsques qui t'ont reçû si genereusement, tu aurois un juste sujet de rejetter une pareille proposition. Mais >> Véturie est incapable de propo >> fer rien de lâche à fon fils: & ta >> gloire m'est encore plus chere >> que ma propre vie. Je demande >> seulement que tu éloignes tes >> troupes des murailles de Rome: >>>accorde-nous une Tréve d'un >>an, pendant lequel on puiffe tra>> vailler à établir une paix solide. >>> Je t'en conjure, mon fils, par >> Jupiter tout bon & tout-puiffant, >> qui préside au Capitole, par les >> Manes de ton pere, & de tes ancêtres. Si mes prieres & mes lar>>> mes ne font pas capables de te >> fléchir, voi ta mere à tes pieds >> qui te demande le salut de sa pa>>>trie. « En disant ces mots, & fondant en larmes, elle lui embrasse les genoux: sa femme & ses enfans en font autant, & toutes les femmes Romaines qui les accompagnoient demandent grace par leurs larmes & par leurs cris. Coriolan transporté & comme hors de lui de voir Véturie à ses pieds, s'écrie: » Ah ! ma mere, >> que faites-vous? & lui ferrant tendrement la main en la relevant: >> Rome est sauvée, luidit il, mais >>votre fils eft perdu; prévoyant bien que les Volsques ne lui pardonneroient pas la déférence qu'il alloit avoir pour ses prieres. Il la prit ensuite en particulier avec fa femme, & il convint avec elles qu'il tâcheroit de faire consentir les principaux Officiers de son Armée à lever le blocus. Qu'il employeroit tout son crédit & tous ses soins pour obtenir la paix de la Communauté des Volsques, & que s'il n'y pouvoit reüffir, & que les succès précédens les rendissent trop opiniâtres, il se démettroit du commandement, pour se retirer dans quelque ville neutre; que fes amis pourroient alors négocier fon rappel & fon retour à Rome. II se sépara enfuite de fa mere & de sa femme après les avoir tendrement embrassées, & ne fongea plus qu'à procurer une paix honorable à sa patrie. Il assembla le lendemain leConfeil de guerre; il y representa la difficulté de former le siege d'une place où il y avoit une armée redoutable pour garnison, & autant de soldats qu'il s'y trouvoit d'ha 1 bitans, & il conclut à se retirer. Personne ne contredit son avis, quoi qu'après ce qui s'étoit passé on ne pût pas ignorer les motifs de fa retraite. L'Armée se mit en marche, & les Volsques plus touchez de ce respect filial qu'il avoit fait paroître pour sa mere, que de leurs propres intérêts, se retirerent chacun dans leurs cantons. Mais Tullus ce Général qui l'avoit reçû d'abord avec tant d'humanité, jaloux du crédit qu'il avoit acquis parmi les foldats, faifit cette occasion pour le perdre; & il ne le vit pas plûtôt de retour dans la ville d'Antium, qu'il publia hautement que ce banni avoit trahi les intérêts des Volsques. Coriolan, pour se disculper, demanda à rendre raison de sa conduite devant le Confeil général de la Nation; mais Tullus qui ne redoutoit pas moins fon éloquen-ce que sa valeur, excita un tumulte, à la faveur duquel ses partisans se jetterent sur le Romain, & le D. H. 1.8 poignarderent: fort funeste & pref. que inévitable pour tous ceux qui ont le malheur de prendre les are mes contre leur patrie. Telle fut la fin de ce grand homme, trop fier à la verité pour un Républicain, mais qui par les grandes qualitez & ses services méritoit un meilleur traitement des Volfques & des Romains. Quand on apprit fa mort à Rome, le peuple n'en témoigna ni joie ni douleur; & peut-être qu'il ne fut pas fâché que les Volsques l'eussent tiré de l'embarras de rappeller un Patricien qu'il ne craignoit plus, & qu'il haïffoit encore. Fin du fecond Livre. |