Imágenes de páginas
PDF
EPUB

LIVRE III.

Sp. Caffius vifcellinus Patricien, conçoit l'efperance de fe faire couronner Roi de Rome, à la faveur des divifions qui regnent dans la Ville. Pour mettre le peuple dans fes interêts, il propofe dans le Sénat de faire faire le

dénombrement des terres conquifes, afin de les partager égan lement entre tous les citoyens. C'est ce qu'on a appellé la Loy Agraire. Virginius Collegue de Caffius dans le Confulat, & C. Rabuleius Tribun du peuple, con tribuent également à empêcher l'execution de la propofition du Conful. Arrêt du Sénat qui autorife 2. Fabius &C. Cornelius Confuls défignez à nommer des Commiffaires pour le partage des Terres. Caffius condamné à mort. Menenius fils d'Agrippa,& Sp. Servilius font mis en Justice par

les Tribuns, pour s'être oppofez pendant leur Confulat à la nomination de ces Commiffaires. Le premier eft condamné à une amende, & s'enferme dans fa maifon, où il fe laiffe mourir de faim: le fecond diffipe le danger par fa fermeté. Volero, Loi qu'il propofe pour les Affemblées par Tribus. Cette Loi paffe malgré Appius. Les Tribuns de concert avec les Confuls demandent l'execution de l'Arrêt du Sénat pour le partage des Terres conquifes. Appius empêche l'effet de cette demande. La mort de ce Confulaire donne moyen aux Tribuns de poursuivre cette affaire, mais fans fuccès.

CET

ETTE haine du peuple pour tout ce qui portoit le nom de Patriciens, ne venoit que de la jaloufie du Gouvernement. Mais comme il n'en avoit encore coûté au Sénat que l'établissement des Tribuns & l'exil d'un particulier,

An de Rome 267, ou 268.

les Républicains zelez n'étoient pas fâchez de cette oppofition d'intérêt, qui en balançant également le crédit des Grands & l'autorité du peuple, ne fervoit qu'à maintenir la liberté publique. Telle étoit la difpofition des efprits, lorfqu'un Patricien ambitieux crut qu'en pouffant plus loin la divifion, & en fe mettant à la tête d'un des partis, il pourroit les détruire tous deux, & jetter fur leurs ruines les fondemens de fa propre élevation.

Ce Patricien s'appelloit Sp. Caffius Viscellinus; il avoit commandé les armées, obtenu l'honneur du triomphe, & étoit actuellement Conful pour la troifiéme fois. Mais c'étoit un homme naturellement vain & plein d'oftentation, qui exageroit fes fervices, méprifoit ceux des autres, & rappelloit à lui feul toute la gloire des bons fuccès. Dévoré d'ambition, il ofa afpirer à la Royauté fi folemnellement profcrite par les Loix; & dans le deffein fecret qu'il avoit formé depuis long-temps de la ré rablir en fa perfonne, il ne balan

ça point fur le parti qu'il avoit à prendre. Il réfolut de gagner d'a-bord l'affection du peuple qui se ivre toujours aveuglément à ceux qui le fçavent tromper fous le prétexte spécieux de favorifer fes in

térêts.

Sa partialité éclata ouvertement pendant fon fecond Confulat, dans le temps qu'il s'agiffoit de. l'établissement des Tribuns. On pouvoit à la verité attribuer fes ménagemens politiques au defir de voir le peuple réuni avec le Sénat; mais la conduite équivoque qu'il venoit de tenir actuellement tant à l'égard des Herniques, que du peuple Romain, perfuada entierement le Sénat, qu'il avoit d'autres vûës & d'autres intérêts que ceux de la République.

Les Herniques ou Herniciens étoient de ces petits peuples voifins de Rome, que nous avons dit qui habitoient proche du Latium. Depuis la mort de Coriolan ils s'étoient liguez avec les Volfques contre les Romains. Aquilius qui An de Roa étoit alors Conful avec T. Sici- me 266, nius, les avoit défaits. Caffius qui 267, ou 268,

D.H. 1. 8. lui fucceda dans le Confulat & Tit, Liv. dans la conduite de cette guerre, Dec. 1.1.2. les réduifit par la feule terreur de

Ibid.

fes armes à demander la paix : ils s'adrefferent au Sénat qui renvoya l'affaire au Coniul. Caffius fe prévalant de cette commiffion, & fans communiquer au Sénat les articles du Traité, accorda la paix aux Herniques, & leur laiffa le tiers de leur territoire. Il leur donna par le même Traité le titre fi recherché d'Alliez & de Citoyens de Rome; en forte qu'il traita des vaincus auffi favorablement que s'ils avoient été victorieux. Pour fe faire des partisans au dedans & au dehors de l'Etat, il deftina aux Latins la moitié de ce qui reftoit des terres des Herniques, & réferva le furplus pour des pauvres Plébeïens de Rome. Il tenta même de retirer des mains de quelques particuliers des terres qu'il difoit appartenir au public, & qu'il vouloit encore diftribuer à de

pauvres citoyens. Il avoit demandé auparavant les honneurs du triomphe avec autant de confiance que s'il eût remporté une

« AnteriorContinuar »