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absorbé & confondu la plûpart des Communes; en forte que l'Etat en général, ni les Plébeïens en particulier ne tiroient prefque plus aucun avantage de ces terres étrangeres. Les Patriciens qui s'en étoient emparez les avoient enfermées de murailles: on avoit élevé deffus des bâtimens: des troupes d'efclaves faits des prifonniers de guerre, les cultivoient pour le compte des Grands de Rome, & déja une longue prefcription couvroit ces ufurpations. Les Sénateurs & les Patriciens n'avoient guéres d'autres biens que ces terres du public, qui étoient paffées fucceffivement en différentes familles par fucceffion, par partage,

ou par ventes.

Quelque apparence d'équité qu'eût la propofition de Caffius, on ne pouvoit en faire une loi, fans ruiner tout d'un coup le Sénat & la principale Nobleffe, & fans exciter une infinité de procès en garantie parmi toutes les familles de Rome: auffi la plupart des Sénateurs s'éleverent contre lui avec beaucoup d'animofité. Sans ref

pecter fa dignité, ils lui reprocherent publiquement fon orgueil, fon ambition, & l'envie qu'il avoit d'exciter des troubles dans la République. Ils difoient hautement que Caffius agiffoit moins comme Conful, que comme un Tribun féditieux.

Caffius s'étoit bien attendu de trouver une oppofition générale à fa propofition, de la part des Grands de Rome. Mais comme il fe flattoit que le Peuple toujours avide de chofes nouvelles, & féduit par l'efpérance du partage des Terres, fe déclareroit en fa faveur, il convoqua une nouvelle Affemblée, & parmi beaucoup de chofes qu'il dit au mépris de la Nobleffe, & en faveur du Peuple, il ajouta qu'il ne tiendroit qu'à ce dernier Ordre de la République de fe tirer tout d'un coup de la mifere dans laquelle l'avoit réduit l'avarice des Patriciens. Qu'il n'y avoit pour cela qu'à faire une Loi folemnelle du partage des Terres de conquêtes, & dont il leur avoit propofé en partie le modele dans ce qu'il deftinoit de faire des Ter

res des Herniques; qu'il falloit même faire rendre aux pauvres Plébeïens l'argent dont ils avoient payé le bled que le Roi de Sicile avoit envoyé gratuitement à Rome; & que par des loix fi équitables le Peuple banniroit pour toujours la pauvreté, la jalousie & la difcorde.

Le Peuple reçut d'abord ces propofitions avec de grands applau diffemens; mais la plupart des Tribuns qui ne pouvoient voir fans jaloufie qu'un Patricien & un Conful entreprit à leur préjudice de s'attirer la confiance de la multitude, gardoient un profond f lence qui empêchoit leurs parti fans, & les principaux de chaque Tribu de fe déclarer ouvertement

les

pour la Loi. Ce n'eft pas que uns & les autres n'en reconnuffent tout l'avantage pour le parti du Peuple, comme on le verra dans la fuite; mais ils ne vouloient pas que le Peuple en eût obligation à un Patricien, ni qu'un Conful fût reconnu pour auteur de la Loi Ainfi fans l'approuver ni la combattre ouvertement ils atten

doient une autre conjoncture où ils puffent avoir aux yeux du Peuple le mérite de l'avoir fait recevoir.

à

Virginius Collegue de Caffius pour le Confulat, ne l'attaqua pas directement, il feignit au contraire d'en reconnoître la juftice en general; mais pour en éluder la publication, il blâmoit hautement l'ufage qu'en vouloit faire Caffius. qui, par ce partage infidele rédui foit les victorieux & les Souverains une égalité honteufe avec les fujets & les vaincus. Il laiffoit é chapper en même temps des foupçons contre fon Collegue, comme fi par cette difpofition fi extraordinaire, & propofée en faveur d'anciens ennemis, il eût cherché à s'en faire des créatures au préjudice même de l'Etat. Pourquoi, s'écrioit-il, rendre « aux Herniques la troifiéme par- « tie d'un territoire fi legitimement conquis? Quelle peut-être fa vûë en voulant donner aux Latins «e la meilleure partie de ce qui « refte, fi ce n'eft de fe frayer un « chemin à la tyrannie? Rome doit s

ce

رو

» craindre que ces peuples tou»jours jaloux de fa grandeur malgré leur nouvelle alliance, ne » mettent un jour à leur tête Caf >>fius, comme un autre Coriolan, » & n'entreprennent fous fa con"duite de fe rendre maîtres du » Gouvernement.

Cette comparaison avec Coriolan, qui rappelloit au peuple le fouvenir d'un Patricien dont la mémoire lui étoit fi odieuse, refroidit cette premiere ardeur pour la reception de cette Loi. Les Tribuns même laifferent entrevoir que l'auteur leur en étoit fufpect. Caffius s'appercevant que fon parti s'affoibliffoit, fit venir fecrettement à Rome un grand nombre de Latins & d'Herniques aufquels il fit dire qu'en qualité de Citoyens Romains, ils avoient intérêt de fe trouver aux premieres Affemblées pour y défendre leurs droits, & faire paffer la loi du partage des terres de conquête, qu'il avoit propofée en leur faveur.

On vit arriver auffi-tôt à Rome un grand nombre de ces peuples. Il étoit indifférent à Caffius qu'on

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