Imágenes de páginas
PDF
EPUB

reçût la Loi, & il ne l'avoit propofée que dans le deffein d'exciter une fédition, & de fe pouvoir mettre à la tête d'un parti qui le rendît maître du Gouvernement. La froideur qu'avoient témoignée les Tribuns, déconcertoient fes vûës. Pour engager le peuple à fe joindre à lui, il ne marchoit plus dans la Ville qu'efcorté d'une foule de Latins & d'Herniques. Virginius voulant affoiblir ce parti, fit publier une Ordonnance qui prefcrivoit à tous les alliez qui n'étoient pas actuellement domiciliez dans Rome, d'en førtir inceffamment. Caffius s'oppofa à cet Edit; & un Heraut par fon ordre en publia un autre tout contraire, qui permettoit d'y refter à tous ceux qui étoient cenfez Citoyens. Cette oppofition excita de nouveaux troubles dans la Ville : les D H. 1. 8. deux Magiftrats vouloient être également obéis: leurs Licteurs étoient tous les jours aux prifes, & cette concurrence entre deux partis qui fe fortifioient continuellement, alloit dégénérer en une guerre civile, lorfqu'un des Tri

MS

.{

buns du peuple appellé C. Rabu leius, entreprit de rétablir le calme dans la République, & en Tribun habile, d'en tirer tout l'avantage en faveur du peuple.

Il remontra dans une Affemblée publique, qu'il étoit aifé de concilier les avis des deux Confuls; que l'un & l'autre convenoient de la juftice du partage des terres des Herniques en faveur du Peuple Romain; que ces deux Magistrats n'étoient oppofez qu'en ce que Caffius vouloit admettre dans ce même partage les Herniques & les Latins alliez de la République; ainfi qu'il étoit d'avis de commencer par faire juftice aux Romains, felon qu'ils en convenoient l'un & l'autre ; & qu'à l'égard de la propofition que Caffius faifoit en faveur des alliez, & à laquelle fon Collegue s'oppofoit, il falloit en remettre la décision à un autre temps. Que pour toutes les autres terres de conquêtes, & qui compofoient la plus grande partie du territoire de Rome, le Sénat & le Peuple en délibéreroient à loifir, felon l'importance d'une fi grande

affaire, & comme il conviendroit au bien commun de la République.

Sous les apparences d'un avis fi équitable&fimoderé,leTribun ca-> choit le deffein de pouffer plus vi- 7 vement l'affaire du partage, quand il l'auroit tirée des mains de Caffius. 11 fut caufe que l'Affemblée fe fépara fans qu'il y eût rien de ftatué au fujet du partage general de toutes les terres de conquêtes. Caffius honteux du mauvais fuccès de fes deffeins, fe cacha dans fa maison, d'où il ne fortit plus fous prétexte de maladie.

Cependant le Sénat qui avoit pénétré les deffeins fecrets de Ra buleius, prévit bien que l'affaire du partage des terres n'étoit que differée. Il s'affembla extraordinairement pour prévenir de bonne heure tout ce que les Tribuns pourroient entreprendre à ce fujet. On ouvrit différens avis: celui d'Appius, ce défenfeur intrépide des Loix, fut que pour empêcher les juftes plaintes du peuple, le Sénat devoit nommer dix Commif faires qui feroient chargez de faire

une recherche exacte de ces terres qui originairement appartenoient au public. Qu'il en falloit vendre une partie au profit du Trésor, en diftribuer une autre aux plus pauvres citoyens qui n'avoient aucun fond de terre, rétablir les Communes, & placer par tout des bornes dont le défaut avoit caufé l'abus qui s'étoit introduit. Qu'à l'égard du refte de ces terres, il ne les falloit louer que pour cinq ans, en porter le loyer à fa juste valeur, & en employer le produit à fournir dubled, & la folde aux Plébéïens qui alloient en campagne. Que ce Reglement les empêcheroit de fonger davantage au partage des terres; & que certainement ils préféreroient à un morceau de terre qu'ils feroient obligez de cultiver, du grain, de l'argent, & une fubfiftance affurée pendant toute la campagne ;-& ̈ qu'il ne fçavoit point de moyen plus fûr pour réformer d'anciens abus, que de rétablir les chofes dans l'efprit de leur premiere infti

tution. Thatodi

A. Sempronius Atratinus perfo

1

nage révéré dans le Sénat, approuva hautement l'avis d'Appius: il y ajouta feulement qu'il falloit faire entendre aux alliez, & à ces peuples qui venoient d'être faits Citoyens de Rome, qu'il n'étoit pas jufte qu'ils entraffent en partage des terres que les Romains avoient conquifes avant leur alliance; que chaque Nation quoi qu'alliée pouvoit difpofer comme elle le jugeroit à propos de fon territoire & de fes conquêtes; qu'à l'égard des terres dont on fe rendroit maître à forces communes, la République dans le partage qui en feroit fait, auroit égard au fecours qu'elle auroit tiré de fes alliez.

L'avis de ces deux Senateurs forma le Sénatus- Confulte. Mais comme ces terres de conquête faifoient tout le bien des premiers de Rome, la plupart des Sénateurs que le Reglement alloit ruiner, ajouterent au Sénatus-Confulte, & pour en éloigner l'execution qu'attendu que le Confulat de Caffius & de Virginius étoit prêt d'expirer, leurs fucceffeurs immé diars Quintus Fabius & Servius

« AnteriorContinuar »