raifons à ceux des Plébeïens qui leur paroiffoient les plus raifonnables. La plus vile populace au contraire prévenue par fes Tribuns, demandoit avec de grands cris qu'on délivrât les bulletins, & qu'on recueillît les fuffrages; mais les plus jeunes Sénateurs & les Patriciens firent échouer ce projet. Quintius Cefon fils de Quintius Cincinnatus, perfonna- An de Rege illuftre & Confulaire, étoit à me 292. leur tête il fe jette dans la foule, frappe & écarte tout ce qui fe préfentoit devant lui: & à la faveur de ce tumulte qu'il avoit excité exprès, il diffipe l'affemblée malgré les Tribuns qui firent inutilement ce qu'ils purent pour la re

tenir.

Les Sénateurs & les Patriciens donnerent à Cefon des louanges qui ne fervirent qu'à exciter encore davantage fon audace & fon animofité contre le peuple. C'étoit un jeune homme d'une figure agréable, d'une taille avantageufe,& d'une force de corps extraordinaire naturellement fier, hardi & intrépide, il ne connoiffoit

point le péril, & il s'étoit déja diftingué à la guerre par des actions d'une valeur furprenante. Comme il n'avoit pas moins d'éloquence que de courage, & qu'il étoit toujours le premier à répondre aux harangues féditieuses des Tribuns, ces Magiftrats outrez de trouver en lui feul l'animofité de tous les Patriciens, conjurerent fa perte. Après être convenus entr'eux des chefs d'accufation, A. Virginius le fit citer devant l'Affemblée du Peuple.

Tant que Cefon s'étoit trouvé dans la chaleur des difputes, foutenu par les applaudiffemens du Sénat, qui flatoient fa vanité, il avoit toujours fait paroître beaucoup de fermeté & de conftance. Mais tout fon courage l'abandonna la veille de fon jugement. L'exemple de Coriolan fit alors une vive impreffion fur fon efprit. On le vit timide, effrayé, fe reprochanr le passé, redoutant l'avenir, & tout prêt à changer honteufement de parti. Il prit des habits de deuil, & avec une contenance trifte & humiliée, il re

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cherchoir avec baffeffe la faveur des moindres Plébeïens.

Le lendemain, & le jour même qu'on devoit traiter de fon affaire, il n'ofa paroître devant le peuple. Il fallut que fon pere accompagné de fes parens & de fes amis, fe préfentât pour lui. A. Virginius commença fon accufation par les reproches qu'il fit à Cefon de fon humeur impérieufe, de fon manque de refpect pour les Affemblées du peuple, & des violences qu'il y avoit exercées contre les particuliers. » Et que deviendra notre liberté, s'écrioit Virginius, quand les Patriciens auront élevé au « Confulat ce jeune ambitieux, qui n'étant encore que perfonne pri- « vée, caufe déja de juftes allar « mes à fa patrie par fa violence & « fon audace? Il produifit enfuite tous les Plébeïens que Cefon avoit maltraitez, & qui demandoiens juftice. Ses parens & fes amis ne s'amuferent point à le vouloir difculper de ces prétendues violences; ils ne répondirent aux invec tives du Tribun que par les louanges de l'accusé. Les uns rapporte

rent tous les combats où il s'étoit fignalé; d'autres nommoient les citoyens aufquels dans des batailles il avoit fauvé la vie. T. QuintiusCapitolinus qui avoit été trois fois Conful, dit qu'il l'avoit mené à la guerre ; qu'à fes yeux il étoit forti vainqueur de plufieurs combats finguliers qu'il avoit foutenus contre les plus braves des ennemis, & qu'il l'avoit toujours regardé comme le premier foldat de fon Armée. Lucretius qui avoit été Conful l'année précédente, ajoutoit qu'il étoit de l'intérêt de la République de conferver un citoyen fi accompli, & que l'âge en augmentant fa prudence, empor1.3. c. 12 teroit chaque jour quelque chofe D. H.1.10, de ce caractere impétueux qui le rendoit odieux à la multitude.

Tit. Liv.

L. Quintius Cincinnatus fon pere, l'homme de fon fiécle le plus eftimé pour fa capacité dans le gouvernement de l'Etat, & dans le commandement des Armées, fe contenta de prier le peuple de pardonner au fils, en faveur d'un pere qui n'avoit jamais offensé aucun citoyen. Le respect & la vénéra

tion qu'on avoit pour cet illuftre Vieillard commençoit à adoucir les efprits. Mais Virginius qui avoit réfolu de perdre Cefon, répondit à Cincinnatus que fon fils étoit d'autant plus coupable qu'il n'avoit pas fçû profiter des exemples d'un pere comme lui. Qu'il nourriffoit dans fa maifon le tyran de fa patrie, & que les grands exemples de fes ancêtres devoient lui avoir appris à préférer la liberté publique à fes propres enfans. » Et afin, dit ce Tribun, en fe tour- « nant vers le peuple, qu'il ne pa- « roiffe pas que je veuille en impo- « fer, je confens, fi on le veut, « qu'on ne parle point ici ni des « difcours injurieux que Cefon a « tenus dans nos affemblées con- « tre le peuple, ni des violences « qu'il a exercées contre de meil- « leurs citoyens que lui. Mais je deinande que M. Volfcius mon « Collegue foit entendu fur des « plaintes particulieres qu'il a à « faire contre lui ; & j'efpere que « le peuple ne laiffera pas fans « vengeance un de fes Magiftrats fi cruellement outragé. Pour lors.c