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un homme dévoué aux Dieux infernaux. Les Confuls, quoique les premiers Magiftrats de la République, ne purent l'arracher des mains de ceux qui étoient fes Juges & fes parties.

Le Sénat tâcha de gagner quelqu'un des Tribuns qui pût s'oppofer à cette fureur d'un de fes Collegues; mais Icilius avoit pris les devans, & il avoit repréfenté fi vivement à tout le College des Tribuns que la puiffance & la force de leur Charge confiftoit dans leurunion, qu'ils étoient conve nus qu'aucun ne formeroit d'oppofition à ce qui auroit été arrêté entr'eux à la pluralité des voix. Ainfi le malheureux Liceur fe voyoit à la veille de périr pour avoir abeï trop ponctuellement aux: ordres des Confuls. Il fallut pour le fauver que le Sénat entrât en compofition avec les Tribuns. Le Licteur fut à la verité mis en liberté mais il fallut ceder le Mont Aventin au peuple, par un Sénatus-Confulte : & ce qui fit une breche considérable à l'autorité des Confuls, c'eft que les Tribuns, à

'An de Rome 298.

l'exemple d'Icilius, fe maintinrent dans la poffeffion de convoquer le Sénat; eux qui dans leur inftitution n'ofoient entrer dans un lieu fi refpectable s'ils n'y étoient appellez, & qui attendoient fous un portique les ordres de la Compagnie comme de fimples Officiers. Ils n'en demeurerent pas là, & Icilius le plus hardi & le plus entreprenant des Tribuns, ayant été continué dans cette Magiftrature pour l'année fuivante, fit deffein d'affujettir les Confuls même fous fon empire, & d'obliger ces premiers Magiftrats de la République, quoique revêtus de la fouveraine puiffance, de fubir le jugement de Ï'Affemblée du Peuple.

T. Romilius & C. Veturius qui étoient Confuls cette année, ayant reconnu que l'intérieur de l'Etat n'étoit jamais plus tranquille que quand on portoit fes armes au dehors, réfolurent de faire la guerre aux Eques & aux Sabins pour fe vanger de leurs brigandages & de leurs irruptions continuelles. Il étoit queftion de lever des troupes & de faire fortir les Legions de Ro

me. Les Confuls, mais Romilius fur tout, Magiftrat naturellement fier & fevere, leverent ces troupes, & procederent à l'enrôlement des Plébeïens avec une rigueur peu convenable à la difpofition préfen-.: te des efprits. Ils n'admettoient aucune excufe, & ils condamnoient à de groffes amandes ceux qui ne fe préfentoient pas auffi-tôt qu'ils étoient appellez. Romilius en fit même arrêter plufieurs, qui fous differens prétextes vouloient fe dif penfer de marcher cette année en campagne. Les Tribuns ne manquerent pas de prendre leur défenfe, & ils tenterent d'enlever ces prifonniers des mains des Liceurs. Les Confuls s'avancerent pour foutenir l'execution de leur Ordonnance: les Tribuns irritez de leur oppofition, & foutenus de la populace en furie, furent assez hardis pour vouloir arrêter les Confuls même, & pour commander aux Ediles de les conduire dans les prifons publiques. Cet attentat contre les fouverains Magiftrats de la République augmente le tumulte; les Patriciens indignez de l'audace

& de l'infolence de ces Tribuns, fe jettent dans la foule, frappent indifferemment tout ce qui leur fait résistance, diffipent l'affemblée, & obligent les Tribuns après avoir été bien batus, à s'enfuir comme les autres. Ceux-ci confus & irritez du mauvais fuccès de leur entreprises, convoquerent l'affemblée pour le jour fuivant, & il eurent foin d'y faire venir la plûpart des Plébeïens de la campagne. L'affemblée fut nombreuse;les Tribuns fe voyant les plus forts, firent citer les deux Confuls, comme ils auroient pu faire de fimples particuliers; & l'Appariteur les fomma de venir rendre compte devant l'Affemblée du Peuple de ce qui s'étoit paffé dans la place le jour précedent: les Confuls rejetterent la citation avec mépris. Pour lors les Tribuns qui fe fatoient que le Sénat les obligeroit, comme Coriolan & Cefon, à reconnoître l'autorité de l'Affemblée du Peuple, & à fe foumettre à fon Jugement, fe rendirent au Palais. Après avoir été introduits dans le Sénat, ils demanderent justice de la violence

ou que

qu'ils prétendoient que les Con fuls leur avoient faite. Ils ajouterent qu'on venoit dans leurs perfonnes de violer les Loix facrées du Tribunat; qu'ils efperoient que le Sénat ne laifferoit pas un fi grand crime fanspunition, & qu'ils requeroient avant toute chofe les Confuls fe purgeaffent par ferment d'avoir eu part au dernier tumulte, ou, fi un juste remord les empêchoit de faire ce ferment, qu'ils fuffent condamnez par u nSénatus-Confulte à fe préfenter devant l'Affemblée du Peuple, & à en fubir le Jugement. Romilius prit la parole, & leur reprocha avec beaucoup de hauteur, qu'eux feuls en empêchant la levée des foldats, étoient les auteurs de ce tumulte; qu'ils avoient porté leur audace jufqu'à vouloir faire arrêter les Confuls, les fouverains Magiftrats de la République; qu'ils ofoient encore les menacer en plein Sénat de leur faire fubir le jugement du peuple, eux qui n'y pouvoient pas traduire le dernier des Patriciens fans un Sénatus-Confulte exprès. Mais qu'il

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