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donné huit autres Couronnes pour avoir retiré des mains des ennemis les Etendarts des Légions; qu'il confervoit dans fa maifon quatre vingts colliers d'or, plus de foixante braffelets, des javelots dorez, des armes magnifiques, & des harnois de cheval, comme le témoignage & la récompenfe des victoires qu'il avoit remportées dans des combats finguliers, & qui s'étoient paffez à la tête des Armées. Que cependant on n'avoit eu aucun égard à toutes ces marques honorables de fes fervices, & que ni lui nitant de braves foldats qui aux dépens de leur fang avoient acquis à la République la meilleure partie de fon territoire, n'en poffedoient pas la moindre portion. Que leurs propres conquêtes étoient devenuës la proye de quelques Patriciens qui n'avoient pour mérite que la Nobleffe de leur origine, & la recommandation de leur nom. Qu'il n'y en avoit aucun qui pût juftifier par titres la poffef fion légitime de ces terres; à moins qu'ils ne regardaffent les biens de l'Etat comme leur patrimoine, & T

Tome 1.

les Plébeïens comme de vils escla ves, indignes d'avoir part à la fortune de la République. Mais qu'il étoit temps que ce peuple genereux fe fit juftice à lui-même, & Varro de qu'il devoit faire voir fur la place, Lingua, & en autorisant fur le champla Loi D. H. 1. 10. du partage des terres, qu'il n'avoit pas moins de fermeté pour foutenir les propofitions de fes Tribuns, qu'il avoit montré de courage en campagne contre les ennemis de l'Etat.

Icilius donna de grandes louanges à l'auteur de ce difcours. Mais comme il affectoit de paroiftre exact obfervateur des Loix, il lui représenta qu'on ne pouvoit avec jultice refufer aux Patriciens de les entendre fur les raifons qu'il leur plairoit d'alleguer contre la Loi: & il remit l'affemblée au jour fui

vant.

Les deux Confuls tinrent des conferences fecrettes pendant une partie de la nuit avec les principaux du Sénat fur les mefures qu'on devoit prendre pour refifter aux entreprises du Tribun. Après différens avis on convint d'em

ployer d'abord les manieres les plus infinuantes, & tout l'art de la parole pour gagner le peuple, & le détourner de la publication de la Loi: mais que fi animé par fes Tribuns, il perfiftoit à vouloir donner fes fuffrages, on s'y oppoferoit hautement, & qu'on employeroit même les voyes de fait. On fit dire à tous les Patriciens qu'ils fe trouvaffent de grand matin dans la place avec leurs amis & leurs Cliens ; qu'une partie environnât la Tribune aux Harangues pour empêcher les Tribuns de s'y rendre les plus forts, & que le reste de la Nobleffe fe difpersât par pelotons dans l'affemblée pour s'oppofer à la diftribution des bulletins.

Les Patriciens ne manquerent pas de fe trouver fur la place de = grand matin, & ils occuperent tous les poftes dont on étoit convenu. Les Confuls étant arrivez, les Tribuns firent auffi-tôt publier par un Heraut que fi quelque citoyenvouloit propofer des moyens folides d'oppofition à la publication de la Loi, il lui étoit permis de monter à la Tribune aux Ha

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rangues, & de repréfenter fes raifons au peuple. Plufieurs Sénateurs s'y présenterent fucceffivement; mais fi-tôt qu'ils commençoient à parler, une troupe infolente de petit peuple apoftée par les Tribuns pouffoit des cris confus qui empêchoient qu'on ne les pût entendre. Les Confuls indignez de cette infolence, protefterent hautement contre tout ce qui fe pourroit paffer dans une af femblée fi tumultueufe. Pour lors les Tribuns levant le mafque, leur répondirent avec beaucoup de fierté, que leur proteftation n'empêcheroit point la publication de la Loi; qu'il y avoit trop long-temps qu'on amufoit le peuple par de vains difcours, dont la longueur affectée ne tendoit qu'à éloigner la décision de cette affaire, & qu'il falloit enfin que les fuffrages de l'affemblée en décidassent: & làdeffus Icilius commanda qu'on ouvritles Urnes,&qu'on distribuât les bulletins au peuple. Les Officiers s'étant mis en état d'executer fes ordres, de jeunes Patriciens des premieres maifons de la Républi

que, ayant pris ce commandement pour le fignal dont ils étoient con= venus fecretement entr'eux, enleEverent les Urnes, &répandirent les bulletins. D'autres escortez de leurs amis & de leurs Cliens, fe jettent dans la foule, pouffent, frappent&écartent le peuple, & demeurent enfin les maîtres de la place. Les Tribuns outrez qu'on eût ainfi déconcerté leurs mefures, fe retirerent les derniers, mais ils convoquerent l'affemblée pour le jour fuivant: & après s'être plaints qu'on eût violé fi ouvertement la majefté du Peuple Romain, ils demanderent qu'il leur fût permis d'informer contre les auteurs du tumulte, ce qui leur fut accordé fur le champ.

Ils ne manquerent point de témoins, qui dépoferent unanimement que ce défordre avoit été excité par la plupart des jeunes Patriciens. Mais comme leur grand nombre leur fervoit en quelque maniere d'azile, & qu'il n'y avoit pas moyen de comprendre dans l'information tous les Patriciens de la République, les Tribuns qui cher

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