Tit. Liv. Manius Valerius fils de Volesius. An de Ro C'étoit un Consulaire âgé de plus me 259. de soixante & dix ans, & d'une Dec. 1. 1.2. maison dont le peuple n'avoit à D. H. 1. 6. craindre ni orgueil ni injustice. Le Dictateur, Plébéïen d'inclination, nomma pour Général de la Cavalerie, Quintus Servilius frere de celui qui avoit été Conful, & qui trouvoit comme lui, qu'il y avoit de la justice dans les plaintes du peuple: il convoqua ensuite une Assemblée générale dans la place des Comices. Il y parut avec une contenance grave & modeste tout ensemble; & adressant la parole au peuple, il lui dit, qu'il ne devoit pas craindre que sa liberté, ni la Loi Valeria, qui en étoit le plus ferme appui, fussent en danger sous un Dictateur de la famille de Valerius Publicola. Qu'il n'étoit point monté sur son Tribunal pour les séduire par de fausses promesses; qu'il falloit à la vérité marcher aux ennemis qui s'avançoient du côté de Rome, mais qu'il s'engageoit en son nom, & de la part du Sénat, de leur don ner au retour de la campagne une entiere satisfaction sur leurs plaintes; » & en attendant, dit il, par >> la puissance souveraine dont je >> fuis revêtu, je déclare libre vos >>> personnes, vos terres & vos biens. >> Je suspends l'effet de toute obli>>>gation dont on pourroit se sér>> vir pour vous inquietter: venez >> nous aider à vous conquérir de >> nouvelles terres sur nos enne>> mis. Ce discours remplit le peuple d'espérance & de confolation. Tout le monde prit les armes avec joye, & on leva dix Légions Md. Ibid, complettes: on en donna trois à chaque Conful, le Dictateur s'en réserva quatre. Les Romains marcherent aux ennemis par différens endroits : le Dictateur battit les Sabins, & le Consul Vetusius remporta une victoire signalée fur les Volsques, prit leur camp & enfuite Velitre, où il entra l'épée à la main, en poursuivant les vaincus; & A. Virginius l'autre Consul défit les Eques, & remporta une victoire que la fuite précipitée des ennemis rendit peu Kanglante. : Le Sénat qui craignoit que les foldats de retour ne demandassent au Dictateur l'éxecution de ses promesses, lui fit dire, & aux deux Confuls, de les retenir toujours sous les enseignes, sous prétexte que la guerre n'étoit pas terminée. Les deux Confuls obéïrent; mais le Dictateur dont l'autorité étoit plus indépendante du Sénat, licentia son armée. Il déclara fes foldats absous du serment qu'ils avoient prêté en s'enrôlant; & pour donner une nouvelle preuve de fon affection pour le peuple, il tira de cet Ordre quatre cens des plus considérables qu'il fit entrer dans celui des Chevaliers. Il fut ensuite au Sénat, & il demanda qu'on eût par un Sénatus-Consulte à dégager sa parole, & à abolir toutes les detres. Les plus anciens Sénateurs, & les plus gens de bien, si on en excepte Appius, étoient de cet avis. Mais la cabale des riches l'emporta, & ils étoient foutenus par les jeunes Sénateurs qui croyoient qu'on diminuoit de l'autorité du Sénat tout ce qu'on proposoit en faveur du foulage ment du peuple. Il y en eut même plusieurs qui se prévalant de l'extrême bonté du Dictateur, lui reprocherent qu'il recherchoit avec bafsesse les applaudissemens d'une vile populace. Sa proposition fut rejettée avec de grands cris; & ou lui fit fentir que s'il n'eût pas été au dessus des Loix par sa dignité, le Sénat lui auroit fait rendre compte du congé qu'il avoit donné à ses soldats, comme d'un attentat contre les Loix militaires, & fur tout dans une conjoncture où les ennemis de la République étoient encore en armes. >>> Je vois bien, leur dit ce vénéD. H. 1.6. » rable Vieillard, que je ne vous >> suis pas agréable: on me repro>> che d'être trop populaire; faf>> fent les Dieux que tous les dé>> fenseurs du Peuple Romain qui >> s'éleveront dans la suite me ref>> semblent, & foient aussi modé>> rez que je le suis. Mais n'atten>>> dez pas que je trompe des ci>> toyens, qui sur ma parole ont pris >> les armes, & qui au prix de leur >> sang viennent de triompher de >> vos ennemis. Une guerre étran gers gere & nos diffentions domefti- « ques ont été cause que la Répu- « blique m'a honoré de la Dictatu-co re. Nous avons la paix au dehors & on m'empêche de l'établir au « dedans; ainsi mon miniftere de- « venant inutile, j'ai résolu d'abdi- « quer cette grande dignité. J'aime mieux voir la fédition comme personne privée, qu'avec le titre << de Dictateur. « En finissant ces mots, il fortit brusquement du Sénat, & convoqua une Assemblée du Peuple. Quand l'Assemblée fut formée, il y parut avec toutes les marques de sa dignité; il rendit graces d'abord au Peuple de la promptitude avec laquelle, sur ses ordres, il avoit pris les armes; & il donna en même temps de grandes loüanges à la valeur & au courage qu'il avoit fait paroître contre les ennemis de la République. "Vous avez, dit-il, en bons citoyens fatisfait « à votre devoir. Ce feroit à moi « à m'acquitter à mon tour de la parole que je vous ai donnée; « mais une brigue plus puissante << que l'autorité même d'un Dicta- « こ |