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XIV.

On continue

à perfécuter les herétiques

De Thou. hift.

Aib. 17.

Pendant que cela fe paffoit à Rome, le conseil AN. 1555. d'Angleterre ayant été informé que l'indulgence des juges de paix, particulierement de la province de Norfolk, retardoit l'exécution des ordonnances de la Reine contre les hérétiques, on leur on leur envoya des instructions, pour s'informer avec plus de foin de ce qui fe pafferoit, appuyer les prédicateurs catholiques, & chaffer ceux qui prêcheroient l'héréfie, ou qui rejetteroient les cérémonies de l'Eglife Romaine. Er leurs majeftez écrivirent à Bonner qui fe relâchoit un peu de cette féverité, qu'il avoit fait paroître au commencement, pour l'engager à redoubler fes foins dans la pourfuite des hérétiques, felon la rigueur des ordonnances, s'ils demeuroient obstinez. Cette lettre fut cause que Bradfort qui avoit été condamné depuis quelque tems, mais dont on avoit differé le fupplice; fût brûlé dans le mois de Juillet. Quelque tems auparavant, c'està-dire le trente de Mai un profeffeur en théologie nommé Jean Cardmaker, & un tapiffier de Londres appellé Jean Warne furent auffi brûlez à Smithfield. Le dix de Juin Thomas Hawkes gentilhomme de la province d'Effex fut exécuté à Coxhall & beaucoup d'autres entre lefquels fe trouverent Ridley & Latimer. Le premier avoit été évêque de Londres, & le fecond de Worchefter fous le regne d'Henri VIII. Tous deux fouffrirent la mort dans le mois de Novembre.

Le 4. de Septembre précédent le roi Philippe étoit parti d'Angleterre, fort dégoûté de la reine qui n'avoit ni affez de beauté,ni affez dejeunesse pour lui plaire,&dont la sterilité d'ailleurs le mortifioit beaucoup.

Cependant

Cependant il allégua pour motifs de fon voïage,qu'il devoit donner fes foins aux roïaumes dont fa nail- AN. 1555. fance le mettoit en poffeffion, répondre à l'intention que Charles V. fon pere avoit de lui remettre le gouvernement de ses états, & veiller aux affaires que pouvoit entraîner après foi la mort de la princeffe Jeanne fa mere,qu'il venoit de perdre dans la ville de Tordefilla, en Espagne le quatrième d'Avril dans fa foixante-treizième année. Philippe arriva à Bruxelles le même jour auquel l'empereur venoit de recevoir un courier dépêché par Jean Manriqués fon ambassadeur à Rome, qui lui mandoit que le pape donnoit continuellement des marques d'une grande aversion contre la maison d'Autriche. Charles apprit cette nouvelle à Philippe fon fils,qui se laissant aller auffi-tôt à l'ardeur de fa jeuneffe, dit que fi l'on vouloit fuivre son avis, on fe déclareroit ouvertement contre le pape, & qu'on fui feroit fentir quel étoit le pouvoir de la maison d'Autriche. Mais l'empereur plus moderé lui remontra qu'il falloit agir avec plus de douceur, & que l'on obtiendroit plus par la modération, que par une vivacité hors d'oeuvre. Suivant ces fentimens, il écrivit à son ambassadeur à Rome, qu'il lui ordonnoit de faluer le pape de fa part, & de l'affurer de fa venération filiale.

X V. Philippe part

d'Angleterre & trouver l'empe

vient en Flandre

Quelque tems après, Charles voulant exécuter réellement ce qu'il avoit promis à fon fils, touchant la ceffion des Provinces des Pays-Bas, & du roïaume d'Espagne, il fit affembler les Etats, & D. Antonio de les grands de fa Cour, & fit cette ceffion en leur prefence,le vingt-cinq d'Octobre 1555. Cette action - 285. & 290.

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reur.

Vera hift. de

Charl. v. pag.

AN. 1555.

XVI.

à Philippe fon

fils,

D.Ant. de Vera

pag. 291. Famian. Strad.

lib 1.

de Bill Belgico D: Tou in hift.

lib. 16. n. 11.

fe fit avec beaucoup de pompe & d'éclat.

Charles étoit affis fur un trône,ayant à fa droite Philippe fon fils, Maximilien roi de Bohême, & de les Pays-Bas Emmanuel Philibert duc de Savoye, à la gauche fes fœurs Eleonore reine de France doüairiere, Mabijt. de Charrie reine de Hongrie, toutes deux veuves, Marie reine de Bohême, & Chriftienne fille du Roi de Danemark, & ducheffe de Lorraine. Il créa premierement felon les cérémonies ordinaires Philippe grand maître de l'ordre de la Toifon d'Or : enfuite il commanda à Philibert de Bruxelles confeiller d'état, d'expofer à l'affemblée le fujet pour lequel on l'avoit convoquée. Sur cet ordre, Philibert dit, que l'empereur affoibli, & abbattu par des maladies qui augmentoient de jour en jour, se sentoit averti de mettre ordre à fes dernieres affaires, & de fe décharger du poids du gouvernement qu'il ne pouvoit plus fupporter,ni pour fa gloire, ni felon la dignité de l'Empire, entre les mains de Philippe fon fils roi d'Angleterre, que fon âge & fa fageffe rendoient capable de foutenir un fardeau fi honorable, & en même tems fi pefant. Qu'ainfi l'empereur fe dépouilloit entierement de la domination des Pays-Bas & de la Bourgogne : Qu'il prioit Dieu que ce deffein réüssit ce deffein réüffit pour fon repos, à l'avantage du roi fon fils, & au bien de fes Provinces. Qu'il remettoit aux peuples le ferment de fidelité qu'ils lui avoient fait, & que de fon propre mouvement, il donnoit à Philippe fon fils roi d'Angleterre les droits & la poffeffion des Pays-Bas & de la Bourgogne.

Pendant que Philibert parloit, l'empereur te

nant un papier à la main, fe leva, & s'appuyant
fur l'épaule de Guillaume prince d'Orange,
il in-
terrompit Philibert, pour haranguer de lui-même
l'affemblée. Il commença par un récit en François
de tout ce qu'il avoit fait depuis l'âge de dix-fept
ans, jusqu'au present jour. Il dit qu'il avoit fait neuf
voyages en Allemagne, fix en Espagne, quatre en
France, dix aux Pays-Bas, deux en Angleterre, au-
tant en Afrique & qu'il avoit traverse onze fois la
mer. Il parla des guerres, des paix,des alliances qu'il
avoit faites, & expofa ces chofes avec plus d'ordre
& de magnificence que de préfomption & d'or-
guëil. Il ajoûta qu'il ne s'étoit jamais propofé d'au-
tre fin dans toutes les entreprises, que la défenfe
de la religion & de l'état. Que tant qu'il avoit eû
de la fanté, il avoit par la grace de Dieu heureu-
fement réaffi dans fes deffeins: Qu'il n'y avoit
que fes ennemis qui fupportaflent à regret qu'il eût
vécû, & qu'il eût regné. Il reconnut que l'hérésie
de Luther, auffi-bien que de fes protecteurs, &
l'envie de quelques princes chrétiens l'avoient em-
baraffé pour quelque tems; ce qui avoit été cause
qu'il n'avoit pû réüffir en tout, ni exécuter tous fes
deffeins. Que fon regne n'avoit été qu'une longue
fuite de travaux; mais qu'il n'avoit jamais eû de
plus grande peine que celle qu'il reflentoit alors de
les quitter; Qu'il profitoit de la tranquillité de fon
efprit, pour exécuter une réfolution qu'il avoit prise
à loifir; Que les forces lui manquoient, & qu'il
approchoit de fa derniere heure, & que pour un
vieillard infirme, dont la meilleure partie étoit déja
dans le tombeau, il leur donnoit un prince vigou-

AN. 1555:

XVII, Difcours de Charles V.à l'af

femblée. Belgico. lib. 1.

Str ad. de Bell.

Ant. de Vera hist. de Charle

pag. 292.

reux & recommandable par une jeuneffe, & par AN. 1555. une vertu floriffante. Qu'il les prioit de lui obéir, de demeurer fermes dans la religion catholique & de lui pardonner les fautes qu'il pouvoit avoir commifes au milieu des foins du gouvernement.

XVIII. Autre difcours

de l'Empereur à Strada ibidut.

fon fils.

fupra.

Insuite adressant la parole à fon fils. Si vous fuffiez entré par ma mort, lui dit-il, dans la poffeffion de tant de Provinces, j'aurois fans doute mérité quelque chofe d'un fils, pour lui avoir laissé un si riche héritage: mais puisque cette grande fucceffion ne vous vient pas aujourd'hui de la néceffité de ma mort, mais feulement de ma volonté; & que votre pere a pour ainfi dire voulu mourir devant le tems, pour vous faire joüir par avance du bénéfice de fa mort; je vous demande avec raifon, que vous donniez au foin, & à l'amour de vos peuples, tout ce que vous femblez me devoir, pour vous avoir avancé la joüiffance des états que je vous donne. Les autres fe réjouiffent d'avoir donné la vie à leurs enfans, & de leur pouvoir laiffer des roïaumes: mais j'ai voulu ôter à la mort la gloire de vous faire ce don m'imaginant recevoir une double joye, fi comme vous vivez par moi, je vous voyois regner par moi. Il y en aura peu qui imiteront mon exemple, comme à peine en ai-je trouvé que j'aye pû imiter dans tous les fiecles paffez.

Mais au moins on loüera mon dessein, lorsqu'on verra que vous méritiez que l'on commençât par vous,& on le verra fi vous confervez cette fageffe que vous avez fuivie jufqu'ici, fi vous avez toûjours dans l'ame la crainte du maître fouverain de toutes chofes,

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