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Lafitte

LETTRES

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SUR

L'ASTRONOMIE PRATIQUE.

LETTRE PREMIERE.

N'EST-CE

A Bareges le premier Juillet 1777

'EST-CE pas, Monfieur, trop exiger de moi de vouloir que je vous renouvelle par écrit, dans mes lettres & à mesure que l'occafion s'en présentera, les préceptes & les inftructions d'Aftronomie pratique que je vous ai donnés de vive voix dans mon obfervatoire. Ce qui étoit aifé, pour ainfi dire, les armes à la main, devient plus difficile par un détail que l'exemple ne réalise pas fur-le-champ ; & deux mots, dans l'obfervatoire & l'œil à la lunette, ne fauroient être. remplacés par dix pages d'inftructions.

Uniquement occupé, dans ces montagnes délicieufes, du foin de rétablir une fanté délabrée; jouiffant paisiblement d'un fpectacle charmant, inconnu à vous autres habitants des plaines, & évaluant à son juste prix le frêle avantage de la science, qui n'alonge pas

A

notre carriere d'un jour, il m'en coûte pour tourner mes regards vers tout autre objet que celui de la nature.

que

Je fens bien, qu'à peine entrant dans la carriere Aftronomique, vous devez, fans guide, vous trouver fouvent embarraffé; que votre ardeur pour avancer doit rencontrer des obstacles que ma feule présence leveroit promptement: mais vous facrifier mon goût pour la pareffe, m'affujettir à une forte de travail le manque abfolu de livres rendra nécessairement plus pénible, eft un excès de complaifance dont vous devez bien me favoir gré. Il faut, je vous l'avoue, toute mon amitié pour vous, & tout l'espoir que j'ai conçu vos premiers progrès dans affez peu de temps, pour ne pas me refuser à vos inftances.

de

Me voilà donc déterminé à vous fatisfaire, mais, pour mettre plus d'ordre dans mes instructions, je reprendrai les chofes ab ovo; je vous fuppoferai fans obfervatoire, fans inftruments, & avec le feul defir de devenir bon obfervateur; car pour la théorie, qu'il faut toujours faire marcher de front, vous avez dans ma bibliotheque tout ce que vous pouvez defirer à cet égard les ouvrages des MM. de la Caille, le Monnier, de la Lande, &c. vous offrent des fecours bien plus puissants que tous ceux que vous pourriez -attendre de moi.

Je ne vous écrirai vraisemblablement pas tout, ni de la meilleure maniere poffible; l'art d'observer a été, pour ainfi dire, jufqu'à préfent renfermé dans une forte de tradition orale. Nul Ouvrage ex profeffo fur

cette matiere, fi ce n'eft peut-être le quatorzieme livre de l'Aftronomie de M. de la Lande, où l'on defireroit de trouver beaucoup plus de détails; & il feroit bien à defirer que quelqu'un des Maîtres de l'Art voulût l'entreprendre, dans un moment où les obfervatoires se multiplient en Europe, & où les navigateurs courent les mers pour y déterminer la position des continents, caps, ifles, &c. & rectifier la géographie, qui en a fi grand befoin.

Chacun a fa maniere d'obferver, de placer les inftruments, de les vérifier, &c. Je vous apprendrai la mienne; vous ferez toujours à temps de vous rectifier, lorfque vous trouverez mieux ailleurs, & cela avec d'autant plus de facilité, que vous aurez des avances à cet égard: je ne citerai aucun ouvrage, n'en ayant d'autre ici que la connoiffance des temps, mes journaux & les tables de Gardiner.

Mes lettres ne fe fuccéderont pas régulièrement; Des rochers à gravir, des montagnes à parcourir, des cabanes à visiter, des plantes à cueillir, &c. les interrompront; je vous donnerai mes loisirs, & non mon temps. Les matieres que j'y traiterai feront communément relatives à vos réponses & à vos questions; je ne vous promets pas d'aller jufqu'au bout. Un malade ne doit point former de projets; c'eft même une folie quand on fe porte bien.

Je fuis, &c.

LETTRE IL

A Bareges le 10 Juillet 1777.

Il n'eft plus temps de fe dédire, Monfieur, & pour

remplir les engagements contractés dans ma derniere lettre, je vais vous entretenir dans celle-ci de la conftruction d'un obfervatoire & des inftruments néceffaires à un obfervateur; la position la plus avantageufe, pour un obfervatoire, feroit fans contredit, d'être fitué au rez-de-chauffée, ifolé de toutes parts, & ayant un ciel découvert de tous les côtés jufqu'à l'horizon; mais il eft extrêmement rare, pour ne pas dire impoffible, de fe trouver dans ce cas là dans les villes, ainfi je ne vous parlerai que des obfervatoires placés au faîte des maisons, tels que le mien, & des précautions à prendre, dans ce cas, le plus ordinaire. La stabilité & la folidité complete d'un obfervatoire font les premieres qualités qu'on doit lui procurer; de bons murs anciens, s'il eft poffible, d'un pied d'épaiffeur au moins; bien crepis en dehors à chaux & à fable, fur-tout du côté du mauvais temps, pour éviter l'humidité intérieure, très nuifible aux inftruments, fur-tout à ceux de cuivre qu'elle dégrade & dévore très promptement.

L'efpace intérieur ne doit pas avoir moins de douze Fieds dans la plus petite dimension, ainfi que l'élévation; il doit être plafoné en plâtre pour diminuer

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