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HISTOIRE

D'ÉLISABETH,

REINE D'ANGLETERRE.

ÉLISA

LISABETH n'étoit pas seulement attentive à entretenir les troubles de l'Ecosse et à diriger 1567. la conduite du comte de Murray; la France agitée par de violentes dissentions intérieures 5 les Pays-Bas menacés des plus grandes révolutions; l'Allemagne, où la reine d'Angleterre ménageoit des appuis aux françois et aux flamands; l'Irlande, toujours prête à secouer un joug qu'elle n'a jamais porté qu'avec une indignation secrète; enfin les différens partis qui troubloient encore le repos de l'Angleterre, partageoient les soins et l'attention de cette princesse. Elle veilloit en même temps sur quatre grands états de l'Europe, et sur les démarches

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567. de deux souverains redoutables, Catherine de Médicis et le roi d'Espagne. Les troubles augmentoient de toutes parts en Europe; l'Angle terre seule ne voyoit point les guerres civiles et les guerres étrangères déchirer son sein: si elle fut agitée quelquefois par des factions, Elisabeth eut l'art d'y mettre un frein; les troubles qu'elles excitèrent furent légers, et ne causèrent jamais ni de violentes secousses dans le royaume, ni de fortes inquiétudes à l'habile souveraine, qui ne leur laissa jamais le temps de devenir puissantes et redoutables.

Les Pays-Bas avoient vu leurs principales villes ravagées par les protestans du parti des princes d'Orange et d'Egmont. Anvers, Valenciennes, Ypres, Bolduc, Mastricht, plusieurs villes de Hollande et des dix-sept provinces, dont les églises avoient été profanées, pillées, des autels brisés, les ministres outragés, attestoient l'injustice de la domination espagnole, de désespoir du peuple, et ne présageoient que des événemens terribles. Le voyage de Bayonne avoit porté dans l'ame des françois une terreur que rien ne pouvoit dissiper. Ce n'étoient pas les artifices de Catherine de Médicis qui pouvoient rassurer des cœurs pleins d'effroi: elle avoit tant de fois trompé les deux partis, que rien ne pouvoit lui rendre la confiance des protestans, et qu'il lui falloit de grands atten

tats pour en inspirer aux catholiques. Ce n'étoient 1567 pas non plus les dispositions du jeune roi; rien n'annonçoit en lui ni clémence ni bonté. Son zèle pour sa religion étoit sanguinaire; on ne lui avoit inspiré ni piété ni attachement à sa foi; on avoit égaré son ame par le fanatisme et par la volonté despotique de se faire obéir et craindre. « Le duc d'Albe a raison, dit-il un jour à sa mère; des têtes si hautes sont dangereuses dans un état : l'adresse est inutile; il faut employer la force, et abattre ce qui nuit». C'étoit après les conférences de Moulins, et après une discussion fort vive avec l'amiral, qu'il parloit ainsi. Bientôt il traita plus durement encore les envoyés des princes d'Allemagne, dont les protestans avoient imploré l'appui, et qui faisoient demander, pour les françois, la liberté de conscience, sans exception de temps, de lieux et de personne. Charles IX, frémissant de colère, fut à peine capable d'en réprimer assez les transports, pour conserver l'usage de la parole; et Catherine crut appaiser ces ambassadeurs par des honneurs et des présens. Cependant elle avoit lieu de croire que ses ennemis avoient pénétré ses projets, et qu'elle en étoit haïe et méprisée. On faisoit imprimer des livres contre elle; on publioit des maximes tendantes à autoriser le régicide. Un jour, allant à la messe, elle trouya une lettre,

1567. dans laquelle on l'avertissoit que si elle ne permettoit pas l'exercice de la religion réformée

elle éprouveroit le sort du président Minard et du duc de Guise. On l'exhortoit à craindre la colère de Dieu et le désespoir des hommes (a). Le prince de Condé, bien convaincu que cette femme cruelle avoit juré sa ruine et celle de son parti, remarquant son assiduité affectée au service de la religion catholique, son exactitude à en remplir tous les devoirs extérieurs, son austère vigilance à les faire observer aux femmes. et aux officiers de sa cour, et à couvrir de ce voile sacré leurs débauches et les siennes ; observant que le crédit du cardinal de Lorraine s'accroissoit de jour en jour; qu'en différentes occasions les catholiques insultoient impunément les huguenots, jugea, ainsi que l'amiral de Coligni, qu'il seroit prudent de prendre des précautions pour l'avenir. Ils étoient avertis par les protestans de Genève, des préparatifs que faisoit le duc d'Albe dans le Milanez; ils ne doutoient pas que l'armée qu'il assembloit et devoit commander dans les Pays-Bas, ne fût destinée à furprendre le prince d'Orange, et à protéger les catholiques françois contre les pro

(a) Esprit de la Ligue, tom. I, liv. II, p. 238 – 241. Daniel, t. X, pag. 324 et suiv. Davila, p. 161

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