Imágenes de páginas
PDF
EPUB

motarque, qui rempliffoit à cet égard les fonctions courage bouillant des lacédémoniens, empêchoit ordinaires des hérauts. que leur valeur impétueufe ne les emportât trop loin, & les rendoit bien plus redoutables, en les retenant unis & ferrés dans leurs rangs, malgré la célérité de leur marche. L'ennemi rompu & mis en fuite, il ne leur étoit permis de le pourfui. fût entière & la victoire affurée. Lycurgue regardoit comme indigne d'une nation libre & généreufe de maffacrer de fang-froid des gens épars, débandés, hors d'état de fe rallier. Cette maxime n'étoit pas moins avantageufe qu'honorable aux fpartiates ceux qui combattoient contr'eux affurés qu'en s'opiniâtrant à leur tenir tête, ils avoient tout à redouter & rien en fuyant, préfé roient fouvent le parti de la fuite à une défense trop obstinée.

On plaçoit à la tête des files les meilleurs foldats. Les marches fe faifoient en colonne par énomotie. L'ennemi fe préfentoit-il, chaque fection avançant, ou fur la droite, ou fur la gauche devre, qu'autant qu'il le falloit pour que la déroute celle qui la précédoit, la troupe se trouvoit en bataille, allignée fur le front de la première énomotie. Si l'on étoit attaqué par derrière, on oppofoit, par une contre-marche, les chefs de file à l'ennemi. Lorfque les conjonctures l'exigeoient, on portoit, avec la même facilité, la droite à la place de la gauche, la gauche à la place de la droite; & s'il arrivoit qu'on fût enveloppé par des forces fupérieures, on faifoit auffitôt front de tous côtés, on oppofoit par-tout une égale réfif

tance.

On campoit en rond, à moins que la difpofition du terrein ne contribuât elle-même à la fûreté de quelque côté du camp. On établiffoit dans l'intérieur des retranchemers des poftes d'infanterie pour la police & le b n crdre, & audehors des gardes de cavalerie pour découvrir au loin, & fe garantir des surprises.

On exerçoit les foldats tous les jours; on com. mençoit dès le point du jour à les faire manoeuvrer, marcher & courir, en obfervant que dans la courie comme dans la fimple marche, ils gardaffent exactement leurs rangs. Les manoeuvres finies, le polémarque faifoit fon infpection particulière, après laquelle il envoyoit la troupe faire le repas du matin. Les mêmes exercices fe reprenoient dans l'après midi; & lorfqu'ils étoient achevés, un héraut commandoit aux foldats d'aller prendre le repas du foir, d'offrir aux dieux un facrifice, & de fe coucher enfuite auprès de leurs armes. L'efprit de querelle & de diffention, & tous les vices que l'oifiveté traîne après foi, n'avoient pas le temps d'infefter les foldats toujours affembles, toujours occupés, dont les actions les plus communes étoient affujetties à un ordre invariable.

L'armée étant rangée en bataille, à la vue de l'ennemi, le roi facrifioit une chèvre à la Diane des champs en préfence de tous les foldats, dont les armes étoient luifantes & qui avoient la tête ornée de couronnes de fleurs. Après le facrifice, les joueurs de flûtes, dont il y avoit plufieurs dans les rangs, ayant commencé l'air de la chanfon de Caftor, le roi fe mettoit en marche le premier : l'armée le fuivoit, et s'avançant en cadence au fon de ces inftrumens, & d'un pas égal, fans troubler fon ordre, ni confondre fes rangs, elle alloit affronte: la mort.

Dans les beaux fiècles de la Grèce tout citoyen étoit foldat: lorfqu'il s'agiffoit du falut de la patrie, ou de la défenfe de fon propre pays, perfonne n'étoit difpeníé de prendre les armes; les plus vigoureux marchoient en campagne, les jeunes gens & les vieillards demeuroient pour la garde des remparts.

Auffi-tôt que les jeunes gens avoient atteint leur vi gième année, le nom en étoit infcrit dans les régiftres publics, & ils devoient marcher à la guerre. Chez les athéniens, on les envoyoit dès l'âge de dix-huit ans dans les forts ou châteaux, où ils étoient dreffés à tous les exercices mili taires; cependant on ne les admettoit point dans les armées qu'ils n'euffent vingt ans ; ce n'eft qu'à cet âge qu'on recevoit leur ferment militaire, Tout athénien étoit obligé de le prêter, lorsqu'il étoit mis pour la première fois fur la lifte des citoyens; & pour le rendre plus inviolable, la cérémonie s'en faifoit publiquement dans le temple d'Agraule. « Je jure, difoit le candidat, que je ne déshonorerai point la profeffion des armes ; que je ne sauverai jamais ma vie par une fuite honteufe, & que je combattrai jufqu'au dernier foupir pour la défense de ma patrie, de concert avec tous mes concitoyens, & feul même, s'il le faut : j'en prends à témoins Agraule, Mars & Jupiter ».

Il falloit à Sparte quarante ans de fervice pour être exempt de marcher aux guerres étrangères: les athéniens jouiffoient communément de cette exemption à l'âge de quarante-cinq ans. Cependant, il dépendoit quelquefois des généraux de leur faire prendre les armes dans un âge beaucoup plus avancé.

La loi du fervice perfonnel dans les armées obligeoit indiftinctement tous les citoyens, quels que fuffent leur état & leur bien, & chacun s'acquittoit fucceffivement de ce devoir envers la La douce harmonie de la flûte tempéroit le patrie. Dans Athènes, le peuple régloit la forme Antiquités, Tome IV. N

[blocks in formation]

La guerre étoit le véritable élément des grecs; & loifqu'il falloit les contraindre de marcher plufieurs s'offroient volontairement. Les prem ères guerres que les grecs eurent les uns contre les autres, fe faifoient de proche en proche : les opérations en étoient vives, promptes & de peu de durée. Après une bataille, ou gagnée ou perdue, après quelques incu:fions dans le temps de la moiflon, chacun fe retiroit chez foi, jufqu'à l'année fuivante. Les armées n'étoient alors compofées que de citoyens qui marchoient à leurs dépens; quelquefois il s'y joignoit un petit nom.bre de troupes fournies par les pcup'es voifins & alliés. La pauvreté commune empêchoit qu'on ne pût avoir des foldats mercenaires : l'ufage d'en employer s'introduifit néanmoins d'affez bonne heure.

Les troupes des grecs ne cor fiftèrent d'abord qu'en infanterie; fit pauvreté de leur pait, foit que leur pays ne pût nourrir beaucoup de chevaux, ils furent long temps fans cavalerie, ou n'en eurent qu'un fi petit nombre, & fi peu expérimentée, qu'elle n'ét it d'aucune utilité dans les batailles. Les peuples du Péloponnefe ignoroient encore l'art de manier un cheval, lorsque la première guerre de Meffene commença. A mefure qu'ils devinrent plus profonds dans la tactique, is eurent auffi plus de cavalerie.

n'y avoit rien là-deffus d'uniforme: les uns les po toient plus longues, les autres plus courtes. Epaminondas, qui fut le créateur de l'infanterie thébaice, ne put affujettir fes citoyens à une règle fixe & conftante. Plufieurs de fon temps portoient encore des maffucs; les arcadiens s'en fervoient auf.

Iphicrate fit un changement général dans les arines de l'infanterie pefante d'Athènes. Trouvant les boucliers trop grands, les cuiraffes trop il pefantes, les piques & les épées trop courtes, diminua la grandeur des boucliers, augmenta la longueur des piques & des épées; enfin, au lieu de cuiraffes de fer, il en donna de toile de lin à fes foldats. Philippe arma fes phalar giftes de grands boucliers, de cafques, de cu raffes, de grèves, de piques qui avoient vingt pieds de long, & d'épées courtes & tranchantes, dont ils fe fervoient avec beaucoup de dextérité lorfque leurs piques venoient à fe rompre, ou que joignant Pennemi, l'ufage de cette arme leur deveno.t inutile.

Les lacédémoniens, mieux exercés, mieux difciplinés que les autres grecs, eurent aufli la meilleure infanterie pefante: ils ont pu fe glorifier long-temps de n'avoir jamais eu le deffous en combattant à pied.

Chez les grecs, la même infanterie qui combattoit fur terie étoit encore employée fur mer. Egaleinent exercée dans les deux genres de combat, elle confervoit fur les vaiffeaux autant de difcipline, autant d'intrépidité qu'en pleine campagne.

Les armés à la légère furent, dès le commercement, une portion d'autant plus effentielle de l'infanterie des grecs, qu'ils fuppléoient en quelque forte au peu de cavalerie qu'il y avoit dans leurs armées. La légèreté de leurs manoeuvres, la cẻlérité de leuis mouvemens, leurs attaques brufques, vives, répétées & faites de loin, con

Les grecs avoient trois fortes de fantaffins : les pefamment armés, connus fous la dénomina-traftoient avec la lenteur, la fermeté, l'unifortion générale d'oplites; ceux qui avoient la pelte pour bouclier ; & les armés à la légère. Les armes des peltes, quoique femblables à celles des oplites, étoient beaucoup moins pefantes, rien ne puifoit à leur agilité.

mité d'action des pefamment armés. Comme ils pouvoient, par leurs armes de fer, leur nuire extrêmement, auffi leur rendoient ils à peu près autant de fervice que la cavalerie; & cela fit qu'on ne s'apperçut pas fi-tôt de la néceffité de celle-ci. L'infanterie légère éclairo't les marches, Les armes défenfives de l'infanterie pefante éventoit les embufcades, s'emparoit des poftes étoient le casque, la cuiraffe, les grèves, un avancés, des défilés, des gorges de montagnes grand bouclier. Les armes offenfives furent d'abord & des hauteurs qui les domino ent: elle affuroit une épée affez courte, une lance & des dards. les retraites, harceloit l'ennemi, & l'obligeoic La pique, vint enfuite; mais l'ufage de celle-ci, de fe tenir continuellement fur fes gardes; dans quoique connu du temps d'Homère, & la meille combat, elle tomboit fur lui la première, & leure arme qui convint à un corps deltiné à faire des efforts extraordinaires, ne s'introduifit que fort tard. Sa longueur, chez les grecs, étot moindre que celle des fariffes macédonienne's; mais il

mettoit la confufion dans fes rangs avant qu'il pût en venir aux mains. S'il étoit vaincu, elle s'abandornoit fur lui, achevolt de le rompre, & l'em pechoit de fe rallier.

Les grecs avoient cru pouvoir remplacer leur cavalerie par des troupes armées à la légère; mais ils ne tardèrent pas à revenir de leur erreur. La cavalerie ne faifoit auparavant que la dixièmnogi la onzième partie des armées; mais fa proportion à l'infanterie augmenta lorfqu'Alexandre eut formé le projet de détruire l'empire des perfes. I paffa en Afie à la tête de trente-cinq mille hommes, dont cinq mille étoient de cavalerie.. Ce prince étoit fi perfuadé de l'avantage que procure une bonne cavalerie, & de fa néceffité pour foutenir. même la meilleure infanterie, qu'il s'attacha particulièrement à en former une qui pût, dans fon genre de fervice, égaler la phalange. I la compofa de la jeuneffe macédon enne la plus diftinguée par la naiffance & le courage il voulut qu'elle s'appellat par diftinction la troupe des amis, & dans toutes les batailles il combattit à la tête de ce corps.

de leurs aîles. Leur méthode de partager en quatre fections le front de leur bataille, étoit très-ancienne; ceux de l'armée du jeune Cyrus combattirent dans cet ordre à Curtana.

Chaque nation alliée formot fa phalange plus. ou moins forte, plus ou moins épaiffe, or donnée à fa manière, & dont la mar.oeuvre étoit fouvent différente de celle des autres. La réunion de ces phalanges fur une feule ligne, formoit enfuite la bata lle, à qui l'on donnoit de même en général le nom de phalange. Ce fut apparemment fur-le modèle de ces petites phalanges que Philippe forma le corps des macédoniens qu'il appella par excellence la phalange; il ne la compofa d'abord que de fix mille hommes choifis; par-là il la rendit au moins égale, en nombre de combattans, aux plus grandes phalanges particulières des différens peuples de li Grèce; mais il lui procura bientôt fur elles, par fa manière de l'exercer, une fupériorité réelle. Alexandre fe contenta de doubler la phalange, mais fes fucceffeurs allèrent plus loin; & l'ayant portée juf;u'à feize & vingt mille hommes, ils parurent s'être plus attachés à la faire nombreufe qu'à y maintenir l'esprit de valeur & de difcipline auquel cette troupe avoit dû toute fa gloire. L'ordre en phalange avoir, pour

[ocr errors]

Les grecs regardoient l'infanterie, dans l'inf tint du choc, comme un grand corps mis en mouvement, dont, en lui fuppofant toujours une égale vireffe, l'effort fur les obftacles qu'il rencontre doit croître en raifon de fa maffe. Sur ce principe, pour imprimer à leurs phalanges une force prodigieufe dins l'attaque, ils leur donnoient beaucoup de front & d'épaifleur, & tiroient étroi-'attaque & pour la défenfe, une force à laquelle tement les parties de ce grand corps, en obfervant que les rangs & les files fuffent extrêmement ferrés.

Il n'y eut jamais rien d'uniforme fur la longueur de chaque troupe; elle dépendoit de fa force & de fa hauteur: la force changeoit fuivant les conjonctures; la hauteur, felon l'fage des lieux ou la volonté des généraux. Les lacédémoDiens fe mettoient ordinairement en bataille fur huit, au plus fur douze de hauteur; les athéniens fur huit, fur feize, & quelquefois fur trenté. Philippe & Alexandre préférèrent le nombre de feize; celui de trente ou de trente-deux prévalut chez les princes grecs d'Afie, à mefure que la difcipline fe relâcha, que l'art militaire pencha vers fa décadence.

étoit bien difficile de pouvoir réfifter.

Lorfqu'il s'agiffoit d'attaquer l'ennemi, les rangs & les files fe fertoient de manière que chaque foldat n'occupoit que 3 pieds grecs de terrein. Les piques des cinq ou fix premiers rangs hériffoient le front de la phalange; celles des autres rangs la pointe haute & à demi penchée en avant fervoient à rompre la force des traits. La phalange ainfi difpofée, s'avançoit en filence, d'un pas lent, égal & inefuré, jufqu'à cinquante pas de l'ennemi; alors les foldats s'animant les uns les autres par des cris extraordinaires, & excités par le bruit des infrumens militaires, commençoient à courir de toutes leurs forces, & arrivoient fur l'ennemi avec une rapidité d'autant plus étonnante, que les parties de cette maffe n'en demeurant pas moins unies & ferrées qu'auparavant,

Les grecs, dont les armées étoient prefque la viteffe acquife par la courfe fervoit à rendre la

toujours compofées de troupes fournies par divers alliés, avoient accoutumé de ranger leur infanterie par cantons, & ils la formoient fur une feule ligne droite continue y fans avoir d'intervalles entre fes différens corps. Le front de leur bataille fe divifoit feulement en deux parties, l'aile droite, l'aile gauche, & chaque aîle, en deux fections. Ils plaçoient toujours aux ailes tout ce qu'ils avoient de meilleures troupes : c'étoient là les deux poftes d'honneur. Ils favoient manœuvrer avec tant d'ordre & de précifion, qu'ils cra'gnoient reu d'être enfoncés par le centre, certains de rétablir ce défavantage par la grande fupériorité

violence du choc plus impétueufe & plus terrible.

[ocr errors]

Les cris militaires n'étoient point particuliers aux grecs; chaque nation avoit le fien. Leur but étoit de remplir le foldet d'une nouvelle ardeur áu moment de la charge, & d'infpirer de l'effroi à l'ennemi. Au lieu de ces cris, les grecs ont eu long-temps une forte de chanfon, qu'on peut nommer leur hymne de combat. Cet hymne fe chantoit à différentes reprises, & avoit plufieurs couplets, mis fans doute fur l'ai que les inftri mens militaires faifoient entendres Ils chantoient les premiers lorfqu'ils alloient fondre furl'ennemi, les autres pendant la mêlée.

Lorfque la phalange vouloit attendre le choc d'un ennemi fupérieur en forces, les foldats fe ferroient au point qu'ils n'occupoient plus qu'un pied & demi de terrein chacun. Dans cet état de condenfation, & le front de la troupe toujours hérifié de cinq ou fix rangs de piques, les phalangiftes du premier rang croifoient en ore leurs boucliers les uns fur les autres; & fe tenant extraordinairement preffés, élevoient devant eux comme un mur impénétrable, derrière lequel les foldats ne portoient que des coups certains.

La pofition de la cavalerie dans les batailles, ainfi que celle des armés à la légère, varioit fuivant les conjonctures & la volonté des généraux. Ces deux fortes de troupes étoient mifes ou ensemble ou féparément, tantôt fur le front, tantôt fur les flincs, tantôt à la queue de l'infanterie pefante on peut néanmoins diftinguer des troupes où chacune de ces méthodes a été plus particulièrement en ufage..

phalangiftes, mais moins pefantes. Les armés à la légère ayant acquis par ce moyen plus de confiance en leurs propres forces, ils ne craigrant plus de s'expofer au danger : ils furent donc placés en premières lignes, foit qu'ils fuffent répandus fur toute l'étendue du front de la bataille, foit qu'ils n'en couvriffent que le centre ou les aîles; ils étoient chargés d'engager le combat, ea faifant tomber fans interruption fur l'ennemi une grêle de tra ts, de flèches & de pierres; ils ne cherchoient pas feulement à repouffer les armés à la légère qu'ils avoient en face; ils tâchoient, en tirant fur la phalange oppofée, de mettre le défordre dans fes rangs, pour procurer à la leur une victoire affurée. Quand ils fe voyoient contraints de plier, ils cédoient peu-à-peu le terrein, combattant toujours avec leurs armes de jet, & fe retiroient par les flancs & par des intervalles ménagés exprès fur le front de la ligne, derrière leur infanterie pefante; lorf que celle-ci étoit aux mains, ils reffortoient par les mêmes ouvertures & venoient fondre brufquement fur l'ennemi: s'il étoit enfoncé, ils s'atta choient à fa pourfuite. Les armés à la légère ont long-temps fuppléé chez les grecs au défaut de cavalerie, & fait une portion très-confidérable de leurs troupes.

Telle fut l'ordonnance générale des armées,

Tandis qu'il n'y eut chez les grecs que très-peu d'armés à la légère, & moins encore de gens à cheval, comme ils ne pouvoient alors rendre beaucoup de fervice dans une action, on les plaçoit derrière les pefamment armés, fur qui feuls rouloit le poids du combat, & ils y demeuroint comme en réferve, jufqu'à ce que la phalange oppofée vint à plier; alors le v Et rieux abandon-lorfque les grecs fe furent perfectionnés dans la noit à la pourfuite des vaincus fes petites troupes de cavaliers ou d'armés à la légère, pour achever de rompre & de difperfer l'ennemi, tandis qu'il fe remettoit lui même en ordre & s'avançoit en bonne contenance, prêt à tenter un nouvel effort fi l'ennemi fe rallioit.

L'infanterie légère ayant été enfuite augmentée, fans que l'on touchât encore à la cavalerie, on voulut la rendre utile pendant le combat; & comme elle confiftoit principalement en archers

en frondeurs, & qu'ils n'avoient aucune arme défenfive, on fe contenta de les rapprocher du corps de bataille, à couvert duquel i's envoyoient par-deffus la tête des phalangiftes leurs pierres & feurs flèches contre l'ennemi. Il faut avouer cependant que dans cette pofition leurs coups de voient être très-incertains, & non moins dangereux pour leurs propres troupes que pour l'en nemi; & qu'avec quelque vigueur qu'ils fuff nt puffés, étant toujours portés de bas en-haut, ils ne pouvoient jamais tomber fur lui qu'après avoir perdu la plus grande partie de leu force. L'experience découvrit bientôt aux grecs ces inconvéniens, & leur apprit à tirer de l'infanterie légère un beaucoup meilleur fervice qu'ils n'avoient encore fair: is l'exercèrent avec un grand foin; ils augmentèrent le nombre des gens de trait, & donnèrent à la plupart d'entr'eux des armes défenfives, peu différentes de celles des

tactique. L'infanterie pefante, fur huit, douze ou feize de profondeur, formoit le corps de bafur les aîles ; & en avant de celle ci, les armés taille; la cavalerie étoit mife de part & d'autre à la légère qui en étoient ainfi protégés. Lorfqu'ils fe fentoient trop vivement preffés, la cavalerie s'avançoit pours foutenir, & ils fe replio ent valles, d'où i's revenoient enfuite, pendant la derrière les efcadrons, à la faveur de leurs intermê ée, prendre l'ennemi en flanc & en queue.

La fcience militaire des grecs n'éclate pas feulement dans leurs ordres de bataille & de leurs évolutions, on l'admire encore dars leurs rctraites & dans leurs marches; tout leur art, lorfqu'ils fe retircient devant un ennemi fupérieur, confiftoit prefque dans l'ordre quarré, dont ils déterminoient la grandeur fur le nombre des troupes & la nature du terrein qu'il falloit traverfer ordinairement c'étoit un quarré à centre plein, quand ils marchoient fans bagages, & à centre vuide pour les y enfermer quand ils en avoient avec eux. Ils plaçoient aux côtés extérieurs du quarré l'infanterie pefante, & au dedans de celle ci leurs armés à la légère : la cavalerie étoit à la tête & à la queue de la marche. S'ils manquoient de cette arme, ils formoient une arrièregarde, compofée de tout ce qu'il y avoit de jeunes gens robuftes & courageux, & ils y ajoutoient un autre corps compofé de même & mêlé d'armés à la légère.

Les marches ordinaires fe faifoient communé-exercices, auxquels préfidoient les rois & les cimert fur une seule coloune; dans celes de jour, toyens les plus diftingués, embraffoient généralele rang des troupes étoit toujours réglé fur la ment toutes les manoeuvres propres à chaque efnature des lieux; s'ils étoient couverts, difficiles pèce de troupes. Si l'on notoit d'infamie le ci& montagneux, les armés a la légère s'emparoient toyen qui refufcit de porter les armes, jufqu'à des bois, des hauteurs, & de tous les poftes lui interdire l'entrée des temples, l'éclat des réembarraffes; en plaine, la cavalerie précédoit tout, compenfes les engageoit à préférer l'honneur à la & couvroit l'infanterie. Dans 1.s march s de nuit, vie, & à s'expofer aux plus grands périls, par on avoit attent on que tout ce qui fe remuoit le le feul amour de la gloire. Ces récompenfes plus difficilement fût à la tête de l'armée; ainfi étoient telles qu'il les faut à un peuple qui ne l'infanterie pefante marchoit la première, après connoît d'autre bien que la liberté, & d'autre elle venoient les armés à la légère & le bagage, grandeur que ceile de l'ame; des funérailles pufuivis de la cavalerie. bliques, des éloges, des ftatues, des couronnes. Les places, les édifices publics étoient rempl's de peintures & de ftatues qui fervoient à éternifer la mémoire des grandes actions; & les environs des villes étoient couverts de monumens érigés à l'honneur des citoyers morts les armes à la main en combattant pour la patrie. Après un combat, on ne manquoit jamais de faire une recherche exacte des act ons dignes de blâme ou de récompenfe; on donnoit à celles-ci de justes éloges, & l'on prononço't des peres contre les autres. On cel broit enfuit:, pendant l'hiver, les funérailles de ceux qui étoient morts fur le champ de bataille, & cette cérémonie étoit terminée par une oraifon funèbre.

Soit que les grecs prétendiffent rendre la tête des marches plus affurée, ou qu'ils voulutient plutôt prévenir le trop grand allongement des colonnes, chaque corps ne défiloit point les diffé rentes troup.s l'une à la fuite de l'autre, mais par plufieurs à-la-fois, mifes chacune fur une feule file par exemple, fi le terrein le permettoit, tous les chefs d'une troupe d'infanterie de cent ou de deux cents hommes, & dans la cavalerie tous les commandans d'efcadrons marchoicnt fur le même front, fuivis chacun de leur troupe fur une feule file. Lorfque le ch.min devenoit plus étroit, cu qu'il falloit paffer par un defilé, les troupes qui l'avoient en face palloient les premières, & toujours dans le mêine ordre; les autres les fuivo ent à leur tour, et fe remettoient en front avec elles aufh-tôt après: on obfervoit le même ordre dans les troupes particulières, elles défiloient par files & non par rangs; par ce moyen, les parties les plus fortes d'un corps ou d'une troupe s'engagediert les premières dans les endroits difficiles, & la marche s'en faisoit plus légèrement. Coufo:mément aux mêmes principes, ils changeoient l'ordre de marche, lorfqu'its avoient plus à craindre pour les flares ou la queue que pour la tête : les troupes alors formoient quelquefois plufieurs colonnes, & au lieu de défiler par le front, elles marchoient par l'aile, ayant leur chef-de-file fur la droite ou fur la gauche, & fe tenant prêtes à faire face de tous côtés.

Les jeunes gens, chez les grecs, étoient à peine fortis de l'enfance, qu'ils appreno ent à fe fervir avec adresse & avec force des différentes armes qui étoient en ufage dans ces temps-là, à tirer de l'arc, à lancer le javelot, à ma ier la pique, P'épée & le bouclier: ils prenoient enfuite des Jeçons de tactique chez d'autres maîtres entretenus pour cet effet aux dépens du public, de même que les premiers. La danfe même contribuoit à leur procurer cette force & cette fouplefle de membres fi néceffaire dans les combats. Ils en avoient une, c'étoit la pyrrhique, dont les diverfes attitudes n'étoient que la pure expreffion de tous les mouvemens qu'exigeoient l'attaque & la défenfe felon les différentes armes dont on se servoit. Ces

Tant que des maximes fi fages animèrent le courage des grecs, ce peuple demeura libre & triompha de fes voifins; mais une aveugle indolence, la paffion des fpectacles & la fuif des rich ffes les ayant enfin corrompus, ils fubirent le joug de leurs ennemis, & chaque répub ique fuccomba, plutôt ou plus tard, felon que la difcipline militaire s'étoit plus ou moins confervée chez elle.

MILICE des romains.

Nous confidérerons, d'après Jufte-Lipfe, ou plutôt d'après l'extrait qu'en a fait Nieupoort, cinq chofes principales dans la Milice des romains; favoir, la levée des foldats, leurs différens ordres, leurs armes, leur manière de ranger une armée, & leur difcipline militaire. Nous aurons fur-tout égard aux temps qui ont précédé Marus; car fous lui & sous Jules Célar, la difcipline des troupes fut entièrement changée, comme Saumaife l'a prouvé dans fon ouvrage pofthume fur ce fujet, inferé dans le Xe. tome des Antiquités de Grævius.

[merged small][merged small][ocr errors]
[ocr errors]
« AnteriorContinuar »