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& d'autres monumens femblables. Ce font donc ces médailles mêmes qui indiquent leur fauffeté, parce qu'on doit favoir que la plupart de ces revers ont été imaginés à plaifir & n'ont jamais exifté fur les médailles antiques; ce qui doit engager un curieux à connoître exactement les médailles qu'on trouve antiques, principalement dans le genre où il donne. Il eft d'ailleurs facile de diftinguer celles qui font martelées, par la différence toujours fenfible de la fabrique de la tête à celle du revers, ce qui fait un contrafte

ordinairement. On creufe feulement le revers
qu'on remplit d'un maftic de la couleur que le
tems a donné à la médaille, & qu'on attache au
métal avec tant de folidité, qu'il ne le qu'tte pas
fans peine. On grave alors fur ces revers les
lettres, les figures, ou les autres ornemens qu'on
veut y laiffer, pour en faire des médailles rares
& d un grande confervation. On les vernit des
deux côtés, & el'es font dans cet état d'autant plus
capables d'en impofer, que l'acquéreur voyant
que le côté de la tête eft faux, ne s'avife pas
toujours d'examiner le revers à la rigueur. Ce-aifé à reconnoître.
pendant une partie des plus beaux revers du
grand bronze a été du plus au moins refaite de
cette façon ; quoiqu'ils ne foient pas tous refaits
en entier, & qu'il y en ait beaucoup dont quelques
parties feules ont été retouchées, c'eft tou-
jours en ce cas un très-grand défaut dans une
médaille, & qui en diminue le mérite & le
prix.

Il y a peu de fuites de grand bronze où l'on ne
trouve abondamment de ces médailles. Pour les re-
connoître, il faut un grand ufage, & s'être formé
un goût sûr de la fabrique des romains; alors ces
fortes de pièces ne peuvent échapper. En at
tendant, un curieux doit fe méfier d'une médaille
qu'il verra couverte d'un faux vernis; en piquer
les parties les plus fufpects avec le burin
voir fi elles réfiftent, ou fi elles font de maftic;
examiner principalement fi toutes les parties d'un
revers forment un tout uniforme, tel qu'il faut
imaginer qu'une médaille doit être, quand elle a
été fabriquée dans un coin gravé avec art & juf-
teffe; s'il s'apperçoit de quelque inégalité, la
médaille doit lui être fufpecte.

, pour

Des médailles martelées & encastrées..

Les médailles que nous nommons martelées font à peu-près de l'efpèce de celles dont on vient de parler. Ce font encore des médailles antiques communes qui doivent être bien confervées; on en lime totalement les revers, & on en frappe de nouveaux en place avec un coin moderne, qui imite affez bien l'antique; ce qui fe fait en pofant le côté de la tête, auquel on ne touche point, fur plufieurs cartons, afia qu'il ne puiffe pas s'applatir; on met enfuite le coin moderne fur le revers de la médaille & on lui en fait prendre l'empreinte à coups de marteau. Comme ces revers ainfi martelés fortent du coin, ils font très-nets & uniformes, & imitent l'artique du plus au moins, fuivant l'habileté du graveur. Ces fortes de revers font pour l'ordinaire fappans par Jeur rareté, & la plupart même ne fe trouvent print fur les médailles lég times; tels font aquas Claudiam ex fontibus, &c. au revers de Claude; Pontem Elium, au revers d'Hadrien; Expeditio Judaica, que j'ai vu au revers du même empereur,

Après avoir parlé des médailles martelées, il eft naturel que celles que nous appellons encaftrées trouvent ici leur place. Ce font deux moitiés de médailles communes qu'on joint ensemble & qui en font une rare; c'eft ordinairement fur les médailles de bronze & d'argent qu'on exerce cette nouvelle fraude. On emploie, par exemple, un Antonin, dont on creufe le revers dans fon entier; on prépare enfuite une tête de Fauftine, qu'on applique dans ce revers, ce qui forme une médaille rare: fi c'est une médaille de bronze, on a foin de choisir deux médailles d'un cuivre de la même couleur & du même vernis. Il y a des médailles jointes de cette façon avec tant de jufteffe, que la certitude feule où on eft qu'elles. font encastrées peut les faire découvrir, d'autant plus que les rebords de la médaille qu'on creufe reftent toujours intacts.

On a vu nombre de médailles d'argent, de la famille de Septime Sévère, qui avoient deux têtes, & qui n'étoient que des médailles encastrées proprement. Il faut encore une grande attention pour reconnoître ces pièces. Quand on les examine avec foin, & qu'on eft prévenu, comme on le fuppofe, on découvre toujours à l'entour du grénétis quelques traces qui les font découvrir.

Ces médailles font la plupart compofées de deux têtes; mais on en trouve auffi avec des revers qui font applicués de la même façon, tel que l'Amphithéâtre de litus, qu'on a quelquefois vu en grand bronze au revers de Domitien, &c.

Quoique ces pièces foient formées d'une tête & d'un revers antiques, elles n'en font pas plus ettimables, ce font toujours des médailles fauffes; & on doit les rejetter avec autant de mépris, que toutes les autres espèces de médailles falfifiées.

Il y a encore des médailles, foit de bronze, foit d'argent, qui font deux demi médailles foudées enfemble par des ouvriers trop mal-adroits pour les encåltrer; mais elles fe reconnoiffent à la feule infpection du rebord qui eft toujours 'imé, & qui fait remarquer au premier examen les deux piéces.

Il ne faut pas cependant confondre les médailles encaftrées avec une infinité de médailles antiques, que nous avons dans les trois métaux & dans toutes les grandeurs, dont les revers n'appartiennent point aux têtes qu'elles repréfentent. Ces erreurs ont été caufées dans le temps par la faute des ouvriers employés à frapper les médailles qui, prenant un quarré pour un autre, ont fouvent joint à un empereur ou à une impératrice un revers d'un règne précédent, ou qui appartenoit à une autre tête différente. Il y a peu de Cabinets dans lesquels on ne trouve quelques unes de ces médailles.

Ces revers ainfi tranfpofés d'une médaille à une autre, font très-fréquens dans le petit bronze du commencement du bas-empire métallique, c'està-dire, fous le règne de Gallien. Les trente tyrans qui s'élevèrent fucceffivement fous ce prince, ne faifoient la plupart que paroître fur la scène, & étoient auffi tôt détruits par des rivaux, qui à leur tour régnoient encore moins long-temps qu'eux. Les monétaires des provinces envahies avoient quelquefois à peine le temps de graver les têtes de leurs nouveaux maîtres, auxquelles ils joignoient des revers des règnes précédens; delà le Pacator orbis au revers d'une médaille de Marius, qui ne régna que trois jours, & une infinité d'autres femblables dont il eft néceffaire d'être prévenu, afin de n'être pas arrêté à tout moment dans l'explication de ces médailles.

Des médailles qui ont des fentes & des contremarques.

Les fentes qu'on trouve fur quantité de médailles antiques, principalement fur celles de grand bronze, qui ont été fujettes à cet accident par l'étendue de leur flan, a donné lieu aux fauffaires d'imiter ce défaut, afin qu'à la faveur d'une fente bien contrefaite la médaille pafsât plus aifément. La plupart des médailles faufles ont cette marque équivoque d antiquité, fur-tout, comme je viens de le dire, celles de grand bronze; par la railon que plus une médaille a de largeur, plus elle a été fuj.tte à éclater: or il eft conftant qu'il n'y a que la force du coin qui puiffe faire fendre une médaille. Nous voyons peu, ou même nous ne voyons point de nos monno es avec cette marque, parce qu'un feul coup de balancier leur donne l'empreinte qu'elles portent; au lieu que les anciens fabriquant à coups de marteau redoublés (une infinité de médailles où l'on voit des têtes, des revers & des légendes marqués à plufieurs reprifes, le prouvent invincib'ement), étoient fujets à faire éclater la médaille. On s'eft donc avifé d'imiter ces fentes fur quantité de médailles faules, foit qu'elles aient été frappées telles que celles du Padouan, ou qu'elles foient feulement moulées. Il faut, pour reconnoître fi la tente a été ajoutée après coup, l'examiner des

deux côtés, voir fi elle eft égale dans fa forme, fi elle eft naturelle, fi elle ferpente & va toujours en finiffant par de certa ns filamens imperceptibles; quand ces conditions fe rencontrent, on doit regarder la médaille, ou pour mieux dire le flan, comme antique, puifque la médaille pourroit d'ailleurs avoir quelques-uns des défauts décrits plus haut.

Si an contraire la fente eft large dans fon commencement, & droite, & qu'elle ne finiffe pas en ferpentant, on doit juger de-là qu'elle a été ajoutée avec la lime, & il ne faut pas chercher alors d'autres marques de la fauffeté de la médaille.

Il eft hors de doute que toutes les médailles de bronze contremarquées font antiques, & l'on n'a pas encore obfervé qu'on y eût frappé des contremarques fauffes: c'eft donc une marque affurée que la médaille eft légitime, dès qu'on y voit une contremarque; il ne s'agit plus que d'examiner fi elle eft d'ailleurs franche dans toutes fes parties, & fi ce n'eft point une médaille commune refaite au burin & convertie en une médaille rare, telle que l'on a vu quelquefois l'Agrippine de Germanicus contremarquée, & avec le revers du fenatus-confulte, convertie en Agrippine de Claude. Voyez CONTREMARQUE.

MÉDECINE. Les dieux qui préfidoient à la médecine étoient Apollon, Efculape & fes enfans, que les grecs nomment Télefphore, Hygiéa, Jafo, Phanacée; il faut ajouter Phéon & Méditrina. Voyez ces noms.

MÉDECINS. Cet article appartient, dans fi totalité, au Dictionnaire de Médecine. Nous ne mettrons ici que des obfervations relatives aux antiquités romaines.

Tant que les romains menèrent une vie dure & laborieufe, ils fe pafsèrent de médecins, fans en être plus mat, & ils ne les avoient tolérés que dans des temps de pefte ou de maladie contagieufe; mais le luxe de la table qui s'introduifit à Rome, & les excès qui l'accompagnoient, leur firent fentir des maladies qu'ils n'avoient pas connues auparavant. Ce fut alors que l'art de la médecine, pour lequel ils avoient témoigné jufques-là tant de répugnance, leur parut néceffaire. Dès l'an 535, quelques médecins passèrent de Grèce à Rom; mais ils n'y eurent cependant un établi fement fixe qu'en 600. Leur profeffion parut d'abord indigne d'un homme libre, & fut abandonnée aux efclaves & aux affranchis, felon l'opinion de quelques auteurs, qui ont été réfutés par Cafaubon, dans fes Commentaires fur Suéoù il exp'ique le paffage de cet auteur qui a donné lieu à ce fentiment: Mitto tibi praterea cum eo ex fervis meis medicam. La médecine

tone,

renfermort alors la pharmacie & la chirurgie; | c'étoient les médecins qui compofoient les remèdes & qui faifoient pareillement toutes les opérations chirurgicales, quoiqu'ils n'euffent encore qu'une connoiffance très-imparfaite de l'anatomie, qui n'a commencé d'être cultivée que depuis environ deux fiècles. Jules-Céfar fut le premier qui donna le droit de bourgeoifie aux médecins ; & Augufte, pour récompenfer fon médecin Mufa, qui l'avoit tiré d'une maladie dangereufe, exempta tout le corps des médecins de payer des impôts.

MÉDECINS. Les écoles de gladiateurs avoient des médecins particuliers, & le régime athlétique l'exigeoit ainfi. On lit fur un marbre antique du temps des empereurs :

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On trouve encore medica dans une infcription publiée par Muratori ( Thef, infcript. 958. 6. ).

MÉDÉE, fille d'Aëtès, roi de Colchide & d'Hécate. Héfiode lui donne cependant pour mère Idya, fille de l'Océan. Voyez IDYA. Ayant vu arriver Jafon à la tête des Argonautes, elle fut éprise de la beauté de ce prince, & en devint auffi-tôt amoureufe. Junon & Minerve, qui lui avoient infpiré cet amour, conduifirent la princeffe hors de la ville, près du temple d'Hécate, dans le tems que Jafon y étoit déjà allé implorer le fecours de la Déeffe. Médée fait connoître à Jafon le tendre intérêt qu'elle prend à fes jours, & lui promet toutes fortes de fecours, s'il veut lui donner la foi. Poffédant à fond l'art des en

chantemens, elle l'affare qu'elle peut le tier de tous les dangers auxquels allo t l'expofer la conquête de la toifon d'or. En effet, elle le rendit victorieux de tous les montres qui gardoient ce tréfor, l'en mit en poffeffion, & s'enfuit de nuit avec lui. Voyez JASON.

Aëtès fit poursuivre les grecs par Abfyrthe, fon fon fi's, qui périt en cette entrepufe. Voyez ABSYRTHE. Médée arriva heureufement en Theffalie avec Jaíon; elle eut le fecret d'y rajeunir le vieil Efon, père de fon mari, & de faire périr Pélias, ufurpateur du trône de Jafon. Voyez ESON, PELIAS. Cependant, elle ne put faire reconnoître fon mari pour Roi d'Iolchos. Jafon, obligé de céder fa couronne à Acafte, fils de Pélias, fe retira avec Médée à Corinthe, où, affittés de leurs amis, ils vécurent dix ans en repos, & dans une parfa te union; deux enfans furent le fruit de leur amour. Mais Jafon le laffa enfin d'être fidèle, & oubliant qu'il devoit tout à Médée, qui l'avoit délivré d'un péril certain, & qui avoit tout facrifié pour le fuivre, réfolut de l'exiler avec les enfans qu'il avoit eus d'elle, après avoir épousé à fes yeux Glaucé ou Créüfe, fille du roi de Corînthe.

La vengeance qu'en tira Médée a fait le fujet de plufieurs tragédies, dont la première est d'Euripide. Ovide en avoit compofé une qui n'est pas venue jufqu'à nous, & dont Quintilien nous a confervé ce vers fi connu :

Servare potui, perdere an poffim rogas?

« Si j'ai pu le fauver, ne puis-je le détruire ? »

On dit que Mécène avoit traité le même ripide, & la Médée de Senèque. fujet; mais il ne nous reste que la Médée d'Eu

Médée, dans Euripide, fait femblant d'approuver cet hymen politique, & de vouloir même gagner la bienveillance de la nouvelle reine: & pour cela, elle demande la permiffion de lui envoyer par fes enfans un don digne d'elle, une robe très-fine & une couronne d'or, gage précieux, dit elle, que le Soleil, mon aïeul, a laiffé à fa poftérité. Ces préfens font acceptés; mais à-peine Glaucé s'eft elle revêtue de la robe, à peine la couronne eft-elle pofée fur la tête, qu'elle fe voit entourée de feu, & confumée toute vivante. Le roi fon père accourt à fes cris; il fe jette fur le corps de fa fille, & le tient ferré dans fes bras. Les flammes fe communiquent au père; il en ett dévoré, & meurt entre les bras de fa fille. Médée ayant appris l'iffue de les préfens, court achever fa vengeance, en égorgeant, en présence de Jafon même, les deux enfans qu'elle avoit eus de lui, & puis elle s'élève dans les airs

fur un char que lui avoit donné le Soleil, emportant avec elle le corps de fes enfans, qu'elle va cach.r, dit-elle, dans un temple de Junon, pour enlever ces triftes reftes à la fureur de fes ennemis. Horace & Sénèque dient que ce char étoit traîné par des dragons ailes. Euripide ne dit

rien de cette circonstance.

Médée, felon Diodore, fuyant de Corinthe, fe réfugia chez Hercule, qui lui avoit promis autrefois de la fecourir, 1 Jafon lui manquoit de foi. Arrivée à Thèbes, elle trouva qu'Hercule étoit devenu furieux; elle le guerit par fes remèdes ; mais voyant qu'elle ne pouvoit attendre aucun fecours de lui dans l'état où il étoit, elle fe retira a Athènes auprès du roi Egée. Celui-ci, non-feulement lui accorda un afyle dans fes états, mais l'épousa sur l'efpérance qu'elle lui avoit donnée, qu'elle pourroit, par fes enchantemens, lui faire avoir des enfans. Théfée étant revenu à Athènes en ce tems là, pour fe faire reconnoître par fon père, Médée chercha à faire périr par le poifon cet héritier du trône. Diodore dit qu'elle en fut feulement foupçonnée, & que, voyant qu'on la regardoit par tout comme une empoifonn-ufe elle s'enfuit encore d'Athènes, & cho fit la Phénicie pour fa retraite. Depuis étant paffée dans l'Afie fupérieure, elle époufa un des plus grands rois de ce pays-là, & en eut un fils appellé Midas, qui, s'étant rendu recommandable par fon courage, devint roi après la mort de fon père, & donna à fes fujets le nom de Mèdes.

,

Plufieurs anciens hiftoriens nous repréfentent Médée avec des couleurs bien différentes; felon eux, c'est une perfonne vertueufe, qui ne commit d'autre crime que l'amour qu'elle eut pour Jafon, par qui elle fut abandonnée lâchement, malgré les gages qu'il avoit de fa tendreffe, pour le voir fubftituer la fille de Créon. C'étoit une femme qui n'employoit les fecrets que fa mére lui avoit appris, que pour le bien de ceux qui venoient la confulter, qui ne s'étoit occupée en Colchide qu'à fauver la vie à ceux que le roi vouloit faire périr, & qui ne s'étoit enfuie que parce qu'elle avoit horreur des cruautés de fon père; enfin, une rene abandonnée, perfécutée, qui, après avoir eu inutilement recours aux garans des promeffes & des fermens de fon époux, fut obligée d'errer de cour en cour, & enfin de paffer les mers pour aller chercher un afyle dans les pays éloignés.

Médée s'étoit retirée à Corinthe, parce qu'elle avoit droit à cette couronne, felon Paufanias; effectivement elle y régna conjointement avec Créon. Diodore dit même que ce furent les corinthiens qui invitèrent cette princeffe à qu'tter Iolchos pour venir prendre poffeffion d'un trône

qui lui étoit dû. Mais ces peuples inconftans, foit pour venger la mort de Créon, dont ils accufoient Médée, foit pour mettre fin aux intrigues qu'elle formoit pour affurer la couronne à fes enfans, les lapidèrent eux-mêmes dans le temple de Junon où ils s'étoient réfugiés. A quelque tems de-là, Corinthe fut affligée de la pefte, ou d'une maladie épidémique, qui faifoit périr tous les enfans. L'oracle de Delphes avertit tous les corinthiens qu'ils ne verroient la fin de leurs maux, que lorfqu'ils auroient expiés le meurtre facrilège dont ils s'étoient rendus coupables. Auffi-tôt ils inftituèrent des facrifices en l'honneur des fi's de Médée, & leur confacrèrent une ftatue qui repréfentoit la Peur. Pour rendre encore plus folemnelle la réparation que les corinthiens fe trouvoient obligés de faire à ces malheureux princes, ils faifoient porter le deuil à leurs enfans, & leur coupo ent les cheveux jufqu'à un certain âge. Ce fait étoit connu de tout le monde, lorfque Euripide entreprit de mettre Médée fur la fcène, les corinthiens firent préfent au poëte de cinq talens pour l'engager à mettre fur le compte de Médée le meurtre des deux jeunes princes; ils efpéroient avec raifon que cette fable s'accrédi teroit par la réputation du poëte qui l'employeroit, & prendroit enfin la place d'une vérité qui leur étoit peu honorable. Pour rendre plus croyable cette première calomnie, les poetes tragiques inventèrent tous les autres crimes dont l'h ftoire de Médée eft chargée, les meurtres d'Abfyrthe de Pélias, de Créon & de fa fille, l'empoisonnement de Théfée, &c.

On la fit auffi paffer pour une grande magi cienne, parce qu'elle avoit appris de fa mère Hécate la connoiffance des plantes, & plufieurs fecrets utiles, dont elle fe fervoit à l'avantage des hommes. Enfin, ceux qui l'ont chargée de tant de forfaits, n'ont pu s'empêcher de reconnoître que, née vertucufe, elle n'avoit été entraînée au vice que par une espèce de fatalité, & par le concours des dieux, fur tout de Vénus, qui perfécuta fans relâche toute la race du Soleil, parce qu'il avoit découvert fon in trigue avec Mars. De-là ces fameufes paroles, d'Ovide:

Video meliora proboque,

Deteriora fequor.

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que Quinault a fi bien imitées en ces deux

vers:

« Le deftin de Médée eft d'être criminelle; » Mais fon cœur étoit fait pour aimer la vertu »

Voici l'explication que donne de la fable de Médée M. Rabaud de Saint-Etienne : 1

« Medée avoit donné, dit-on, fon nom à la

Médie. Hérodote & Paufarias rapportent que les mèdes avoient été appellés ariens avant l'arrivée de Médée; d'autres difent que ce pays fut ainsi nommé de Médus, fils de Médée & de Jafon ; d'autres le font venir de je ne fais quel autre Médus; ce qui nous elt indifférent, parce que c'est toujours la Médie perfonnifiée ».

:

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La mère allégorique de Médée n'eft pas toujours la même tantôt c'elt Idua, fille de l'Océan & de Thétis ce qui défigne une rivière; & en effet, dans l'énumération des rivières célèbres, Héfiode compte I'uia: tantôt c'eft Hypfea ou l'Elevée, ce qui défignerot les montagnes médiennes qui lioient la Médie, plus reculée, avec la Colchide tantôt c'eft Néra, l'une des néréïdes, ou la belle Eurylyte; enfin, elle eut auffi pour mère Hécate ou la Lune, tandis que fon père étoit fils du Soleil. Cette filation avec Hécate avoit rapport à la puiffance des enchantemens qu'on attribuoit à Médée, & dont il faut chercher la raison ».

"Si la Colchide & la Circaffie abondoient en poifons, la Médie étoit renommée pour de certains fruits dont le fuc guérillot le poifon le plus fubtil, & rétabliffoit la poitrine des vieillards. C'est Virgile qui nous a laiffé cette tradition. Citons les vers du Virgile français :

Vois les arbres du Mède, & fon orange amère,
Qui, lorfque la marâtre aux fils d'une autre mère
Verfe le noir poifon d'un breuvage enchanté,
Dans leur corps expirant rappelle la fanté.
L'arbre égale en beauté celui que Phébus aime;
S'il en avoit l'odeur, c'eft le laurier lui-même.
Sa feuille fans effort ne le peut arracher;
Sa fleur réfifte au doigt qui la veut détacher ;
Et fon fuc, du vieillard qui refpire avec peine,
Raffermit les poumons & parfume l'haleine.

ce Telle était la vertu attribuée aux arbres de Médie (C'est le citronnier, felon Ifidore.) ; & c'est d'après cette anecdote phyfique que Médée paffa pour connoître parfaitement les vertus des plantes, cu pour avoir rajeuni le vieil Efon, père de Jafon. C'étoit une tradition chez les grecs que les pays fitués à l'orient de la Mer noire produifoient des plantes dont les habitans connoiffoient les bonnes & Jes mauvaifes qualités (Natalis Comes, à l'article de Médée. ). C'est là que l'on favoit compofer un breuvage corrofif & brûlant, dont l'effet étoit fi prompt, qu'il ôtoit la vie qu'il ôtoit la vie dans vingt-quatre heures. On l'appelloit, à caufe de cela, ephemaium ; & à caufe du pays où on le compofoit, on difoit que Médée l'avoit inventé.

Ony favoit aufli préparer un feu inextinguible; ou if entroit du naphte, qui abondoit dans le pays qu'arrofe l'Euphrate; & voilà pourquoi l'on attribuoit à Médée d'avoir embrâfé fe palais de Créon avec une compofition particulièrę ».

« La Circaffie, la Colchide, la Médie, furent donc célèbres chez les grecs par ces breuvages funeftes & par ces feux redoutables; & comme giciennes & les empoisonneufes Circé & Médée. ces pays étoient perfonnifiés, on en fit les maChez les anciens, te poifon n'aloit pas fans les enchantemens. Dans ces pratiques fuperftitieuses, on invoquoit la Lune, pour la faire defcendre du cil; & c'eft pourquoi, entre les diverfes mères qu'on attribue à ces magiciennes, fe trouve Hécate ou la Lune. Ajoutons que pour completter ce merveilleux de la magie, la Médie produifoit des ferpens vénimeux, que l'on enchantoit en récitant, ou plutôt en chantant certains vers. La tradition & l'ufage s'en confervèrent jufques chez les romains. Les marfes, peuple d'Italie, fe vantoient de fufpendre l'effet du venin des ferpens par leur rituel poétique; car c'étoit avec de l'antiquité. C'étoit une fuite de l'ufage ancien, des chants qu'on faifoit ces prodiges & tous ceux né dans des temps où le langage même étoit mufical, & où la poéfie étoit de la mufique : c'eft de-là que nous eft venu le mot d'enchantement. Ovide, parlant de l'ufage des marses, cite les ferpens de Médie comme les plus renommés:

Nec Media Marfis finduntur cantibus angues.

(Ovid. in medicam. faciei.) »

Un des plus beaux bas-reliefs antiques, eft celui du palais Rufpoli de Rome, fur lequel on voit, felon Winckelmann, Jafon donnant fa foi à Médée, affife près du dragon qui gardoit la toifon d'or. Les figures de ce bas-relief ont tant de faillie, que l'on peut paffer les doigts entre le fond & le col du héros.

La vengeance terrible qu'exerça Médée fur G'aucé & les enfans, fait le fujet de trois basreliefs antiques, fur lefquels on la voit dans un char traîné par des ferpens aîlés. Le premier eft dans la cour du palais Lancellotti à Rome, & Winckelmann l'a publié dans fes Monumenti inediti, n. 90 & 91. Le fecond eft une urne fépulchrale ou farcophage de marbre, confervé dans 11 cour du palais Caucci. Le troifième enfin placé à la villa Borghèfe de Rome, a été reftauré. Bellori & Montfaucon ( Ant. expl. t. I. pl. 40.) l'ont donné à Cérès, furieufe de l'enlèvement de Proferpine. C'eft ainfi qu'ils ont fubftitué la mère de Proferpine à Médée.

MÉDÉE (Pierre de ), medea, étoit, felon

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