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s'arrêter fix jours entiers fur fes bords. Ses foldats, qui fubfiftoient à peine fur une côte où tout étoit ravagé, rebutés de tant d'obstacles, fe retirerent chacun chez eux. Le duc refta feul avec un domeftique. Dans cette extrémité, il fe réfugia chez un nommé Banifter, qui avoit été autrefois à fon fervice. Če malheureux, féduit par l'espoir d'une fomme confidérable,que le roi offroit à celui qui livreroit le duc, découvrit le lieu de fa retraite. Ce feigneur fut auffi-tôt pris, & décapité à Shrewsbury, fans aucune forme de procès.

Richard, échappé à ce danger, n'en devint que plus cruel. Sa barbarie, excitée par la crainte, immola chaque jour de nouvelles victimes. Il créa vice-connétable un chevalier nommé Ashton, homme féroce & fanguinaire, dont le caractere convenoit à fes intentions. Il lui donna le pouvoir de juger fans appel, & de faire exécuter fur le champ tous ceux qui lui paroîtroient fufpects, & l'envoya dans plufieurs provinces exercer cette autorité tyrannique. On raconte qu'Ashton voulant fe défaire d'un gentilhomme diftingué du comté de Divon, alla defcendre chez lui, comme pour prendre quelques rafraîchiffemens. Le gentilhomme, à qui la confcience ne reprochoit rien, reçut le chevalier avec de grandes marques de joie, & n'épargna

rien pour le bien traiter. Ashton, avant de dîner, donna quelques ordres à fes gens. Il fe mit enfuite à table, où il fut comblé de politeffes par fon hôte. Après le repas, qui avoit été fomptueux, Ashton proposa au gentilhomme de faire un tour de promenade aux environs. Lorfqu'ils furent à quelque diftance de la maison, un gibet fort élevé, qu'on venoit de dreffer, s'offrit à leurs yeux. Ce fpectacle caufa quelque furprise au gentilhomme. Ashton, l'ayant remarqué, lui demanda froidement s'il pourroit bien deviner pour qui ce gibet étoit deftiné. Le gentilhomme répondit fimplement qu'il l'ignoroit. «Je vais vous »l'apprendre, reprit Ashton : c'eft pour » vous-même. » En difant ces paroles, il fit faifir le malheureux gentilhomme par fes fatellites, qui le pendirent fur le champ à ce gibet.

[1484.]

Le roi affemble le premier parlement qui fe foit tenu fous fon règne. Les enfans d'Edouard y font déclarés bâtards. On y confirme l'élection de Richard, & fon droit à la couronne. Le comte de Richemont & fes adhérans font déclarés criminels de lèfe-majesté.

Richard apprit par fes efpions que tout

ce qui fe tramoit en faveur du comte de Richemont, étoit fondé fur le mariage de ce prince avec Elizabeth, fille aîné d'Edouard IV. Pour parer ce coup, dont il prévoyoit toutes les conféquences, il réfolut d'époufer lui-même cette princeffe ; mais ce projet n'étoit pas aifé à exécuter. La reine, fon époufe, étoit pleine de vie & de fanté. Cet obftacle n'arrêta point Richard accoutumé, depuis long-tems, au crime. Il donna du poifon à fon épouse, &, en peu de jours, il s'en vit délivré. » Ce fut le moins heureux de fes crimes. >> Elizabeth rejetta avec horreur la main d'un tyran, deftructeur de fa famille.

[1485.]

Le comte de Richemont arrive en Angleterre, & fait fa defcente dans le pays de Galles. Cette province étoit remplie de fes partifans. Il fe voit bientôt une armée nombreuse avec laquelle il s'avance jufqu'au centre du royaume. Richard attendoit fon adverfaire entre Leicester & Coventri. Les deux armées fe rencontrerent à Bosworth, le 22 d'Août. Le roi avoit environ douze à treize mille hommes. Le comte n'en avoit que cinq mille. Pendant qu'on fe préparoit à l'action, le lord Stanley,

qui favorifoit fecrettement le parti du comte de Richemont, arriva à Bofworth, & fe pofta vis-à-vis l'intervalle qui féparoit les deux armées. Richard, qui foupçonnoit fes intentions, lui envoya ordre de le venir joindre. Stanley répondit qu'il marcheroit quand il en feroit tems. Sur cette réponse, le roi ordonna qu'on fit mourir fon fils, qu'il avoit retenu pour garant de la fidélité du pere. Cet ordre eût été exécuté, fi les généraux de Richard ne lui euffent représenté qu'une cruauté fi mal placée ne pouvoit que lui nuire. Enfin la bataille fe donna. Richard combattit comme un lion. Ayant apperçu le comte dans la mêlée, il fe jetta, pour le joindre, au milieu des plus épais bataillons, renverfant tout ce qui s'oppofoit à fon paffage. Il tua le chevalier Brandon, qui portoit l'étendard du comte, & qui s'étoit mis devant lui, pour le couvrir. Le chevalier Chesney prit la place de Brandon, & fut renversé d'un coup de lance; enfin les deux rivaux se rencontrerent. Ils alloient décider euxmêmes leur querelle, lorfque le lord Stanley, levant le mafque, prit en flanc l'armée de Richard, & la chargea fi vivement, qu'il la mit en défordre. La confufion, que produifit cette attaque, fépara les deux princes. Richard, défefpérant du fuccès de la

bataille, fe jetta avec un cri terrible au milieu de fes ennemis, & périt en combattant.

Avant le combat, il avoit mis fa couronne fur fa tête, afin d'être mieux reconnu. Unfoldat la trouva fur un tas de cadavres, & la remit à Stanley. Ce feigneur, s'étant approché du comte de Richemont, la lui pofa fur la tête,& le félicita de fa victoire. Le corps de Richard fut trouvé parmi les morts, nud, enfanglanté, couvert de boue. Dans cet état, on le mit de travers fur un cheval, la tête pendante d'un côté, & les pieds de l'autre, pour être porté à Leicester, où il fut enterré, fans la moindre cérémonie, après avoir été expofé aux yeux du peuple, pendant deux jours. Richard fut le dernier des rois Angevins, furnommés Plantagenéts, qui, depuis Henri II, chef de cette race, avoient occupé le thrône d'Angleterre, de pere en fils, pendant trois cens

trente ans.

Catesby, confident de Richard, & le plus fidèle miniftre de ses cruautés, fut fait prifonnier, & condamné à perdre la vie. Quelque tems avant d'aller au fupplice, il demanda inftamment la liberté d'entretenir un moment le comte de Richemont, fous prétexte qu'il avoit des fecrets importans à lui communiquer. Le comte rejetta fes

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