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religion. Le quatrieme enfin étoit compofé de cette foule de gens, que l'amour de la nouveauté, l'efpérance d'un meilleur fort, & une inquiétude naturelle entraînent & font foulever, fans principe & fans but décidé. Ils fe nommoient indépendans, & affectoient de tenir un milieu, foit dans les affaires de la religion, foit dans les troubles de l'Etat. Cromwel, quoique Puritain, fe rangea de ce parti, & en devint le chef.

Les Irlandois étoient prefque tous Catholiques. Leur attachement pour la religion Romaine leur avoit attiré, fous les règnes précédens, quelques perfécutions,qui avoient irrité leurs efprits. Mais, lorfque, fous le règne de Charles, le parlement, ufurpant toute l'autorité, voulut porter contre eux 'des loix très-rigoureufes, de fon propre mouvement, & fans la permiffion du roi; lorfqu'ils virent qu'on arrachoit des lieux publics, & des maifons particulieres, toutes les marques de la religion Romaine; qu'on brifoit les ftatues des faints; qu'on brûloit les images, & qu'on caffoit même les vieilles vitres des églifes, fur lesquelles il y avoit des peintures, ils s'affemblerent à Kilkeni, dans la province de Leifter, avec la permiffion du roi; & là, d'un commun accord, ils réfolurent de renouveller l'horrible fcène des Vêpres Siciliennes, & de fe délivrer des Anglois Proteftans, comme les Siciliens s'é

toient délivrés des François. Quelques jours après, fur la fin de Mai, au fignal dont ils étoient convenus, ils fe jetterent fur les Anglois, & en firent un fi horrible carnage, que quelques auteurs font monter le nombre des morts à cent trente mille. Charles, qui avoit permis l'affemblée de Kilkeni fut accufé d'être l'auteur de ce maffacre: ce qui contribua beaucoup à le rendre odieux.

Il y avoit dans la ville de Hull un grand magazin d'armes & de munitions de guerre. Charles, fe voyant à la veille d'avoir à foutenir une guerre cruelle contre fon parlement, jugea à propos de s'affurer de ce magazin. Pour cet effet, il s'avança en perfonne vers la ville de Hull; mais le chevalier Jean Hotham, que la chambre des communes avoit fait gouverneur de cette place, n'eut pas plutôt appris que le roi approchoit, qu'il lui ferma les portes, & lui refufa infolemment l'entrée de la ville. La nobleffe de la province d'Yorck, indignée de l'affront qu'on venoit de faire au roi, accourut vers lui, dans le deffein de le venger. Charles forma le fiége de Hull, & le pouffa avec vigueur. La place étoit réduite aux dernieres extrémités, lorsqu'il lui vint un fecours inefpéré. Cromwel demanda au comte d'Effex, géné ral de l'armée du parlement, la permiffion de fe jetter dans la ville de Hull, pour y

porter quelque fecours. Sa propofition ef acceptée. Il prend avec lui douze cavaliers, braves & déterminés; traverse à minuit le camp du roi, malgré une grêle de moufquetades, & arrive à la porte de la ville. Il fe nomme. Les portes lui font ouvertes. On le reçoit comine un libérateur envoyé le ciel. Il ranime le courage de la garnifon par un difcours vif & pathétique. Son exemple eft encore plus éloquent. Chaque jour, à la tête des affiégeans, il fait des forties fur l'ennemi. Chaque jour, il remporte de nouveaux avantages, & force enfin le roi de lever le fiége.

par

Ainfi Cromwel, de l'ombre du fanc tuaire, porté dans le camp, fe trouva grand général, dès qu'il commença à manier les armes, & marqua fon coup d'effai par un exploit digne des plus fameux capitaines.

Après la levée du fiége de Hull, Cromwel, revenant à Londres, apprit la mort de Louis XIII, roi de France, & dit à ce fujet: « Il eft mort un roi moins méchant »que le nôtre; mais quand tous les rois feroient morts avec lui, la condition de » l'Europe n'en feroit que meilleure. »

Le baron de Litlethon, garde des fceaux, quoique toujours fidèle au roi, étoit resté à Londres, & feignoit de fuivre le parti du parlement, pour être à portée d'inftruire le roi de ce qui s'y paffoit. Le grand sceau

'étoit demeuré entre fes mains. Charles, qui en avoit abfolument befoin, envoya un officier de fa maison, nommé Eliot, pour le lui demander. Il n'étoit pas aifé de fatisfaire le roi. Si le parlement eût eu le moindre foupçon de ce deffein, il y alloit de la vie de ces deux feigneurs. Le baron en vint à bout par fon adreffe. Selon l'ancien ufage d'Angleterre, celui qui garde le fceau, doit le faire porter devant lui, en quelque lieu qu'il aille, dans une bourfe de velours brodée d'or & de perles, aux armes du roi. Lorsqu'Eliot fut parti avec le fceau le baron alla, en même tems, à une de fes maifons de campagne, faifant porter devant lui la bourse vuide; & dès qu'il fut arrivé à fa maison de campagne, il en partit auffi-tôt pour fe rendre à Yorck auprès du roi.

~[1644.]

Le parlement étoit extrêmement irrité con tre la reine. Comme elle étoit zélée Catholique, il l'accufoit de vouloir ruiner la religion proteftante en Angleterre. Il réfolut donc de fe rendre maître de fa perfonne, pour lui faire fon procès. Mais la reine, informée à tems des deffeins du parlement, s'embarqua promptement, pour paffer en France. Le vice-amiral Batti eut ordre de la pourfuivre jufqu'aux côtes de Bretagne; mais le

yac de la reine fut plus léger que fon ef cadre. Défefpérant de l'atteindre, il fit faire une décharge de tout fon canon fur le yac de cette princeffe, à deffein de le couler à fond; mais cette décharge ne produifit aucun effet. La reine aborda heureufement fur les rivages voifins de l'évêché de Léon, & de-là fe rendit à Breft, d'où elle fut conduite à Paris, avec tous les honneurs dûs à fon rang. Louis XIV, & le cardinal Mazarin allerent à fa rencontre. L'éloquent Boffuet a fait l'éloge funèbre de cette princeffe. Il a peint avec fa force ordinaire cette fuite déplorable.

Le parlement avoit fait mettre en fequeftre tout le domaine du roi, & celui du prince de Galles. La reine avoit engagé fes pierreries & fes bijoux; & Charles avoit déja épuifé cette reffource. L'univerfité de Cambridge donna, dans cette occafion, un exemple à jamais mémorable de l'amour que les fujets doivent à leur Souverain. C'étoit, fans contredit, la plus riche univerfité de l'Europe. Les revenus de fes colléges étoient très-confidérables. Les princes, qui y avoient pris les degrés; les pairs du royaume, qui en avoient été chanceliers; les rois, de fiècle en fiècle, l'avoient comblée à l'envi des préfens les plus magnifiques. L'églife de l'univerfité étoit décorée d'un nombre infini de lampes, de chande◄

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