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N. 395.

qu'il donna en prefence de toute la comunauté à un moine qu'il venoit de recevoir, après l'avoir laiffé à la porte pendant plufieurs jours. Nous vous avons refufé long-temps, dit-il, non que nous ne défirions de tout nôtre cœur vôtre falut, & celui de tous les autres, & que nous ne voulions aller bien loin au devant de ceux qui veulent fe convertir: mais de peur de nous rendre & vous auffi très-coupables devant Dieu, fi pour avoir été trop facilement reçu vous tombiez dans le relâchement.Enfuite il lui fit une grande inftruction fur le renoncement parfait, que demande la vie monaftique. Les deux amis en furent fi touchez,qu'ils tomberent prefque dans le défefpoir; tant ils fe trouvoient éloignez de la perfection de leur état. Ce fut une occafion à l'abbé Pynufe de les entretenir de la pénitence, 11. in fi. & des moyens de réparer les fautes paflées. Illes pria inftamment de demeurer dans fon monaftére: mais le défir de voir le fameux défert de Scetis les empêcha de s'y arrêter.

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•4.5.

V.

Ils traverferent donc le Nil,& pafferent à DiolPiammon, cos,petire ville à l'une des fept embouchures de Jean. ce fleuve, où il y avoit plufieurs anciens & celeColl. xvi bres monafteres. Il y avoit auffi des anacorétes 1. Inftit. dans une ifle fermée d'un côté par le Nil, & de X.C. 36. l'autre par la mer,qui ne contenoit que des fables fteriles; & où ils n'avoient d'eau que celle du fleuve, diftant de leur habitation de plus de trois milles, en forte qu'ils la menageoient avec plus de foin, qu'on ne conferve ailleurs le vin le plus précieux.Encore ce chemin étoit des montagnes fabloneufes très-difficiles à paffer. Un de ces anacorétes nomé Archebius, voyant le défir de Caffien & de Germain de demeurer en ce lieu-là,leur laiffa fa cellule tout meublée, feignant d'avoir déja réfolu de loger ailleurs; & après en avoir bâti une autre avec bien de la peine,il la laissa en

37.

cncore par le même artifice à d'autres freres furvenans, & en bâtit pour lui une troifiéme. Cet Archebius étoit d'une bonne famille de Dioclos: il fe retira dès l'enfance dans un Monaftére qui n'en étoit qu'à quatre milles& pendant cinquante ans qu'il y vêcut,il ne revint pas à la ville,& ne vit aucune femme, pas même fa mere. Toutefois fçachant qu'après la mort de fon pere, elle étoit inquietée pour une dette de cent fous d'or qu'il avoit laiffée; il fit fi bien qu'en travaillant jour & nuit pendant une année fans fortir de fon monaftére, il gagna cette fomme, aquitta la dette, & mit fa mere en repos.

AN. 395.

c. 38.

Col. XVIII

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ci 4.

Dans cette folitude de Diolcos, Caffien & Germain virent l'Abbé Piammon, le plus ancien de tous les anacorétes & leur prêtre. Il avoit le don des miracles,& en fit plufieurs en leur presence. Il les reçut avec beaucoup d'humanité; & leur ayant demandé le fujet de leur voyage, il leur parla des trois genres de moines qui fe trouvoient en Egypte : les Cenobites vivant en communauté: les Anacorétes, qui après s'étre formez dans la communauté, paffoient à un folitude plus parfaite: les Sarabaïtes, qui étoient des vagabons & de faux moines. Il rapporte au tems desapô- e s. tres l'inftitution des Cenobites, comme un refte de la vie commune des fidéles de Jerufalem; & dit qu'ils ont produit les anacorétes, dont il compte pour les premiers S. Paul & S. Antoine. Quant aux Sarabaïtes, le libertinage & l'avarice c, 6. les faifoient vivre fans régle; & ils s'étoient fort multipliez. Les Cenobites & les anacorétes é- c. 78. toient à peu-près en nombre égal dans l'Egypte: dans les autres païs il y avoit beaucoup plus de Sarabaïtes. Ce que j'ai reconnu,difoit Piammon, du tems de la perfécution que Lucius évêque des Ariens excita fous l'empire de Valens : lorfque je portois des aumônes à nos freres releguez dans

sup. l. xvi.

6

8.36.

les mines de Pont d'Armenie. Il y avoit une quaAN. 395, triéme efpece de moines: favoir des Ermites libertins, qui fe retiroient de l'obéïflance pour vivre feuls fous le nom d'anacorétes.

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C. 2.

Quelques jours après, Caffien & Germain alColl. xix. lerent au monaftere de l'abbé Paul, habité de plus de deux cens moines: mais alors il s'y en étoit affemblé une multitude infinie des autres monafteres, pour célébrer l'aniversaire du précédent abbé. Come ils étoient dans une grande cour rangez douzeàdouze pour prendre leur repas, un jeune frere tarda un peu trop à aporter un plat. L'Abbé Paul lui donna un fouflet qui s'entendit de fort loin: mais le jeune homme ne murmura point, ne changea pas de couleur, ne perdit rien de fa modeftie, & tous les affiftans en furent extrêmement édifiez. Le plus anciende ce monaftere, étoit le vénérable Jean, diftingué par fon humilité, qui lui avoit fait quitter la vie d'anacorete, pour rentrer dans la comunau#.5. 4. &c. té. Il entretint les deux amis de la diférence de ces deux états, des avantages & des périls de l'un & de l'autre ; & il mettoit la fouveraine perfection à en joindre les vertus; comme j'ai vû, dit-il, en l'abbé Moyfe, en Paphnuce & les deux Macaires, Ils étoient infatiables du repos de la folitude, & de leur part ne défiroient aucune focieté humaine: toutefois quand on les aloit vifiter, ils foufroient la multitude & les foibleffes de leurs freres avec une patience inbranlable: comme s'ils n'euffent fait que les fervir tou

VI.

te leur vie.

Caffien & Germain virent ensuite l'abbé Theonas, & aprirent l'ocafion de fa converfion. Ses Theonas. l'avoient marié très-jeune, pour éviter Abraham. parens la débauche. Après qu'il eut vécu cinq ans avec fa femme, un jour il alla, felon laa coutûme, avec les autres habitans, porter au monaf

Cell xxi.

tere voifin les dixmes ou les premices de fes fruits. Ils furent reçus par un vieillard nommé AN. 395. Jean, que l'on avoit choifi pour cette fonction, à caufe de fon merite; & qui pour récom - c. 2. penfe de leur charité, leur fit une inftruction fur les devoirs de donner à Dieu les dixmes & les premices, afin qu'elles fuffent employées aux befoins des pauvres, & fur l'excellence de c. 5. 6.9. la perfection évangelique, au-deffus de l'obligation de la loi. Theonas touché de cette exhortation, résolut de quitter fa femme, pour embraffer la vie monaftique; & n'ayant pû lui perfuader d'en faire autant, il ne laiffa pas d'executer fon deffein, & la quitta malgré elle. Ce que c. 10. Caffien ne propofe pas, comme un exemple à imiter; mais comme une conduite extraordinaire, que Dieu avoit autorisée, en donnant enfuite à Theonas le don des miracles. Il avança tellement dans la vertu, qu'après la mort d'Élie, fucceffeur de Jean, il fut élû d'un commun confentement pour la même charge de recevoir & diftribuer les aumônes, que l'on nommoit en grec la diaconie, & qu'ils eftimoient très-importante.

C. I.

L'abbé Theonas étant venu voir Caffien & Germain dans leur cellule; & s'étant affis à terre avec eux, comme c'étoit le tems pafcal, ils lui demanderent: Pourquoi chez vous obferve-t-on fi exactement de ne point fléchir du tout les geMoux dans l'oraifon pendant ces cinquante jours, & de ne point jeûner jusques à none; car nous ne voyons point qu'on le pratique fi régulierement dans les monafteres de Syrie. Theonas répondit: Le jeûne eft de foi une chofe indiffe- . 12, IN. &c. rente, qui par confequent peut être observée ou non, felon les occafions. Il est de tradition apoftolique de célébrer en joye, non-feulement les quarante jours où Jefus-Chrift parut après fa

C. 20.

#.23.

c. 25.

8. 27.

fes

réfurrection, mais encore les dix jours que AN. 395. difciples pafferent en retraite jufques à la defcente du Saint-Esprit; & afin que ce relâchement ne nous faffe pas perdre le fruit de l'abftinence du carême, nous ne le faifons confifter qu'à avancer un peu l'heure de nôtre repas ; c'est-à-dire,de le prendre à fexte au lieu de none, fans rien changer en la qualité ni en la quantité de la nour6. 24. riture; ainfi ils ne mangeoient toûjours que douze onces de pain par jour. Germain demanda pourquoi le carême n'étoit que de fix femaines, ou de fept en quelques pays? puifque ni l'un ni l'autre nombre ne font quarante jours, en ôtant le famedi & le dimanche,où l'on ne jeûnoit point mais feulement trente-fix jours. Theonas répondit: Ces trente fix jours font la dixme de toute l'année, qui eft de trois ces foixante-cinq jours ; & ce qui fait la diverfité, c'eft que ceux qui ne jeûnent que fix femaines, jeftinent le famedi. On n'a pas laiffé de nommer tout ce tems carême ou quarantaine, peut-être à caufe des quarante jours du jeûne de Mcïfe, d'Elie & de . 29. J. C. même. Les parfaits ne s'aftreignent pas à cette loi, & ne renferment pas leur jeune à des bornes fi étroites: les anciens jeûnoient toute l'année, & cette loi du carême n'a été introduite qu'en faveur des foibles, afin qu'ils donnaflent à Dieu au moins la dixme de l'année. On voit ici combien Caffien,& ceux dont il rapporte les dif cours, étoient perfuadez de l'antiquité & de l'utilité du carême. L'abbé Theonas les entretint Rom. vII. enfuite des illufions nocturnes de cette parole. 19. 17. de S. Paul: Je ne fais pas le bien que je veux, 18. &c. mais je fais le mal que je ne veux pas ; leur montrant que les faints meme ne font pas exempts de peché, ni parfaits en cette vie.

F. 28.

6.30.

Coll xx11.

XXIII.

Coll. XXIV

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Caffien & Germain après avoir demeuré quelque temps en Egypte, furent violemment ten

te

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