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tés de retourner en leur païs, auprès de leurs parens, qui étant riches & pieux, ne les détourne- AN. 395. roient point de leur bon deffein, & leur fourniroient abondamment les néceffitez de la vie. Ils efperoient même en convertir d'autres par leur exemple & leurs inftructions. Enfin ils fe figuroient que dans le voisinage des terres de leurs ancêtres, ils trouveroient de belles forêts & des folitudes agréables & fertiles. Ils communiquerent ces pensées à l'abbé Abraham, qui en prit fujet de les entretenir de la mortification, & leur dit : Ces penfées fi foibles marquent que c. 24 vous n'avez pas encore renoncé au monde, ni mortifié vos défirs. Nous aurions pû chercher auffi les mêmes foulagemens. Nos parens nous nourriroient volontiers ; & quand ils nous manqueroient, les riches de ce monde nous fourni roient avec joie tous nos befoins.Nous pouvions mettre nos cellules fur le bord du Nil, & nous épargner la peine d'aller querir de l'eau à quatre milles. Nous aurions auffi trouvé dans ce pays des déferts agréables, avec des arbres fruitiers & des jardins. Mais nous avons préféré à tout ces déferts triftes & fecs, & ces fables falez & stériles. Ceux qui tendent à la perfection, doivent chercher des lieux où rien ne les invite à fortir de leur cellule, pour travailler au grand air, qui diffipe & fait évaporer l'efprit en diverfes pen- c. 11.12 15 fées. Il infifte fur la néceffité du travail des mains, pour ne point vivre aux dépens d'autrui, & ne dépendre de perfonne.

ils

Après que Germain& Caffien eurent demeuré fept ans en Egypte, ils retournerent à leur monaftere de Bethleem ; où ils furent très-bien reçus, & avec la permiffion de leurs anciens, revinrent pour vifiter le fameux défert de Scetis ; & y virent entre autres fept illuftres folitai res, Moïfe, Paphnuce, Daniel, Serapion, Theo

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C. 3.

VIL

Callien i Scetis.

Coll. XVII

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dore, Serene & Ifaac. L'abbe Moïfe avoit été AN. 395. dans la jeuneffe auprès de S. Antoine, & comGoll .me ils lui demandoient quelque inftruction, il Col. 11 c. 2. fe fit beaucoup prier, ne voulant parler de la Coll, C., perfection chretienne qu'à ceux qui la défiroient

e. 5.

ardemment, & non pas à ceux à qui elle étoit indifferente pour ne pas tomber lui-même dans la vanité ou l'indifcrétion. Enfin fe laiffant toucher à leurs prieres & à leurs larmes, il leur parla du but de la vie monaftique, qui eft d'ac Coll... querir la pureté de cœur, pour arriver à la vie éternelle. Le lendemain il les entretint de la difcrétion, ou plûtôt du difcernement des efprits & de la prudence qui régle toutes les au tres vertus: dont il confirma la néceflité par plufieurs exemples.

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Ils eurent auffi une conference avec l'abbé Pa phnuce furnommé Bubale ou Bufte, à caufe de fon grand amour pour la folitude, qui lui faifoit fuir la compagnie meme des autres anacorétes. Il étoit prêtre du défert de Scetis, & alors âgé de plus de quatre-vingt dix ans. Toutefois il n'avoit jamais voulu quitter la cellule qu'il avoit commencé d'habiter en fa jeuneffe, quoiqu'éloi gnée de l'églife de cinq milles, qui font près de deux lieues. Il ne laiffoit pas d'y aller tous les fa medis & les dimanahes; & n'en revenoit pas à vuide, mais les épaules chargées d'un grand vase qui contenoit fa provifion d'eau pour toute la femaine;& dans ce grand âge,il ne voulut jamais fouffrir que les jeunes gens le foulageaffent de ce travail. Il entretint les deux amis des trois fortes de renonciations néceffaires à un folitaire: aux richèffes & aux biens exterieurs, à ses paffions & à fes penfées, pour oublier toutes les Coll-v.. chofes temporeiles. Daniel étoit principalement recommandable par fon humilité. Paphnuce le fit ordonner diacre, le préferant à plufieurs

autres plus ågez, & même enfuite il le fit élever au facerdoce: mais Daniel ne voulut jamais en AN. 395faire la fonction en la présence, & continua de lui fervir de diacre, tout prêtre qu'il étoit. Paphnuce le deftinoit pour fon fucceffeur : mais il fut fruftré de fon efperance, & Daniel mourut devant lui. Il entretint les deux amis de la caufe c. 1. des féchereffes fpirituelles, & du combat de la chair & de l'efprit. Serapion, qui excelloit principalement dans la difcretion, lui parla des huit vices principaux, c'eft-à-dire,des fources de tous les pechez ; la gourmandife, l'incontinence, l'a- Col. 7. varice, la colere, la trifteffe, l'ennui, la vanité

& l'orgueil.

C. 7.

Gal. v. 77.

Il y avoit un monaftere en Palestine près de Coll.vi.C.I. Thécué, vers la mer morte & les deferts d'Arabie, où de très-faints moines habitoient depuis très-long-tems. Ils furent tuez dans une incurfion fubite des Sarrafins. Les évêques du pays avec tout le peuple Arabe,enleverent leurscorps, & les enterrerent avec les reliques des martyrs. Il s'affembla une multitude infinie de peuple des deux villes voisines, qui difputoient leurs reliques, jufqu'au combat & aux épées, les uns fe fondant fur le voisinage de leur demeure, les autres fur le lieu de leur origine. L'églife les honore comme martyrs le vingt-huitième de Mai. Caffien & quelques autres fcandalifez de cet évenement, comme indigne de la bonté de Dieu, allerent confulter Theodore, qui demeuroit aux Celles, entre Nitrie & Scetis, & il les entretint à cette occasion fur la nature du mal & l'utilité des fouffrances. Serene,recommandable par fa pureté angelique, leur parla de la mobilité de l'ame, & du pouvoir des démons fur elles. Il raporte, comme un fait certain, que les premiers c. 23: folitaires qui habiterent ces deferts, étoient bien plus tourmentez des démons, & attaquez même

Mirtyr.

6. 3 &c.

Coll VIT

vifiblement; en forte que dans les communauAN. 395. tez on étoit obligé de veiller tour à tour pour faire garde mais alors leur pouvoir étoit fenfiblement diminué. Cet entretien engagea l'abbé Serene à leur en faire un autre, de la nature des démons, de leur chute, de leur fubordination, & de leurs emplois. L'abbé Ifaac les entretint de l'oraifon.

Coll. VIII.
Coll. IX X.

VIII.

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quine

Lelong séjour que fit Caffien chez les moines d'Egypte, lui donna moyen de s'inftruire parfai tement de leur maniere de vivre; & c'est par lui que nous en pouvons le plus fçavoir. Il décrit auffi leur habit. Ils portoient une tunique de lin, qui ne venoit guére qu'au deffous des genoux,& dont les manches ne paffoient pas les coudes, afin de laiffer plus de liberté pour le travail. C'est la même qu'ils nommoient collobe ou lebitone. Ils n'approuvoient pas l'ufage des cilices, comme extraordinaire, & en général,ils blâmoient toute affectation.La tunique étoit large,& pour l'ar, rêter, ils portoient non-feulement une ceinture, mais encore une écharpe ou cordon de laine, qui defcendant du cou, de part & d'autre, paffoit fous les aiffelles, & ferroit les deux côtez, afin de donner aux bras toute liberté. Ils portoient des cueules ou capuces, mais très-petits, & qui ne defcendoient que jufques au haut des épaules; & ils ne les quittoient ni jour ni nuit. Ils marchoient nuds pieds pour l'ordinaire: mais ils fe chaufloient quelquefois, pour fe garantir du froid des matinées d'hyver, ou de la chaleur du midi; & alors ils portoient cette chauffure valgaire, que l'on nommoit en latin caliga, Pardeffus la tunique,ils portoient un manteau,nommé Maforte,qui couvroit le cou & les épaules, & n'étoit que de lin comme la tunique,& par delfus une melote ou peau de mouton. Ils marchoient avec un bâton à la main.

Coll xx

C 23.

Coll. 11.

c. 16.

Leur nourriture ordinaire n'étoit que du pain & de l'eau. Car après de longues experiences & AN. 399 € de mûres déliberations, ils avoient préferé cette nourriture à celle des légumes, des herbes, ou des fruits, que d'autres mangeoient fans pain. Le leur étoit du bifcuit, & la quantité étoit d'une livre Romaine par jour,c'est-à-dire,douze onces, en deux petits pains de fix onces chacun, nommé paximacia, dont ils mangeoient l'un à none, & l'autre le foir. Les jours qui n'étoient pasjeunes, comme les dimanches, & pendant le tems pafcal, ils avançoient le premier repas jusques à midi; & ils l'avançoient auffi quelquefois en faveur des hôtes: mais foit qu'ils mangeaffent une ou plufieurs fois, ils n'excedoient jamais la mefure qu'ils s'étoient preferite. Elle paroiffoit grande d'abord, & les nouveaux c. 10. moines avoient peine à manger leurs douze onces de pain: mais à la longue, quand il falloit vivre de pain feul, fans y tien ajoûter, quelque c. i. jour que ce fût,cette nourriture fi féche paroiffoit légere. Toutefois ils ajoûtoient en certains Coll. v. jours quelques douceurs;& Caffien dit que l'abbé c. 1. Serene les traitant un dimanche, leur donna une fauffe, avec un peu d'huile & du sel frit, trois oli➡ ves, cinq pois chiches, deux prunes, chacun une figue. Ils ne prefcrivoient pas à tous la même abftinence; ils avoient égard à l'âge, au fexe, à v Infit. la force de chacun. Ils n'approuvoient pas les c. 5. 9. jeûnes de deux ou trois jours ou plus, fans manger; ils aimoient mieux qu'on prît chaque jour de la nourriture.

Ils s'affembloient pour prier le foir & la nuit, & à chaque fois ils récitoient douze pleaumes: ce qu'ils croyoient avoir été enfeigné à leurs peres par un'ange, qui vint chanter au milieu d'eux onzepfeaumes,avec une oraifon après chacun; puis y en ajouta un douzième, avec alleluia.

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