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wert par fon âge avancé. Les barbares en furent touchez,& les conduifirent toutes deux à l'églife AN 410. de faint Paul. Car Alaric avoit ordonné qu'elle fervit d'afyle, auffi bien que celle de S. Pierre. Sainte Marcelle remercioit Dieu d'avoir fauvé l'honneur de fa fille,& de l'avoir elle-même préfervée du pillage, par la pauvreté volontaire. Elle mourut peu de jours après entre les bras de fa fille ; & l'illuftre Pammaque mourut auffi vers le même tems. Un diacre nommé Denys; qui fçavoit la medecine, & l'éxerçoit gratuitement, fut emmené par les Goths; mais il fe rendit fi Epitaph. aimable & si vénérable parmi eux, qu'ils le re- ap. Bar. gardoient comme leur maître.

an. 410.

Hier. traf b I in Ezech.

C. 39.

Id. c 41.

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Orof vit. .39 MarCEL. Chr.

Un grand nombre de Chrétiens fortit de Rome à cette occafion ; & on regarda comme un effet de la providence, que le pape faint Innocent en fût forti quelque tems auparavant, pour aller'en députation vers l'empereurHonorius; car il étoit encore alors à Ravenne. Les barbares laifferent fortir ceux qui voulurent, leur donnerent efcorte, & leur aiderent à emporter leur bien,moyennant une petite récompenfe. Le pillage de Rome ne dura que trois jours, & Alaric en fortit le fixiéme jour, après qu'il y fut entré, fans y laiffer de garnifon. Il paffa dans la Campanie, où fes troupes pillerent Nole; & en cette occasion S. Paulin fit cette priere: Seigneur, que je ne fois pas tourmenté pour de l'or & de l'argent; car vous fçavez où font tous mes biens. En effet, il avoit tout donné aux pauvres. Alaric ayant ra- Hift. Mife. vagé toute cette partie de l'Italie. mourut l'an- lib. née fuivante à Cofence, comme il fe préparoit à paffer en Sicile.

410.

13.

De ceux qui fe fauverent du fac de Rome, XX II. plufieurs fe retirerent dans les ifles voifines de la Romains Tofcane: d'autres en Sicile & en Afrique: d'au- difperfez. #res en Egypte, en Orient,& en Palestine, S. Je

Rutil. Iti

mer. lib. 1.

Ezech.

Epift. 16. ad Princip

c. 5..

rôme en reçût plufieurs en Béthléem ; & cette AN. 410. occupation charitable, jointe à la douleur qu'il Hier pre- fentoit d'une fi grande calamité, retardoit fes fat. in. in 307 lib. in travaux, ne lui laiflant pour étudier que la nuit, où fa vûë affoiblie par fon grand âge, étoit fatiguée des lettres hebraïques. Aprés le commentaire fur Ifaïe, qu'il avoit fait à la priere d'Euftochium, elle l'avoit encore engagé à celui d'Ezechiel, & puis de Jeremie. D'abord il fut fenfiblement touché de la nouvelle des deux fiéges de Rome, qui fe fuivirent de fi près, & de la famine qui y regnoit, jufquès à manger la chair humaine. La nouvelle de la prife l'accabla, jointe à la mort de Pammaque & de Marcelle: mais quand il vit chez lui tant de nobles fugitifs de l'un & de l'autre féxe, réduits tout d'un coup à la mendicité, après leurs richeffes immenfes, qui cherchoient le vivre & le couvert, nuds, bleffez, & expofez encore aux infultes de ceux qui les croyoient chargez d'or: toutes ces mifères le faifoient fondre en larmes,& chercher tous les moyens de les foulager. Il regardoit la fin du monde comme proche, & voyoit cependant en ce terrible évenement la main de Dieu, &

Pref. S. in
Ezech.

Ep. 17. ad
Marcell. c.

7. in If l'accompliffement des prophéties. Car il avoit XLVI. lib. fouvent dit queRome, encore attachée à l'idola1. in Jovin trie, & remplie de vices, étoit la Babylone, & la in fine. femme prostituée de l'Apocalypfe ; & que la réEp. 15 ad Algaf.p. volte prédite par S. Paul, avant la venue de l'anule. techrift, étoit la chûte de l'empire Romain, que l'apôtre n'avoit pas voulu marquer plus clairement, pour ne pas attirer la perfecution.

Nil. Nary. 2. p. 27.

Boll. 14. Januar. 1958.

Dans le même tems les barbares firent de grands ravages en Orient, en Syrie, en Phénicie, en Paleftine, en Arabie, en Egypte. S. Jerôme dit qu'à peine avoit-il pû lui-même échapper de leurs mains. S. Nil décrit ainfi les défordres que firent dans le défert de Sina les Arabes, qui ne

doient que de chafle & de brigandage. Il étoit AN. 410. efcendu de la montagne avec fon fils, pour vifiter à l'ordinaire les moines qui demeuroient au Buiffon, c'est à-dire aparemment, au lieu où Moyfe vit le buiffon ardent. Le quatorze de Janvier dès le grand matin, comme ils venoient de finir l'office, les barbares accoururent en criant, & prirent tout ce qui reftoit aux moines de provifions pour leur hyver; fçavoir, des fruits fauvages deffechez. Ils en chargerent les moines mêmes, après les avoir fait fortir de l'églife, dépouillerent les plus vieux,&les rangerent tous nuds en file pour les égorger. Ils commencerent par le prêtre noméTheodule,à qui ils couperent la tête, fans qu'il fit autre chofe que le figne de la croix, en difant: Dieu foit beni. Enfuite ils tuerent un vieillard qui demeuroit avec lui : & un jeune homme qui les fervoit; & firent figne aux autres de la main de s'enfuir. S.Nil ne pouvoit fe réfoudre à quitter fon fils, que l'on emmenoit captif: mais fon fils lui fit figne des yeux de fe fauver comme les autres. Il gagna donc la montagne, tournant tant qu'il put les yeux vers fon fils, qui le regardoit auffi à la dérobée.

Les moins étant fur la montagne, & s'entretenant de cet accident, il vint un efclave de Magadon fenateur de Pharan qui étoit la ville la plus proche de ce défert. Cet efclave venoit du camp des barbares, encore tout effrayé & hors d'haleine. On lui demanda comment il s'étoit fauvé,& adreffant la parole à S. Nil, il dit: Les barbares s'entretenant pendant leur soupé, dirent que le lendemain matin ils nous immoleroient votre fils & moi, à l'aftre qu'ils adorent. C'étoit l'étoile de Venus. Ils drefferent l'autel,

y mirent le bois, fans que nous fçuffions pourquoi, n'entendant pas leur langue. Mais un des aptifs, qui la fçavoit, me le dit en fecret. J'en

N

p. so.

p. 60.

avertis votre fils, & que fi nous ne fuyions, nous AN. 410. ne ferions pas en vie le lendemain. Il craignit d'être découvert, & aima mieux demeurer, s'abandonant à la providence. Pour moi, voyant tous ces barbar es pleins de vin, & endormis, je me fuis d'abord traîné contre terre à la faveur de la nuit puis étant un peu loin de leur camp, j'ai couru de toute ma force. Il leur raconta enfuite plufieurs cruautez des Arabes; entre autres la mort d'un jeune folitaire,qui avoit mieux aimé perdre la vie, que de leur obeïr en découvrant où étoient les autres moines, ou en s'expofant nud à leurs yeux.

p. 60. Martyr. R. 14.fan.

La nouvelle de cette incurfion ayant été por87. tée à Pharan, le confeil de la ville réfolut de ne la point paffer fous filence, & en fit avertir le chef de ces barbares. Cependant les moines allerent enterrer leurs freres, qu'ils trouverent au bout de cinq jours encore entiers, fans mauvaise odeur, fans difformité, ni atteinte des bêtes. Ils en marquerent les noms, pour les honorer comme martyrs; & l'églife celebre encore leur memoire le quatorzieme de Janvier. Les moines allerent enfuite à Pharan aprendre la réponse du chef des Arabes. Comme ils y entroient, les couriers qu'on lui avoit envoyez, aporterent fes lettres, par lesquelles il mandoit que ceux qui avoient fouffert quelques domages le vinffent trouver, & qu'il leur feroit juftice: car il ne wouloit pasrompre le comerce avec les Romains, qui lui étoit avantageux. On envoya donc de Pharan des ambaffadeurs, pour renouveller la paix; & ils furent accompagnez par les parens des captifs, entre lefquels étoit faint Nil. Après douze jours de chemin, étant arrivé au camp du chef des Arabes, qu'ils nomoient l'Amman ou Iman, il leur donna audience, & leur fit une réponse favorable.

P.91.

1.97.

On affura S. Nil que fon fils étoit vivant, &

efclave en la ville d'Eluze. Il partit pour y aller, AN. 410. & apprit en chemin que l'évêque de cette ville avoit acheté fon fils, & l'avoit ordonné clerc, & qu'en peu de tems il s'étoit acquis une grande eftime. S. Nil étant arrivé, reconnut fon fils le premier, & tomba en défaillance. Son fils l'embraffa, & le fit revenir; puis il lui raconta ainfi fon avanture: Quand l'efclave de Magadon fe p. 110. fauva, tout étoit prêt pour notre facrifice; l'autel, le glaive, la coupe, les libations & l'encens. On avoit réfolu de nous immoler le lendemain au point du jour. J'étois profterné le vifage contre terre, priant tout bas avec l'attention que donnent les grands périls. Seigneur, difois-je,ne permettez pas que mon fang foit offert aux malins efprits, ni que mon corps foit la victime du démon de l'impureté. Rendez-moi à mon pere, qui efpere en vous. Je priois encore, quand les p. 17. barbares fe leverent, troublez de voir le tems du facrifice déja passé ; car le foleil étoit levé. Ils me demanderent ce qu'étoit devenu l'autre captif; je dis que je n'en fçavois rien; & ils demeu rerent en repos, fans me donner aucunfigne d'indignation. Je commençai à prendre courage, & Dieu me donna affez de force pour leur réfifter, lorfqu'ils voulurent m'obliger à manger des viandes impures,& à me jouer avec des femmes. Quand nous fumes arrivez en pays habité, ils m'expoferent en vente; & comme on ne leur of froit que deux fols d'or, après m'avoir ramené plufieurs fois, ils me mirent enfin à l'entrée du bourg, tout nud, une épée pendue au cou, pour montrer que fi on ne m'achetoit, ils alloient me couper la tête. Je tendois les mains à ceux qui fe préfentoient, & les fuppliois de donner aux barbares ce qu'ils demandoient, promettant del

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