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3.7.

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vez-vous, mon pere, afin que je vous embraffe. AN. 395. Je ne me leverai point, dit-il, que vous ne vous foyez retiré; & quelque inftance que l'autre pût faire; il ne fe leva point. L'archevêque Theophile vint un jour le voir avec un magiftrat, & le pria de luidire quelque chofe. Arfene après avoir gardé un peu de filence, lui dit: Et fije vous dis quelque chofe, l'obferverez vous? Ils le pro mirent; & il leur dit: Où vous faurez que fera Arfene, n'en aprochez pas. Une autre fois l'archevêque le voulant entretenir, envoya favoir auparavant s'il ouvriroit fa porte. Il répondit: Si vous venez, je vous ouvrirai; & fi je vous onvre, j'ouvrirai à tout le monde: après quoi je ne demeurerai plus ici. L'archevêque dit: J'aime mieux n'y point aller, que de le chaffer. Quelques anciens l'ayant unjour preffé de leurparler, & de leur expliquer la raifon de cette grande retraite, il leur dit: Tant qu'une fille eft dans la maifon de fon pere, plufieurs la recherchent: quand elle eft mariée, on en parle diversement, & on n'en fait plus tant de cas. Ainfi les choses fpirituelles étant publiées ne peuvent être utiles à tout le monde.

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S. Arfene vêcut ainfi jufques à quatre-vingtquinze ans. Car il avoit quarante ans quand il quitta la cour,& en paffa quarante dans le desert de Scetis,d'où il fortitquand il fut ravagé par les barbares, & vêcut encore quinze ans. Il étoit de belle taille, mais un peu courbé dans fa vieillesfe. Il avoit bone mine, les cheveux tout blancs, la barbe jufques à la ceinture: mais fes larmes lui avoient fait tomber le poil des yeux. Il ne vou loitjamais parler d'aucune queftiondel'écriture, quoiqu'il eût bien pû le faire, & n'écrivoit pas volontiers de lettres. Il difoit un jour : Toute nôtre science du monde ne nous fert de rien, & cesEgyptiens ruftiques ont acquis les vertus par

. 6.

III.

Caffien en Egypte, Cheiemon, Nefteros > Jofeph. Gennad. c. 60. Caff-Col xxiv. C. I. Praf. ad Inft.Coll.. 1. Coll. x1.

f. I. c. Si

leur travail. Comme il confultoit un vieil Egyptien fur fes propres penfées,un autre lui dit: Pere AN. 395. Arfene, vous qui êtes fi bien inftruit de toutes les fciences des Romains& des Grecs, comment confultez-vous cet homme groffier? Il répondit: Je fcailes fciences des Grecs & des Romains; mais je n'ai pas encore apris l'alphabet de ce vieillard. On conoît la perfection des moinesEgyptiens par les relations de Jean Caffien, qui les vifitoit dans ce même tems. Il étoit Scythe de nation, né de parens riches & pieux. Il fut inftruit à la piété dès fa premiere jeuneffe dans un monaftere de Palestine, près de Bethléem, différent de celui de S. Jerôme, & apparemment plus ancien. Caffien y embraffa la vie monaftique, & y contracta une amitié particuliere avec un moine nommé Germain .Ils conçurent enfemble le défir de vifi. ter les fo'itaires d'Egypte, pour s'inftruire de la perfection de leur état. L'abbé & les moines de leur communauté y confentirent, à condition qu'ils reviendroient au monaftere. S'étant embarquez, ils arriverent enEgypte à une ville nomée Tennefe, dont le territoire étoit tout inondé de marais falez: en forte les habitans que fubfiftoient que de trafic. Ils y trouverent Arche- .. bius évêque de Panephyfe, ville voifine, qui les reçut avec une grande charité. Il avoit été tiré d'entre les anacorétes pour être fait évêque; & loin de s'en élever,il difoit qu'on l'avoit chaffé de la vie anacorétique comme indigne ; parce qu'il n'avoit pas profité des trente-fept ans qu'il y avoit paffez. Toutefois il confervoit dans l'épifcopat toute l'aufterité de fon premier genre de vie. S'étant donc trouvé à Tennefe pour l'élection d'un évêque, & ayant connu le motif qui a voit attiré en Egypte Caffien & Germain, il leur dit: En attendant que vous paffiez plus avant, venez voir près de notre monaftere desvieillards

ne

Coll.

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vez-vous mon pere, afin que je vous embraffe. AN. 395. Jene me leverai point, dit-il, que vous ne vous foyez retiré; & quelque inftance que l'autre pût faire; il ne fe leva point. L'archevêque Theophile vint un jour le voir avec un magiftrat, & le pria de luidire quelque chofe. Arfene après avoir gardé un peu de filence, lui dit: Et fije vous dis quelque chofe, l'obferverez vous? Ils le pro mirent; & il leur dit: Où vous faurez que fera Arfene, n'en aprochez pas. Une autre fois l'ar chevêque le voulant entretenir, envoya favoir auparavant s'il ouvriroit fa porte. Il répondit: Si vous venez, je vous ouvrirai ; & fi je vous onvre, j'ouvrirai à tout le monde: après quoi je ne demeurerai plus ici. L'archevêque dit: J'aime mieux n'y point aller, que de le chaffer. Quelques anciens l'ayant unjour preffé de leurparler, & de leur expliquer la raifon de cette grande retraite, il leur dit: Tant qu'une fille eft dans la maifon de fon pere, plufieurs la recherchent: quand elle eft mariée, on en parle diversement, & on n'en fait plus tant de cas. Ainfi les choses fpirituelles étant publiées ne peuvent être utiles à tout le monde.

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S. Arfene vêcut ainfi jufques à quatre-vingtquinze ans. Car il avoit quarante ans quand il quitta la cour,& en paffa quarante dans le defert de Scetis,d'où il fortitquand il fut ravagé par les barbares, & vêcut encore quinze ans. Il étoit de belle taille, mais un peu courbé dans fa vieillesfe. Il avoit bone mine, les cheveux tout blancs, la barbe jufques à la ceinture: mais fes larmes lui avoient fait tomber le poil des yeux. Il ne vo loitjamais parler d'aucune queftiondel'écriture, quoiqu'il eût bien pû le faire, & n'écrivoit pas volontiers de lettres. Il difoit un jour : Toute nôtre fcience du monde ne nous fert de rien, & cesEgyptiens ruftiques ont acquis les vertus par

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6.

III.

Caffien en Egypte,

Cheremon,

Nesteros
Jofeph.

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Gennad. c.

60. Caff.Col· xxiv. C. I Praf. ad Inft.Coll. ci. Coll. x1.

c. I. c. So

leur travail. Comme il confultoit un vieil Egyp-
tien fur fes propres penfées,un autre lui dit: Pere AN. 395.
Arfene, vous qui êtes fi bien inftruit de toutes les
fciences des Romains& des Grecs,comment con-
fultez-vous cet homme groffier? Il répondit: Je
fcailes fciences des Grecs & des Romains; mais
je n'ai pas encore apris l'alphabet de ce vieillard.
On conoît la perfection des moinesEgyptiens
par les relations de Jean Caffien, qui les vifitoit
dans ce même tems. Il étoit Scythe de nation,
né de parens riches & pieux. Il fut inftruit à la pié-
té dès fa premiere jeuneffe dans un monaftere de
Palestine, près de Bethléem, différent de celui de
S. Jerôme, & apparemment plus ancien. Caf-
fien y embraffa la vie monaftique, & y contracta
une amitié particuliere avec un moine nommé
Germain.Ils conçurent ensemble le défir de vifi-
ter les fo'itaires d'Egypte, pour s'inftruire de la
perfection de leur état. L'abbé & les moines de
Ieur communauté y confentirent, à condition.
qu'ils reviendroient au monaftere. S'étant em-
barquez, ils arriverent enEgypte à une ville no-
mée Tennefe, dont le territoire étoit tout inon-
dé de marais falez: en forte que les habitans ne Coll. x1,
fubfiftoient que de trafic. Ils y trouverent Arche-
bius évêque de Panephyfe, ville voifine, qui les
reçut avec une grande charité. Il avoit été tiré
d'entre les anacorétes pour être fait évêque; &
loin de s'en élever,il difoit qu'on l'avoit chaffé de
la vie anacorétique comme indigne ; parce qu'il
n'avoit pas profité des trente-fept ans qu'il y a-
voit paffez. Toutefois il confervoit dans l'épif-
copat toute l'aufterité de fon premier genre de
vie. S'étant donc trouvé à Tennefe pour l'élec-
tion d'un évêque, & ayant connu le motif quia
voit attiré en Egypte Caffien & Germain, il leur
dit: En attendant que vous paffiez plus avant,
venez voir près de notre monaftere des vieillards

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8.7.

vez-vous, mon pere, afin que je vous embrasse. AN. 395. Jene me leverai point, dit-il, que vous ne vous foyez retiré; & quelque inftance que l'autre pût faire; il ne fe leva point. L'archevêque Theophile vint un jour le voir avec un magiftrat, & le pria de luidire quelque chofe. Arfene après avoir gardé un peu de filence, lui dit: Et fije vous dis quelque chofe, l'obferverez vous? Ils le pro mirent; & il leur dit: Où vous faurez que fera Arfene, n'en aprochez pas. Une autre fois l'ar chevêque le voulant entretenir, envoya favoir auparavant s'il ouvriroit fa porte. Il répondit: Si vous venez, je vous ouvrirai; & fi je vous onvre, j'ouvrirai à tout le monde: après quoi je ne demeurerai plus ici. L'archevêque dit: J'aime mieux n'y point aller, que de le chaffer. Quelques anciens l'ayant unjour preffé de leurparler, & de leur expliquer la raison de cette grande retraite, il leur dit : Tant qu'une fille eft dans la maison de fon pere, plufieurs la recherchent: quand elle eft mariée, on en parle diversement, & on n'en fait plus tant de cas. Ainfi les chofes fpirituelles étant publiées ne peuvent être utiles tout le monde.

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S. Arfene vêcut ainfi jufques à quatre-vingtquinze ans. Car il avoit quarante ans quand il quitta la cour,& en paffa quarante dans le defert de Scetis,d'où il fortitquand il fut ravagé par les barbares, & vêcut encore quinze ans. Il étoit de belle taille, mais un peu courbé dans sa vieillesfe. Il avoit bone mine, les cheveux tout blancs, la barbe jufques à la ceinture: mais fes larmes lui avoient fait tomber le poil des yeux. Il ne vouloitjamais parler d'aucune queftiondel'écriture, quoiqu'il eût bien pû le faire, & n'écrivoit pas volontiers de lettres. Il difoit un jour: Toute nôtre science du monde ne nous fert de rien, & cesEgyptiens ruftiques ont acquis les vertus par

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