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HISTOIRE

ECCLESIASTIQUE.

LIVRE VINGTIE' ME.

I.

Retraite de s. Arfene. Sup. l. xix. ", 58.

PRE'S la mort de Theodofe, fes deux fils partagerent l'empire,com me il avoit ordonné. Arcade âgé de vingt ans, regna en Orient; Honorius âgé feulement de dix ans, en Occident. Ils avoient été élevez par faint Arfene, qui fut leur parain au batême, leur gouverneur & leur précepteur car on ne diftinguoit pas alors ap. Sur 19. ces deux fonctions. Il étoit Romain, parfaite- Fil. c. 2. 3. ment in ftruit des lettres humaines & divines, & folidement vertueux, Il étoit diacre, & menoit

Vita PP. l. 111. c. 37.

Metaphr

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àRome une vie retirée avec une four qu'il avoit, quandl'empereur Theodofe cherchant un homme à qui il pût confier la conduite de fes enfans, en écrivit à l'empereur Gratien. Celui-ci s'adreffa au pape,qui lui indiqua Arfene. Gratien l'envoya à CP où Theodofe l'ayant agréé, le mit au rang des fénateurs, & voulut qu'il fût regardé comme le pere de fes enfans. Un jour étant venu à leur étude, il vit qu'Arfene leur parloit debout, & qu'ils l'écoutoient affis. Il le trouva mauvais, leur ôta les marques de leur dignité, & fit affeoir Arfene dans une chaire.

Arfene confervoit toujours un grand amour pour la retraite, que les foins de fon emploi & l'embaras d'une grande fortune lui faifoient défirer ardemment: car les honneurs ne le touchoient point. A la fin il en trouva l'occafion. Arcade ayant commis une faute confidérable, il en vint au dernier châtiment, & le foüetta. Le jeune prince en fut tellement irrité,qu'il chargea un officier de fes gardes de le défaire d'Arfene à quelque prix que ce fût. L'officier qui refpectoit Arfene, & craignoit l'empereur, découvrit à Arfene la mauvaise volonté du prince, & lui confeilla de fe tetirer fecretement du palais, l'affûrant qu'autrement fa vie ne feroit pas en fùreté. Arfene fe mit en priere pour connoître la volonté de Dieu, & il entendit une voix qui lui dit: Arfene, fui les hommes, & tu te fauveras. Il executa auffi-tôt cet ordre, il s'embarqua, paffa à Alexandrie, & de-là au défert de Scetis, où il embraffa la vie monaftique. Y étant arrivé,il fit encore la même priere à Dieu, pour connoître la voie de fon falut ; & il oüit encore une voix qui lui dit: Arfene, fui, garde le filence & le repos : ce font les moyens d'éviter le péché.

L'empereur Theodofe affligé de fa retraite, le fit chercher dans toutes les ifles & toutes les fo

litudes, mais inutilement. Enfin après la mort de Theodofe, Arcade aprit le lieu de fa retraite. AN. 395 Il lui écrivit une lettre,où il fe recomandoità fes prieres, confeffoit le mauvais deffein qu'il avoit eu contre lui, & lui en demandoit pardon, lur offrant la difpofitionde tous les tributs d'Egypte, pour les diftribuer aux monafteres & aux pauvres, & le priant inftament de lui répondre. Arfene ne put le réfoudre de lui écrire,mais il lui fit dire:Dieu veuille nous pardonner à tous nos péchez pour la diftribution de l'argent, je n'en fuis point capable, puifque je fuis déja mort. Dans les commencemens il gardoit encore, fans s'en apercevoir, quelques manieres du fiécle. Il croifoit les jambes étant affis, & metoit un pied fur le genou. On avoit peine à l'en avertir ouvertement, à caufe du refpect qu'on lui portoit. L'abbé Pafteur fe fervit de cette induftrie, Il convint avec un autre de fe mettre lui-même en cette pofture, quand ils feroient affemblez;afin de doner ocafion de le reprendre. Pasteur le fit: on le reprit defon immodeftie:il ne s'en défendit point.Arfene comprit que la corection le regardoit, & en profita fuivant l'intention des peres. Aurefte il ne fe diftingua que par les vertus entre les moines de la comunauté de Scetis. Perfone n'étoit mieux vêtu que lui à la cour; perfone n'étoit vêtu plus fimplement dans le monaftere. Il s'occupoit jufques à midi à faire des nates depalmier,&travailloit affis,ayant un mouchoir dans fon fein pour effuyer les larmes qui tomboient continuellement de fes yeux: ce qui dura pendant toute fa vie. Il ne changeoit qu'une fois ". 18, par an l'eau où trempoient les feuilles de palme qu'il employoit, fe contentant d'en ajoûter de temps en temps. Les anciens du monaftere lui dirent un jour:Pourquoi ne changez-vous point cette eau puante: Il répondit: Je dois fouffrir

I I.

Vertus de

. Arfene. Apopht.

2.4.

2. 41.

cette odeur, à caufe des parfums dont j'ai ufé AN. 395. dans le monde. Il ne confumoit par fa

n. 17.

n. 16.

7. 14.

2.43.

m. Is.

m. 36.

an pour

nourriture qu'une petite mefure de bled nommée Thallis; encore ceux qui le venoient voir en mangeoient avec lui. On donna une fois aux freres de Scetis quelques figues. C'étoit fi peu de chofe, qu'ils ne lui en envoyerent point,craignant de l'offenfer. Il ne vint point à l'église, & dit: Vous m'avez excommunié, ne me jugeant pas digne d'avoir part à la bénédiction que Dieu Vous a envoyée. Tous furent édifiés de son humilité le prêtre alla lui porter des figues, & le ramena à l'églife avec joye. Il veilloit toute la nuit; & vers le matin la nature le forçant à dormir, il difoit au fommeil: Viens ça, mauvais ferviteur ; & après en avoir pris un peu, il fe relevoit auffi-tôt. Il pria une fois deux moines, Alexandre & Zoile, de l'obferver pendant la nuit; & ils ne s'apperçurent point qu'il eût dormi, finon que le matin il foufla trois fois comme en fomeillant:encore douterent-ils s'il ne l'avoit point fait exprès Le famedi au foir il fe mettoit en priere, tournant le dos au foleil, & demeuroit ainfi les mains élevées au ciel jufques à ce que le foleil lui donnât fur le vifage. Il difoit que c'étoit affez pour un moine de dormir une heure.

Un jour il étoit malade en Scetis: le prêtre vint, le porta à l'églife, le mit fur un lit de peaux avec un oreiller fous fa tête. Un des moines le vint voir,& fcandalife de le trouver fi bien couché, il dit: Eft ce là l'abbé Arfene? Le prêtre le prit en particulier, & lui dit : Que faifiez-vous dans votre village? Le vieillard répondit: J'étois berger. Et comment paffiez-vous votre vie,dit le prêtre, J'avois, dit-il, beaucoup de peine. Et maintenant comment vivez-vous dans votre cellule? J'ai plus de repos, dit il. Alors le prêtre lui dit : Voyez-vous cet abbé Arfene? Dans le monde,il

étoit le pere des empereurs : il avoit mille efcla-
ves vêtus de foie, avec des bracelets & des cein- AN. 395.
tures d'or:il couchoit fur des lits précieux. Vous
qui étiez berger, n'aviez pas dans le monde la
douceur que vous avez ici; il n'a pas ici les déli-
ces qu'il avoit dans le monde: vous êtes foulagé
& il fouffre. Le vieillard touché de ces paroles,
se profterna, & dit: Pardonnez-moi, mon pere, n. 20.
j'ai péché il eft dans le vrai chemin de l'humi-
liation ; & s'en retourna édifié. S. Arfene étoit fi
pauvre, qu'ayant befoin d'une chemise dans fa
maladie,il fouffrit qu'on lui donnât par charité
de quoi l'acheter, & dit: Je vous remercie, Sei-
gneur, de m'avoir fait la grace de recevoir l'au-
mône en vôtre nom. Un officier de l'empereur 7. 29.
vint lui apporter le teftament d'un fenateur fon
parent,qui lui laiffoit une très-grande fucceffion.
Il le prit, & le vouloit déchirer. L'officier fe jetta
à fes pieds, & lui dit: Je vous prie, ne le déchirez
pas; il y va de ma tête. S. Arfene dit: Je suis
mort devant lui; & ne voulut rien recevoir du
teftament.

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1. 42.

n. x3.

La vertu qui éclata le plus en lui, fut l'amour de la retraite.Sa cellule étoit éloignée de trentedeux milles; c'est-à-dire, de plus de dix lieuës:il n'en fortoit pas volontiers;& d'autres moines lui rendoient les fervices neceffaires.Quand il alloit à l'églife, il demeuroit affis derriere un pillier, afin que perfonne ne le vît au vifage, & qu'ilne vît perfonne. L'abbé Marc lui dit un jour: Pourquoi nous fuyez-vous? Arfene lui répondit: Dieu fçait comme je vous aime: mais je ne puis être avec Dieu & avec les hommes : les troupes céleftes n'ont qu'une volonté; les hommes en ont plufieurs. Un des peres vint fraper à fa porte: le n. 37° faint vieillard ouvrit, croyant que ce fût celui quile fervoit : mais voyant que c'étoit un autre, il fe profterna fur le vifage. L'autre lui dit: Le

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