vous décider auffi, & de vous engager à profiter du bonheur que vous avez d'être Prêtre, & de pouvoir communier tous les jours en difant la fainte Meffe.

L'ABBE'. Dieu m'en préserve. Je fai trop combien ce Sacrement eft augufte, & quelles difpofitions il demande. Je m'eftime indigne d'en approcher.

THEOPHILE. Ce fentiment d'humilité prétendue, eft plus aifé à avoir qu'il ne l'eft de fe préparer à communier fouvent. Il n'en coute rien pour fe croire & fe dire indigne de communier fouvent; & il en coute beaucoup plus pour s'affujettir à de fréquentes Communions. C'est un principe affreux de relâchement que votre prétendu refpect. Je le fai par moi-même, & vous le favez bien auffi.

L'ABBE'. Vous abandonnez donc le fentiment de nos Meffieurs?

THEOPHILE. C'eft pour me rendre à celui de Jefus-Chrift & des Apôtres, des premiers Chrétiens, & enfin au fentiment de tous les Peres de l'Eglife fur la Communion fréquente, comme fur tout le reste. Voilà mes guides, & non plus des hommes rebelles à l'Eglife, ou qui n'y tiennent qu'en apparence.

L'ABBE'. Je fuis sûr que les Docteurs

& les plus grands Docteurs font pour moi, & qu'ils n'approuvent point la Communion fréquente, encore moins la Communion quotidienne.

THEOPHILE. Les Docteurs, les plus grands Docteurs, fuivent les Peres, & tous approuvent, tous prechent cette Communion journaliere qui vous déplaît tant. Ils tâchent même de la perfuader dans les Traités favans qu'ils ont faits exprès là-deffus.

L'ABBE'. C'eft une curiofité pour moi de voir leurs fentimens. J'efpere y trouver votre condamnation, ou je fuis le plus trompé des hommes..

THEOPHILE. Voici de quoi vous fa→ tisfaire. Le Docteur que je vois m'a don né fes extraits. Allons à la Bibliotheque de mon oncle dont j'ai hérité. Les Ou vrages des Théologiens qu'il cite y font tous. Parcourons-les. Tenez, je vous. prie, & lifez.

L'ABBE'. D'abord j'y vois S. Thomas cité.

THEOPHILE. Ouvrons la Somme de ce faint Docteur. Lifez avec moi. Il fait une question expreffe fur la Communion quotidienne. « Eft il permis, ditil, de communier TOUS LES JOURS? Je

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Serm.28.de

répons, ajoute-t-il, que par rapport » à la vertu de ce Sacrement, il eft utile ≫ de le recevoir CHAQUE JOUR, afin que » l'homme en perçoive CHAQUE JOURles 30 fruits ; & il cite S. Ambroife que nous avons déja cité par rapport à celui qui reçoit le Sacrement; » fi TOUS LES JOURS » il fe trouve difpofé à le recevoir, il eft très - louable de le recevoir TOUS LES Aug.T.10. JOURS; & il cite S. Auguftin: Accipe verbis Do » QUOTIDIE quod tibi profit QUOTIDIE, mini, circa & fic vive ut QUOTIDIE merearis acci»pere. Mais vivez de forte que TOUS LES JOURS Vous méritiez de le recevoir. » Il répond enfuite à la premiere objection. Le Batême, Sacrement de notre régénération fpirituelle, ne fe réitere pas, parce qu'on ne naît qu'une fois. Mais l'Euchariftie, nourriture fpirituelle de nos ames,fe prend TOUS LES → JOURS comme la nourriture matérielle de nos corps.

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A la deuxieme. « L'Agneau Pafchal, figure de la Paffion de Jesus-Chrift & » de ce Sacrement,ne fe mangeoit qu'une fois par an. Mais l'Euchariftie eft le mémorial de la Paffion par voie de nourriture, & la nourriture doit être FRÉQUENTE.»

30

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A la troifieme. « Le Centenier par refpect ne voulut pas que Jefus-Chrift » entrât chez lui: Zachée au contraire >> le reçut avec joie. Tous les deux ho» norerent le Seigneur ; l'un par fon refpect, l'autre par fon amour. Mais l'a>mour plein de confiance eft préférable » à la crainte & à la timidité. L'Ecriture » nous excite prefque toujours à l'amour » & à la confiance ». Voilà S. Thomas à la tête de tous les Docteurs de fon Ordre & de fon Ecole, qui fe font honneur de le fuivre en ce point.

L'ABBE'. S. Bonaventure vient après faint Thomas. Le Docteur Séraphique, contredit la Communion fréquente, & fur-tout la Communion quotidienne.Du moins on me l'a toujours fait entendre, & nos Auteurs fe parent de fon témoignage pour improuver le fréquent ufage de l'Euchariftie.

THEOPHILE. S. Bonaventure étoit un grand Saint & un grand Docteur: il étoit ami de S. Thomas, & il penfe comme lui fur la même question. « (a) Il faut

(a) Dicendum quòd fi videris te effe in ftatu primitivæ Ecclefiæ, laudandum eft QUOTIDIE communicare. D. Bonavent. T. 1. de examine Doctrine.

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tine. 12.

répondre que fi on voit qu'on eft dans » l'état de l'Eglife primitive, (c'eft-à-di»re, en état de grace,) c'est une chose louable que de communier TOUS LES

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JOURS.

<< Si quelqu'un étoit toujours prêt,il feroit TOUJOURS utile de recevoir ce SaIn 4. Dif. crement. Si quis SEMPER effet paratus, SEMPER effet utile hoc Sacramentum accipere. Hinc competebat Fidelibus primitiva Ecclefia, competebat OMNI DIE accipere, utpote Sanctis ». La fainteté dont il eft ici queftion n'est autre que celle que l'Eglife exige, qui eft d'être en état de grace.

Ailleurs il dit : « (a) Il eft cependant » falutaire & utile à l'ame fidele, qu'elle » fe prépare à recevoir SOUVENT ce re

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mede; & quoique ce foit avec une ef

(a) Tract. de profeffione religiofa. L. 2. c. pe nultimo D. Bonavent. Salubre eft tamen & utile, ut SÆPE ad illius medicamenti fufceptionem fe præparet. Et fi quandoque tepidè tamen confidens de miferidordia Dei fiducialiter accedat... Nec ideò quæris te jungere Chrifto, ut eum fanctifices, fed ut tu fan&tificeris ab illo. Nec propterea prætermittenda eft facra Communio, fi quandoque non fentit ho mo fpecialem devotionis gratiam, cùm fe ad illam ftudet præparare. Ibid. proceffu. 7. c.