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11. ENTRETIEN.

L'Efprit de Jefus-Chrift fur la fréquente Communion, manifefté par fes Oracles.

LE DOCTEUR. THEOPHILE.

THEOPHILE.

Mchez vous, mon cher Pere, doit

ON empreffement à me rendre

bien vous marquer la fincere envie que j'ai de fuivre vos leçons; daignez donc m'apprendre quel eft l'Efprit de JefusChrift fur l'ufage de l'Euchariftie.

LE DOCTEUR. Je vous dis hier avec S. Cyrille que la prétendue religion qui nous retire de la fainte Table, eft une damnable religion, parce qu'il n'y a rien de plus oppofé aux défirs & aux volontés de notre divin Maître.

Car de qui apprendrons-nous mieux & plus fûrement à quoi la religion doit nous engager, que de Jefus-Chrift même, qui en eft l'Auteur & le Confommateur? C'eft par lui & felon lui qu'il

faut nous décider. Or l'Efprit de JefusChrift eft que l'on communie fouvent & même tous les jours. Voudriez-vous vous conduire & conduire les autres par un autre efprit que par celui de Jefus Chrift?

THEOPHILE. Non, certainement. Ce feroit s'égarer: mais comment découvrirons-nous que le vrai efprit de JefusChrift eft que les Fideles communient très-fouvent?

LE DOCTEUR. Par fes paroles, par fes actions, par fes miracles. Dégagezvous de tout préjugé. Imaginez-vous être à la derniere Cene: voyez ce divin Sauveur agir, écoutez-le parler dans l'inftitution du Sacrement adorable de l'Euchariftie, & vous me direz votre fentiment.

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Jefus Chrift après avoir convaincu fes Apôtres & la Judée entiere par mille prodiges, qu'il étoit le Dieu de toute la nature, & que toute puiffance lui étoit accordée dans les Cieux & fur la Terre, Jefus-Chrift, dis-je, la veille de fa Paffion & de fa Mort, fit le chefd'œuvre de tous fes miracles. Après avoir lavé les piés à fes douze Apôtres, il prit du pain, leva les yeux au Ciel,

partagea ce pain, le benit & dit: Pre nez & mangez, ceci eft mon Corps (a). Il prit de même le Calice, & dit: prenez & buvez-en tous, ceci eft mon Sang (b). Voilà le rapport unanime des trois Evangéliftes, de S. Mathieu, de S. Marc, de S. Luc. Sur quoi je vous prie de remarquer,

1°. Qu'il ne dit pas : ceci eft mon Corps. Par refpect, contentez-vous de l'adorer, de l'expofer à la vénération publique, de le garder dans des vafes précieux, de le porter en triomphe. Ce n'eft pas là le langage du Sauveur; il laiffe le foin à l'Eglife de prefcrire les hommages dûs aux myfteres de fonCorps facré, mais il en détermine un feul: Prenez & mangez. Voilà le grand hommage, le fouverain hommage que j'attens de vous. Voilà l'ufage plein de religion que vous ferez de mon Corps dans Euchariftie: vous en ferez votre nour riture.

THEOPHILE. Je conviens que Jefus

(a) Accepit Jefus panem & benedixit ac fregit deditque Difcipulis fuis & ait : Accipite & comedite, hoc eft Corpus meum. Math. 26. V. 26.

(6) Bibite ex hoc omnes. Ibid.

Chrift veut que nous mangions ce pain, que par un miracle de fa toute-puiffance, il a échangé en fon Corps: mais il ne dit pas que nous le mangions très-fréquemment, encore moins tous les jours.

LE DOCTEUR. C'eft bien le dire: car, felon l'idée & l'ufage univerfel, manger, c'eft prendre chaque jour de la nourriture. On dit d'un homme qui ne prend pas de la nourriture fouvent, qu'il ne mange pas. Qu'un Médecin dife: mangez de cette viande, tout malade comprendra qu'il doit en faire fa nourriture ordinaire & journaliere. Jefus-Chrift difant prenez & mangez, ceci eft mon Corps (a). Il en eft donc ici de même; & nous devons entendre avec lui qu'il veut que nous prenions chaque jour ou du moins très-fouvent cette nourriture toute divine.

De plus, pourquoi nous donner fa chair adorable fous l'apparence du pain, aliment journalier de nos Corps, n'eftce pas pour nous marquer qu'elle devoit être l'aliment journalier de nos ames? Autrement que ne mettoit-il fon Corps sacré sous le symbole d'un remede prés

(a) Accipite & manducate, Mark. 26,

cieux, ou d'une viande rare ou exquife, s'il n'avoit pas envie que nous communiaffions fouvent? Les remedes fe prennent rarement, rarement on mange des viandes exquifes; mais rien de plus ordinaire que de fe nourrir de pain. Rien donc ne devroit être plus ordinaire à un Chrétien, que de manger le pain célefte

de l'Euchariftie.

THEOPHILE. Selon l'explication que vous donnez des paroles du Sauveur, l'Euchariftie devroit donc être notre pain quotidien. Permettez-moi de vous le dire, cela est outré.

LE DOCTEUR. C'eft l'explication même du Sauveur, quand il nous prefcrit dans l'Oraifon Dominicale de demander à fon Pere tous les jours notre. pain quotidien ; car il dit que ce pain quotidien eft un pain au-deffus de toute fubftance, (a) ce qui ne fe peut entendre que de Jefus-Chrift, qui eft le pain, célefte defcendu du Ciel. En effet, un pain matériel pour nourrir notre Corps, feroit-il l'unique objet de nos vœux; & ne prierions-nous que pour ce corps de boue? Loin de nous & de Jefus

(a) Panem noftrum fuperfubftantialem da nobis hodiè. Math. 6. II.

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