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exprès de mon Directeur; de là mon embarras & mon trouble. Ce qui l'augmente, c'eft que je vois les fentimens des Docteurs partagés là-deffus.

LE DOCTEUR. Je fuis touché de vos peines, mais le remede en eft facile: il n'y a qu'à vous faire fentir l'erreur où vous êtes, de vous imaginer que c'est par refpect & par religion que vous vous éloignez de la Communion, que vous défobéiffez à votre Confeffeur, qui veut que vous en approchiez fouvent, & à votre Evêque qui vous preffe de vous faire ordonner Prêtre.

THEOPHILE. Peut-il y avoir de l'er reur à fe conduire par un motif de reli gion? Peut-on avoir trop de refpect pour Jefus-Chrift notre Dieu, pour le Roi des Rois qu'on reçoit dans l'Euchariftie?

LE DOCTEUR. On ne fçauroit avoir trop de refpect en recevant Jefus-Chrift notre Dieu & le Roi des Rois: mais il y a un faux refpect, une fauffe religion qui en éloigne. Vous avez de l'efprit, Vous cherchez la vérité avec un cœur droit, vous êtes habile Théologien ; dès-lors vous êtes capable d'être détrompé, & par la façon dont je m'y

prendrai, ce fera vous-même qui vous détrompercz. Voulez-vous examiner à fond & felon les grands & folides principes de la Foi la pratique de la Communion fréquente?

THEOPHILE. Voilà ce que je fouhaitois depuis long-tems: vous me permettrez de vous propofer mes doutes & mes difficultés.

LE DOCTEUR. Très-volontiers. Ne cédez qu'à l'évidence des preuves & des raifons, mais auffi mettez bas tout préjugé; & quand la vérité se montrera, rendez les armes.

THEOPHILE. Je ne veux que m'inf truire & nullement difputer. Montrezmoi seulement la vérité, & je l'embrasferai de tout mon cœur,

LE DOCTEUR. Commençons ; & fçachez d'abord, mon cher fils, que tout ce qui paroît religion ne l'eft pas pour cela, dit le Saint-Elprit. Il y a une fauffe religion dont l'apparence vous a ébloui (a): & vous n'êtes pas le feul. Une infinité de bons Chrétiens & de bonnes Chrétiennes font dans le même cas que vous,

(a) Eft via quæ videtur homini jufta: novif fima autem ejus deducunt ad mortem. Prov、 14. V, 12.

& n'ofent communier fouvent. Bien des Miniftres de Jefus-Chrift, bien des Directeurs, intimidés par des Livres fufpects fur l'ancienne difcipline de l'Eglife, & féduits par un gout de févérité, qui eft à la mode, ont peine à pratiquer, à prêcher, à enfeigner, & à prefcrire la Communion fréquente. D'autres s'y oppofent formellement par des principes erronés: mais ce qui eft tout-àfait fingulier & furprenant, c'eft qu'il n'y a pas jufqu'aux libertins & aux plus grands pécheurs, qui ne fe faffent un point de religion de manquer à leurs Pâques & qui ne s'en applaudiffent; comme fi le mépris des volontés les plus expreffes de Jefus-Chrift & de fon Eglife & la défobéiffance la plus formelle & la plus fcandaleufe à leurs Commandemens, pouvoit jamais paffer pour une marque & une pratique louable de reli gion.

Le vrai refpect, la vraie humilité, dir faint Grégoire Pape, confifte à exécuter avec docilité ce qu'on nous com→ mande, comme un moyen utile à notre falut: c'eft pourquoi, conclut S. Thomas (a) l'Ange de l'Ecole, il ne peut y (a) Ideò non poteft effe laudabilis humili

avoir de vraie religion, de vraie humilité, fi on s'abftient de communier contre le commandement de Jesus-Chrift & de fon Eglife; & moi j'ajoute contre l'ordre d'un Directeur fage & éclai ré. Auffi S. Cyrille Patriarche d'Aléxandrie affure-t-il, que le prétendu refpect, & la prétendue religion qui retire légerement de la Communion fréquenre, eft une damnable religion.

THEOPHILE. Ne penfez-vous pas que cette expreffion foit trop forte? Peut-être que ce faint Patriarche l'adou cit dans fon Texte.

α

LE DOCTEUR. Jugez-en vous-même & lifez: (a) « Si nous voulons acquérir la vie éternelle, fi nous voulons pofféder l'Auteur de l'immortalité, empref>fons-nous de recevoir l'Euchariftie; & prenons-garde que le démon ne nous tende un piége & des filets dans ce faux refpect & cette damnable religion qui nous en éloigneroit ».

tas fi contra præceptum Chrifli & Ecclefiæ aliquis omninò à Communione abftineat. D. Thom.3.p. q. 80. a 11. ad I.

(a) Nos verò fi vitam æternam confequi vofumus, fi largitorem immortalitatis habere in nobis defideramus, ad recipiendam benedic

Vous voyez 1o. que ce n'eft pas d'aujourd'hui que l'on combat un faux refpect, une fauffe religion qui éloigne de la fainte Table. 2°. Que ce faint Pere appelle fans adouciffement la religion qui retire de l'Euchariftie, une religion damnable. 3°. Qu'il fait le démon auteur de cette religion prétendue. 4°. Que c'est un artifice de l'Enfer dont il faut bien fe garder: Caveamufque, ne loco laquei, damnofam religionem diabolusnobis pretendat.

THEOPHILE. Ce texte eft bien fort & bien décifif.

LE DOCTEUR. Oui fans doute, & l'Eglife l'a mis dans l'Office du Saint Sacrement pour le dernier jour de l'Octave, voulant que tous les Evêques & les Prêtres dans toute l'étendue de l'Univers & dans tous les ficcles, prêchaffent avec ce Pere, que la religion qui éloigne de la fainte Table, eft funefte, dangereufe pour le falut, qu'elle vient du démon, enfin qu'elle eft damnable: Caveamufque, ne loco laquei, damnofam tionem libenter concurramus; caveamufque, ne loco laquei, damnofam religionem diabolus nobis prætendat. S. Cyrillus, l. 4. in Joan. cap. 17.

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