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religionem diabolus nobis prætendat. THEOPHILE. Comment le démon pourroit-il nous infpirer cette crainte refpectueufe, fi honorable au Saint-Sacrement, lui qui ne veut pas qu'on l'honore? Quel profit en tireroit-il?

LE DOCTEUR. La perte de nos ames eft un réel deshonneur pour JefusChrift; car, de tous les Sacremens, l'Euchariftie étant le plus falutaire & renfermant la fource des graces, plus on s'en éloigne, moins on a de graces & de fecours. On s'affoiblit dans la vertu, on languit & on meurt de pure défaillance: effet ordinaire des Communions rares, Qu'un homme ceffe de manger; fans bleffure & fans autre maladie il mourra bientôt: qu'un Chrétien ceffe de communier; fans combat & fans autre tentation, dénué de force, il périra bientôt par le péché, qui eft la mort de l'ame.

D'ailleurs le Chrétien eft continuellement attaqué par les objets flateurs du monde, par fes propres paffions, enfin par tous les efforts de l'enfer; il a donc continuellement befoin de forces pour. faire tête à tant & à de fi dangereux ennemis: il fuccombera fous leurs efforts, s'il ne prend chaque jour cet aliment

télefte du Corps de Jefus-Chrift; comment réfiftera-t-il à leurs traits? S'il ne s'arme de ce bouclier, fa perte eft cer

taine.

THEOPHILE. Je commence à entrer dans votre pensée : mais fi par respect on communie rarement; comment Jefus-Chrift recevra-t-il un réel deshonneur?

LE DOCTEUR. La gloire de JesusChrift dans l'Euchariftie n'eft-ce pas de régner dans les cœurs, de s'y faire adorer feul, de les fanctifier par fa chair adorable, d'y détruire tous les vices, , d'y porter & entretenir toutes les vertus, de transformer le Chrétien en lui? Prenant fouvent cette nourriture céleste, nous deviendrons tous céleftes & tous divins comme Jefus-Chrift; nous ne penferons qu'à lui, nous n'agirons que pour lui: retranchez les Communions, vous bornez la puiffance de Jefus-Chrift dans l'Euchariftie, vous reftraignez fon empire; on ne penfera plus à fes grandeurs, on ne fera plus embrafé d'amour pour fes bontés, il fera bientôt oublié, méprifé dans fon Sacrement, & c'est le but que le démon fe propose.

THEOPHILE. Quoi donc, Jefus

ah. 7.

Chrift ne peut-il être honoré; le fidele ne peut-il être fecouru que par la fréquente Communion?

LE DOCTEUR. Il y a d'autres moyens de falut, n'en doutez pas: mais il n'en eft aucun de fi efficace & de fi propor tionné à notre falut & à notre foibleffe. Nous recevons plus de graces par la Communion que par tous les autres moyens : c'eft toute notre force, & c'est tout notre bonheur ici-bas que de pofféder Jefus-Chrift dans fon Sacrement en attendant que nous le poffédions à découvert dans le Ciel. L'adreffe du démon confifte à nous priver de cette fource fi abondante de graces & de fa

veurs.

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1. Judith, Holoferne, Général des Affyriens réduifit en peu de tems la ville & les habitans de Béthulie à la derniere extrémité, en coupant les canaux qui fourniffoient au peuple des eaux claires & abondantes, en mettant des Gardes aux fontaines voifines pour empêcher qu'on n'y vînt puiser de l'eau. En vingt jours de tems les citernes épuifées, l'approche des fontaines défendue, l'aqueduc rompu, il ne reftoit à ce peuple dévoré

par

la foif d'autre reffource que la mort ou un honteux efclavage: ainfi en jugea Holoferne; & Béthulie étoit aux abois fans un miracle du Ciel. Même rufe du démon à l'égard du peuple Chrétien au fujet de l'Euchariftie: il tâche de couper ce canal de graces, il met des gardes féveres qui empêchent qu'on ne puife dans cette vive fource du Sang du Sauveur. Les Chrétiens privés de ce fecours fechent, languiffent & périffent enfin malheureusement: c'eft par là, que, dans tous les fiecles, il en a subjugué une partie & qu'il les a foumis à fa tyrannique domination; c'eft pour cela que dans tous les fiecles il a répandu & fait répandre parmi les Fideles une terreur panique & une crainte outrée de recevoir Jefus-Chrift, fous le fpécieux prétexte d'un refpect & d'une religion qui leur ont rendus cet adorable Sacrement auffi inutile que s'ils n'avoient pas le bonheur de pofféder un fi grand thré

for.

THEOPHILE. Vous me deffillez les yeux, & S. Cyrille en traitant ce refpect qui éloigne de la fainte Table, de religion damnable, n'eft point fi outré que je l'ai cru d'abord: ce prétendu respect ôte la

piété & la ferveur du coeur des Chre tiens. J'en juge par moi-même.

LE DOCTEUR. Voici bien plus : cet 'éloignement de la fréquente Communion a dégénéré en héréfie contre la pré-, fence réelle de Jefus-Chrift dans l'Euchariftic; & en tâchant de ruiner ce point fondamental, qui eft l'ame de notre religion, les Hérétiques ont attaqué & prefque renversé tout le Chriftianifme. En effet ce prétendu refpect pour la Communion a produit l'éloignement; de l'éloignement on a paffé à l'indifférence; de l'indifférence au mépris; du mépris à l'infidélité fur une vérité de notre foi la plus clairement & la plus authentiquement révélée.

Dans les dix premiers fiecles de l'Eglife, comme on y communioit fouvent & même tous les jours, on n'a jamais douté de la préfence réelle de JefusChrift dans l'Euchariftie; aucun Hérétique n'a attaqué expreffément ce dogme; les Peres & les Fideles l'ont cru avec une vivacité de foi que l'on ne peut s'empêcher d'admirer mais la ferveur fe rallentiffant peu à peu, & les Communions devenant très-rares dans le onzieme fiecle, Berenger archidiacre d'An

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