gnera la très-fréquente Communion, fans jamais varier. Vous aurez le plaifir de voir les anciens Peres, les Docteurs, les Conciles, les Papes, les Saints, & les Hérétiques même, n'avoir qu'une voix là-deffus.

THEOPHILE. Je vous avouerai que j'ai lu dans des Livres favans les fentimens de Peres ils font trembler ; ils ne prêchent rien moins que la Communion fréquente.

LE DOCTEUR. Je veux vous guérir pour jamais fur l'article. Je fai que dans de gros Livres, & dans des Livres de dévotion, on a ramaffé, à mauvais deffein, mille textes. Mais allons aux fources, & lifons les Saints Peres dans euxmêmes. Je les ai ici dans ma Bibliotheque ; j'ai marqué les endroits où ils parlent de la fréquente Communion. Vous en croirez vos yeux, & vous détefterez l'impofture.

THEOPHILE. Vous me rendez un grand fervice, & à mille autres prévenus comme moi de cette erreur, que les anciens Peres de l'Eglife n'ont point enfeigné la Communion fréquente.

LE DOCTEUR. Commençons. Les Canons attribués aux Apôtres font fans

doute

doute d'une grande antiquité, & contiennent la Difcipline commune des premiers tems. Lifez le neuvieme Canon.

R

ככ

» Si un Clerc, après avoir fait l'obla- Quos citat >tion, ne communie pas, qu'il en dife innumeri Cabaff. » la raison, afin qu'on l'excufe fi elle eft autores. » bonne; & s'il ne la dit pas, qu'il foit » excommunié, comme ayant fcanda»lifé le peuple. »

Lifez le dixieme Canon. « Que tous »les Fideles, qui entrent dans l'Eglife,& qui ne communient pas, foient excom»muniés, parce qu'ils caufent du trou→ble dans l'Eglife.

THEOPHILE. On peut juger par-là combien dans ces premiers tems il étoit rare & extraordinaire, que quelque Fidele affiftât aux divins Mylteres fans communier. Ne pas communier à chaque Meffe, c'étoit caufer du trouble dans l'Eglife.

LE DOCTEUR. Voici S. Ignace Martyr, le troifieme Evêque d'Antioche après l'Apôtre S. Pierre. Lifez ces mots dans fa quatorzieme Lettre.

(a) Empreffez-vous, ô Chrétiens,

(a) Feftinate ergo FREQUENTER accedere ad Euchariftiam & gloriam Dei. S. Ignat. Epift. 14. fub finem.

H

Tertul. de

d'approcher SOUVENT de l'Euchariftie » & de la gloire de Dieu. »

Voici S. Juftin, Philofophe & Mar tyr, dans la feconde Apologétique adref fée à l'Empereur Antonin, vers le milieu du fecond fiecle de l'Eglife.

(a) Le jour du Soleil, c'est-à-dire, 20 le Dimanche, les Chrétiens des villes » & de la campagne s'affemblent tous dans un même endroit. On diftribue à chacun l'Euchariftie, & on l'envoie » par des Diacres aux abfens ». Quel zele pour que tous les Chrétiens communiaffent! On ne vouloit pas que les abfens fouffriffent une fi rude privation.. On ne s'affembloit que tous les huit: jours, à caufe des perfécutions. Mais aux jours d'affemblée les Prêtres donnoient l'Euchariftie. Chacun la gardoit chez foi, & faifoit la Communion à jeun en fecret; comme l'affure Tertullien. Tenez, le voilà. Lifez avec moi.

သ

» Ce pain quotidien que nous deman Oral. Dom. dons, eft le corps de Jefus-Chrift, » avec lequel nous voulons toujours être,

6.6.

(a) Diftributio & communicatio quæ fit eorum, in quibus gratiæ a&tæ funt cuique præfenti, abfentibus per Diaconos mittitur. Jufin. Apol. 2. prope finem.

» & dont jamais nous ne voulons être féparés. »

D

Ailleurs Tertullien avertiffant fa fem- L. 2. ad me de ne point fe remarier à un Payen, uxorem, c. s'il venoit à mourir, lui difoit : « Plus » vous prendrez de foin de vous cacher, » plus vous ferez fufpecte & en danger » d'être surprise par la curiofité payen»ne. Serez-vous cachée quand vous ferez le figne de la Croix fur votre lit, fur votre corps; quand vous vous le>verez la nuit pour prier? Votre époux » ne faura-t-il pas ce que vous mangez » en fecret avant tout autre aliment? Et » s'il fait que ce foit du pain, ne croira»t-il pas que c'eft celui dont on parle ? La Communion cft repréfentée là comme une action auffi fréquente que de fe lever la nuit pour prier. Voilà le pain confacré que cette femme devoit prendre chaque jour avant tout aliment; voilà donc la Communion fecrete & journaliere.

Joignons le témoignage d'Origene à Tertullien; ils étoient du troifieme fiecle & contemporains.

8S. in Le

» Si nous ne mangeons pas le pain de orig. hem. » vie ; fi nous ne nous nourriffons pas de » la chair de Jefus Chrift;fi nous ne nous

Demonft Evang. L.

1. f. 10.

abreuvons pas de fon fang; fi nous méprisons le banquet célefte de notre Sauveur; nous devons favoir que fi Dieu a de la bonté, il a auffi de la fépour nous en punir ». Manger, fe nourrir marquent bien l'ufage fréquent que l'on faifoit de l'Euchariftie.

≫ vérité

သ

Eufebe de Céfarée eft encore plus exprès. « Les Prêtres en vérité, quand ils célebrent TOUS LES JOURS la mémoire >> du corps & du fang de Jefus-Chrift, font » deftinés à un facrifice & à un ministere » plus excellent que celui de l'Ancien > Teftament. »

n

Enfin S. Cyprien vivant au troisieme fiecle, eft conforme à la tradition des autres Peres.

(a) Nous demandons que ce pain > nous foit donné TOUS LES JOURS, de ≫ peur que nous, qui fommes en J. C. » & qui recevons TOUS LES JOURS l'Euchariftie comme l'aliment du falut, ne foyons féparés par l'obstacle de quel

(a) Hunc panem dari nobis QUOTIDIE poftulamus, ne qui Euchariftiam QUOTIDIE ad cibum falutis accipimus, intercedente graviori delicto, dum abftenti & non communicantes à cœlefti pane prohibemur, à Christi corpore feparemur. Serm. 6. de Orat. Dominica.