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VIRGINIE.

Eh, vous me porterez de fi funeftes coups?
Helas! Seigneur.....

APPIUS.

Mon ame eft toujours incertaine La pitié me retient quand le devoir m'entraine: Sur-tout, tant de vertus, tant de charmes divers Ne me femblent point faits pour languir dans lo

fers.

Ainfi je vous foutiens au bord du precipice.
Je crains de tous coftez de faire une injuftice:
Auquel des deux partis que je donne ma voix,
J'offence vos vertus, ou j'offence les loix.

VIRGINIE.

Helas! pour me fauver, n'eft-il aucune voic!
APPIUS.

Madame, ouvrez-la moy, j'y fouferis avec joie.
Parlez, fi je le puis fans bleffer mon devoir,
Je ferai pour vous plaire agir tout mon pouvoir.
Inventez un moyen; ma puissance suprême,
Va tenter......

VIRGINIE.

Ah! Seigneur, inventez-le vous-même &
Que je vous doive tour, faites un noble effort,
Je remets en vos mains tout le foin de mon fort:
Hâtez-vous, raffeurez mon ame impatiente.
APPIUS.

Hé, l'accepterez-vous, fi je vous le presente ?
Si vous voulez fortir de cet affreux danger,
Je ne voy qu'un chemin pour vous en degager:
Mais votre cœur peut-être à mes loix infidelle,
Ofera m'oppofer une fierté rebelle;

Cependant je vous jure, & j'attefte les Dieux,
Que mon deffein, Madame, eft jufte & glo

rieux,

Et que fi vos refus le rendent inutile.....

VIRGINIE.

Pour éviter les fers tout me fera facile.
Pourquoy balancez-vous à me le propofer
En ce funefte état puis-je rien refuser?
Ne me le cachez plus, fi la pitié vous touche,
Par où puis-je...?

AP PIUS.

Il ne faut qu'un mot de votre bouche, Oui, dés ce même jour vous briferez vos fers, Vous-même finirez tous vos malheurs divers, Et porterez fi haut l'éclat de votre vie,

Qu'aux premieres de Rome il pourra faire envie, Si vous voulés......

Et

VIRGINIE.
Et quoy?

APPIUS.

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Me prendre pour Epoux,

par des nœuds facrés m'attacher tout à vous. Venez, allons au Temple, & que mon Hymenée Repare le malheur de voftre deftinée;

Que Clodius contraint de refpecter mon choix,
N'ofe plus expofer fes temeraires droits.
Venez, en partageant ma puiflance fuprême,
Vous acquérir des droits fur Clodius luy-même,
Et prendre fur les jours, à couvert de les c
s coups,
La même authorité qu'il veut avoir sur vous.

VIRGINIE.

Qu'entens-je, jufte Ciel & le pourray-je croire ?
Que de foupçons, Seigneur, mortels à votre gloire!
Je vois enfin, je vois la caute de mes pleurs,
Et je connois la main d'où partent mes malheurs.
Clodius n'a point feul com encé ma difgrace,
C'eft un bras plus puiffant qui foutient son audace,
Seigneur, vous m'entendez

APPIUS.

Ah! que foupçonnez-vous ? Au moment que ma main vous dérobe à fes coups

Que penfez vous de moy?

VIRGINIE.

Ce qu'il falloit vous-même Me deguifer toujours avec un foin extreme. Mais c'eft pouffer trop loin ce funefte entretien, Faites voftre devoir, & je feray le mien.

X X X X X X

Q

SCENE V.

APPIUS, CLODIUS.

CLODIUS.

U'avez-vous fait, Seigneur, & que faut-il attendre ?

APPIUS.

Ah! l'ingrate à mes vœux refuse de se rendre.

CLODIU S.

Quoy, Seigneur grandeur,

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L'offre de votre main ne peut toucher son cœur
APPIUS.

Si la feule grandeur fatisfaifoit une ame,
Helas! ferois-je en proye à ma cruelle flame?
I utile puiffance! importune grandeur,
Qui ne peut m'affeurer d'un folide bonheur!
Malgré tout mon pouvoir, mon ame est à la gêne,
J'aime, j'offre ma main, je trouve une inhumaine a
Je me voy dedaigner, & mon amour confus
Remporte feulement la honte d'un refus.

CLODIUS.

D'un difcours imprevû Virginie allarmée,
A fuivi le penchant de fon ame enflammée;
Mais ne vous troublez point de ce premier tranf

port.

D'un amour irrité c'eft le dernier effort.
Laiffez paffer, Seigneur, la premiere surprife,
Laiffez-luy pefer tout d'un ame un peu remife.
Lorfque d'un œil tranquille, & moins preoccupé,
Son coeur verra le coup dont il feroit frappé ;
D'un côté votre Hymen, votre gloire en partage,
De l'autre, les horreurs qui fuivent l'esclavage,
Son orgueil confondu par des emplois fi bas ;
Eh, doutez vous, Seigneur, qu'elle ne change pas ?
Quand même à votre Hymen il faudroit la con-
traindre,

De votre cruauté pourroit-elle fe plaindre ?

Vous ne la contraindrez, que pour la mieux fervir ¿ A fes propres defirs il vous la faut ravir,

Et l'arrachant par force à cette erreur qu'elle aime
Etablir fon bonheur en depit d'elle-même,
APPIUS.

Je te doy tout, fuivons ce confeil important,
Il determine un cœur irrefolu, flottant.
Ne nous contraignons plus par ce vain artifice,
Toft ou tard on Içaura quelle eft mon injustice;
Ne menageons plus rien, fatisfaifons nos vœux,
Et ne nous chargeons pas d'un crime infructueux.
De mon amour dépend le bonheur de ma vie,
Il n'importe à quel prix j'obtienne Virgine.
Allons encor un coup luy prefenter ma main,
Allons mettre à fes pieds le pouvoir fouverain;
Et fi fa flame encor la feduit ou l'abuse,
Forçons-la d'accepter l'honneur qu'elle refufe,

Fin du fecond Alte.

**

*** ***

ACTE III.

SCENE PREMIERE.

PLAUTIE, FULVIE.

M

FULVIE.

ADAME, OÙ Courez-vous ! Vous verray-je toûjours

D'une douleur mortelle entretenir le cours?

Sourde à tous nos conseils, desesperée,

errante

Loin d'adoucir vos maux, chaque inftant les aug

mente:

pas:

Un chagrin dévorant précipite vos pas,
Vous courez en cent lieux, où vous n'arrêtez
Tantôt parmy le peuple, & tantôt folitaire,
Tout ce que vous voyez, ne fait que vous déplaire.
Aux difcours des Romains, touchez de vos mal-.
heurs,

Vous avez feulement répondu par des pleurs ;
Leurs foins officieux...

PLAUTIE.

Eh, que puis-je repondre ?

que me con

Leurs difcours & leurs foins ne font

fondre, Pour fater ma difgrace, ils m'en viennent parler Et leur zele ne fert qu'à la renouveller.

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