PREFACE. N m'a preffe pendant longtemps de confentir à une nouvelle Impreffion de mes Tragedies. Je m'en fuis deffendu juiqu a prefent. Les occupations que j'ay, bien differentes de celles du Parnafle, m'ont prefque ôté le gouft de ces dernieres, & ne m'ont pas laiffé depuis fix ans un feul jour de relâche pour y penfer. Cependant j'efperois toujours de trouver un temps favorable, & quelque intervalle dont je pourrois profiter, pour revoir mes fept Poëmes avec foin, y faire quelques corrections & quelques changemens ; & même pour en mettre deux autres que j'ay compofez, & qui n'ont point parû fur le Theatre en eftat d'eftre donnez au Public. Comme ce temps n'eft point encore venu, je me fuis laffé de l'attendre, & j'ay cedé aux inftances qu'on m'a faites. Si bien que j'ay permis qu'on travaillaft même pendant mon absence à l'Impreffion qu'on me demandoit. Elle en fera fans doute beaucoup moins correcte; mais il n'y avoit pas moyen de faire autrement, & d'accorder ce qu'on defiroit de moy. J'avois d'abord réfolu de faire une Préface dans les formes: mais outre,comme je l'ay déja dit, que je ne fuis pas le maiftre du temps qu'il y faudroit employer, j'ay jugé qu'elle feroit aflez inutile. Qu'au rois-je fait, que la remplir de reflexions fur la Poëtique, que la plupart des gens n'entendent pas, & qui ont efté fi fouvent repetées, & de tant de façons, qu'elles ne peuvent qu'ennuyer ceux qui les entendent? Je me contenteray donc de dire un mot en particulier de chacune des fept Tragedies qui font contenues dans ce volume. J VIRGINI E. 'Eftois fi jeune, lorfque je compofay cette Tragedie, que je me fuis toujours eftonné comment j'avois eu la temerité de la commencer, & la force & le bonheur dela finir. Son fuccés, quoique mediocre, ne me donna pas lieu de me rebuter du Theatre. Le fujet eft tiré de l'Hiftoire Romaine. Tout en eft vray, & il n'y a point que la de Perfonnage Epifodique. Perfonne n'ignore que le crime d'Appius, & la mort de Virginie, furent caufe que le gouvernement fut changé dans Rome, & puillance des Decemvirs y fut abolie. Tous ceux qui ont écrit l'Hiftoire de la Republique & de l'Empire Romain, rapportent ce grand evenement,mais particulierement Tite-Live, vers la fin du troifiéme livre de la premiere Decade. bre ARMINIUS. par & par le defefpoir E fujet eft auffi pris de l'Hiftoire Rømaine, le nom d'Arminius eft celepar mille endroits, mais fur-tout la defaite de Varus d'Augufte. L'ancienne Germanie n'a point eu de Prince ni de Capitaine, qui puifle eftre comparé à celuy-là; & Tacite nous en fait concevoir la plus haute idée, par le magnifique éloge qu'il fait de luy, à la fin du fecond livre de fes Annales. Il n'y a dans cette Tragedie que l'amour de Varus pour Ifmenie qui foit de mon invention; tous les autres faits, & tous les Perfonnages font Hiftoriques. Son fuccés fut grand quoiqu'elle fût reprefentée dans un temps peu favorable aux fpectacles. J'avoue que j'ay une furieufe prevention pour cet ouvrage. Je ne diray point tout ce que j'en penfe: Mais j'ofe avancer hardiment, qu'il y a peu de Pieces de Theatre où il y ait plus de fentimens & plus de grandeur, que dans celle-cy; principalement dans le fecond Acte, que je croy un des plus brillans qu'on ait jamais vû sur la Scene. Il y a environ trois ans qu'un Gentilhomme de Florence, Académicien de la Crufca, traduifit cette Tragedie en Italien, prefque mot pour mot, & en fit un Opera, lequel fut reprefenté pendant trois mois devant Monfieur le Grand Prince de Tofcane dans fon Palais de Pratolin, avec un applaudiffement general. J ANDRONIC. E conçus la premiere idée de ce fujet fur une Hiftoire moderne ecrite par Mr. T'Abbé de Saint Real, & qui a efté pendant plufieurs années entre les mains de tout le monde. Mais comme par des raisons invincibles je ne pouvois pas mettre fur la Scene les Perfonnages de Mr. de St. Real fous leurs veritables noms, je fus obligé de chercher ailleurs quelque Evenement qui reffemblaft à celuy qu'il avoit traité. Je trouvay heureufement ce que je cher |