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Peut-être va mourir pour ceux qui l'ont trompé ? Mais pourquoy dans ces lieux retenez-vous ma fille?

Pourquoy l'arrache-t'on du fein de ma Famille ? Pour quel crime commis vos barbares foldats Viennent-ils la ravir au Temple dans mes bras! Pourquoy...?

APPIUS.

De fon deftin n'êtes-vous pas inftruite ?
PLAUTIE.

Helas! dans ce Palais tout le monde m'évite.
En vain depuis deux jours errante dans ces lieux,
Les pleurs que j'ay verfez ont épuifé mes yeux;
En vain de tous côtez mes eris fe font entendre,
De fon deftin encor je n'ay pu rien apprendre,
Et je trouve par-tout, dans mes foins empreffez,
Des Gardes interdits, des vifages glacez,
Qui redoutent ma vuë, & prêts à fe confondre,
Se dérobént à moy, fans daigner me repondre.
Par vos ordres cruels...

APPIUS.

Ceffez de m'accufer,

Et ne me forcez pas de vous desabuser.
Quand je vous auray dit...

Expliquez-vous.

PLAUTI E.

Quoy, que pourrez-vous dire ?

APPIUS.

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Jefçay qu'il faut vous en inftruire Mais, Madame, je crains de redoubler vos pleurs. Je vais vous annoncer le plus grand 'des malheurs. Cette fille, l'objet d'une amitié fi tendre, Que vous me demandez, que vous venez defendre Cette fille qui fit vos plaifirs les plus doux, Uu autre vous l'enleve, elle n'eft plus à vous.

PLAUTIE.

Dieux qu'entens-je ? comment ?

APPIUS.

Ce n'eft plus un myftere, Je fuis de Virginie icy depofitaire; Clodius fçait enfin la noire trahifon Qui la fit autrefois fortir de la maison, Où d'un efclave infame elle a reçu la vie; Ouy, Madame, voilà le fort de Virginie. Cet efclave mourant, par les remords preffé, a pu diffimuler tout ce qui s'eft paffé ; Le traître à declaré que dans votre famille, Par un échange adroit il fit entrer fa fille, Et plufieurs Citoyens appellez à fa mort, Sont prêts de confirmer fon funefte rapport. Cet étrange fecreta droit de vous confondre. PLAUTIE.

N'a

Je demeure ftupide, & ne fçais que repondre.
D'un autre, Virginie auroit reçu le jour !

Non non, elle eft ma fille, & j'en crois mon amour.
Mon cœur fremit, mon fang s'émeut de cette inju◄

re,

Je fens trop fortement s'expliquer la nature,
Et je cede à la voix de ces inftincts fecrets
Qui parlant à nos cœurs ne les trompent jamais.
Sur Virginie enfin, quoy qu'on ofe entreprendre,
Contre tout l'Univers je fçauray la defendre.
Ouvrez les yeux, Seigneur; un perfide aujourd'huy
Pour me percer le cœur implore votre appuy;
Et vous le foûtenez ! Quoy? votre propre gloire
De mes facrez Ayeux l'immortelle memoire
De mon illuftre Epoux les éclatans exploits,
Son fang pour le pays repandu tant de fois,
Les égards que l'on doit à la vertu trahie,
N'ont pas
dans votre cœur defendu Virginie ?
Ah! rendez-moy, Seigneur, ce trefor précieux,
Ma fille, feul prefent que j'ay reçu des Dieux,
Avec tant d'amitié dans mon fein élevée,
De cent perils divers par moy feule fauvée,

Pour qui j'ay pris enfin tant de penibles foins,
Seigneur, & dont vos yeux ont été les temoins.
APPIUS.

Madame, à vos defirs je voudrois fatisfaire.
Inexorable loy d'un devoir trop fevere
Qui nous fait bien fouvent condamner à regret
Ceux pour quirotre cœur fe declare en fecret.
C'eft à vous d'éviter le coup qui vous menace,
Combattez Clodius, confondez fon audace,
Madame, & vous verrez les fupplices tout prêts
Vous vanger d'un perfide, & punir fes forfaits.
Cependant Virginie en ce lieu fe doit rendre,
On peut en liberté luy parler & l'entendre ♦
Vous la verrez, Madame, avant que de fortir,
Moy-même en ce moment je l'ay fait avertir,
Elle entre, je vous laiffe.

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AH! quel comble de joye,

Madame, enfin le Ciel fouffre que je vous voye.
Quel plaifir de pouvoir en ces heureux momens
Oublier mes douleurs dans vos embraffemens!
PLAUTIE.

Ma fille, ils feroient doux pour le cœur d'une Mere:
Mais, helas! ils ne font qu'augmenter ma mifere;
Une crainte mortelle en corrompt les douceurs.
Tremble, fremis, entens le plus grand des mal-
heurs.

Le traître Clodius...

VIRGINIE.

J'ay tout appris, Madame. Si l'horreur de ce coup a pu frapper mon ame, Revenue à l'inftant de ce trouble foudain, J'ay veu pour m'en parer le remede certain. Ne craignaz point pour moy l'horreur de l'esclava

ge,

Le fang a dans mon fein transmis votre courage.
Attentive aux leçons qu'ont tracé mes a yeux,
Leur exemple fans ceffe eft prefent à mes yeux.
De mes jours malheureux je finiray la course,
Sans qu'aucune foibleffe enternifle la fource,
Le plus cruel trépas me femblera trop doux,
Mourant avec le nom que j'ay reçu de vous.
PLAUTIE.

Non, non, je previendray ta funefte disgrace.
J'admire de ton cœur la genereufe audace.
Le deffein de mourir pour conferver ton rang,,
Eft digne de ma fille, eft digne de mon fang;.
Mais je n'en puis fouffrir la cruelle pensée:
Rome dans ton deftin eft trop intereffées.
Virginius déja par mes foins averti,
Pour te venir defendre eft fans doute parti.
Dés le même moment que tu me fus ravie,
Sans prévoir les horreurs qui menacent ta vie,
J'envoyay vers le Camp, & je ne doute pas
Que ton Pere vers nous ne s'avance à grands pas
Icile furieux,, menace, prie, exhorte,
Aux plus hardis projets fatendreffe l'emporte;
En fin pour te fauver il fuffira de moy,
Que ne pourray-je point en agiffant pour toy.?
Nous attendons beaucoup de fecours de leurs armes,
Mais n'efpere pas moins de celuy de mes larmes.
De cet affieux Palais j'ouvriray les chemins,
Je ferviray de Chef. aux premiers des Romains,
Et mes brulans foupirs verferont dans leur ame

!

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J'en fremis, mais, ma fille, il le faut,
VIRGINIE.

Eft-ce trop peu des maux dont je fuis dechirée ?
Seray je d'avec vous encore feparée ?

Aprés tant de foupirs, à peine je vous voy...
PLAUTI E.

Crois-tu qu'à te quitter je fouffre moins que toy?
Quand à partir d'icy je me crois toute prête,
Malgré tous mesefforts ma tendreffe m'arrête.
Cet amour toutefois ardent à ton fecours,
Demande des effets, & non pas des difcours ;
Je te quitte, ou plutôt je vais tarir tes larmes,
Te rendre à ta famille, & finir nos allarmes ;
Le foin de te fauver m'arrache de ce lieu,
On m'attend, & j'y vole, adieu, ma fille, adieu.

SCENE V.

VIRGINIE, CAMILLE.

VIRGINIE.

Amille, connois-tu l'excés de ma mifere?
Quel trifte fort!

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CAMILLE.

Je crains bien moins que je n'efpere..

Les premiers des Romains fe declarent pour vous, Contre votre ennemy le Peuple eft en courroux ›

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