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Votre Pere eft aimé dans Rome & dans l'Armée,
Le jeune Icile enfin, dont vous êtes charmée,
Et qui doit par l'hymen s'unir à votre fort,
Ne fera pas pour vous un inutile effort

Sans doute en ce moment...

VIRGINIE.

Excufe ma foibleffe,

Crois-tu qu'en ma faveur Icile s'intereffe ?
Crois-tu qu'il me conferve une fidele ardeur ?
Mes difgraces peut-être auront changé fon cœur,
Ah! fi le mien privé feulement de sa vuë,
Ne refifte qu'à peine au chagrin qui me tuë,
Dieux, contre ma douleur où trouver du fecours,
Camille, s'il falloit le perdre pour toûjours ?
N'importe, en ce moment, quoy que le Ciel ordon-

ne,

A fes ordres facrez mon áme s'abandonne ;
Je refpecte les traits qui partent de fa main,
Et je vais fans murmure attendre mon deftin.

Fin du premier Acte.

:

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Ui, vous pouvez, Seigneur, auffi-bien que Plautie,

Entrer dans ce Palais, parler à Virginie.
Vous ne vous plaindrez plus de l'injuste
pouvoir

Qui vous a jufqu'icy défendu de la voir.
Dans cet appartement, où l'on va la conduire,
De tous vos fentimens elle pourra s'inftruire.
Mais pourquoy la revoir ? Mon efprit incertains
Ne comprend pas encor quel eft votre dessein.
Je ne fçay que juger de votre impatience.
Quel interet vous porte à chercher fa presence.
Seigneur? Eft-ce un effet de la feule pitié,
Ou le fimple devoir d'un refte d'amitié ?
Car je ne penfe pas, dans fa mifere extrême,
Averti de fon fort par. Plautie elle-même,
Quand le Ciel l'abandonne au plus cruel malheur,
Que vous fentiez pour elle une honteuse ardeur.
Non, je ne croiray point qu'un auffi grand courage
Puiffe avilir fes vœux jufques dans l'efclavage
Qu'icile jufques-là put jamais s'abaiffer..

ICILE.

Severe, que dis-tu ? Ciel ! qu'ofes-tu penfer?
Crois-tu de Clodius la noire calomnie?

Mais quand les Dieux auroient fait naître Virginie
Dans la honte des fers, & dans un rang plus bas,
Quel que fût fon deftin, je ne changerois pas.
Plus on veut l'abaiffer, plus je fens que je l'aime :
Si fes malheurs font grands, mon amour eft ex-
trême.

Qu'ay-je fait jufqu'icy pour luy prouver ma foy?
Je luy rendois des loins; qui n'eût fait comme moy?
Tout ne flattoit-il pas mes vœux & ma tendreffe
Gloire, biens, dignitez, pouvoir, credit, nobleffe,
Sa main me donnoit tout. Qui n'eût pû prefumer
Que mon ambition me portoit à l'aimer ?
Mais du moins aujourd'huy mon amour feul éclate;
Et mon ambition n'ayant rien qui la flate,
Je feray hautement triompher en ce jour,
La generofité, la conftance, & l'amour.
SEVER E.

Dieux qu'eft-ce que j'entens? votre difcours m'

tonne.

A quel fatal projet l'amour vous abandonne ?
Une fille fans nom, & qu'on va condamner....
ICILE.

Parce qu'on la trahit, dois-je l'abandonner?'
Et ne luy failant voir qu'une amitié commune,'
Regler ima paffion au gré de la fortune?
S'il eft des cours mal faits, & d'indignes Amans,
Qui fuivent dans leurs vœux ces lâches fentimens ;
Pour moy,n'en doute point, quand j'aime Virginie,
C'eft à d'autres objets que mon cœur facrific.
Les grandeurs que le fort peut ravir en un jour,
N'ont jamais attiré mes vœux ni mon amour.
La fermeté d'efprit, la grandeur de courage,
La pureté de cœur, voilà ce qui m'engage ;.
Ce qui dépend du fort eft pour moy fans appas

Et j'aime les vertus qui n'en dépendent pas

SEVERE.

Vous fuivez trop, Seigneur, une aveugle tendreffe,

ICILE.

Ah! ne t'oppofe plus à l'ardeur qui me preffe. Cependant Virginie eft long-temps à venir. Quel obftacle nouveau pourroit la retenir ? Quand verray-je ceffer l'ennuy qui me devore! Neglige-t-elle, helas! un Amant qui l'adore ? Dieux que puis-je penfer de fon retardement ? Que je fouffre de maux en ce cruel moment ! Que je fuis dechiré ! Mais je la voy, Severe, Elle vient.

!

SCENE II.

ICILE, VIRGINIE, SEVERE, CAMILLE.

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ICILE.

E deftin ne m'est plus fi contraire, Madame ; je vous voy, & je puis en ce jour Faire encore à vos yeux éclater mon amour. Qui l'eût crû que fi prés d'un heureux Hymenée, Notre amour à ces maux dût être condamnée ? Mais fufpendez l'effort de toutes vos douleurs ; Que la joie un moment regne feule en nos cœurs. Pour moy, je l'avoueray, quand le fort me menace, Du bien que je reçois je luy dois rendre grace. J'étois abfent de vous, inquiet, defolé; Je vous vois, je vous parle, & je fuis confolé. Le trouble, la douleur qui déchiroit mon amę,

Tout s'eft évanoui devant vos yeux, Madame.
Ma prefence fait-elle au moins dans votre cœur
L'effet que votre vuë. . . ?

VIRGINIE.

Eh, le puis-je, Seigneur ? {{
Puis-je de mes douleurs calmer la violence?
Je les fens augmenter même en votre prefence;
Ce qui devroit caufer mes plaifirs les plus doux,
Porte à mon trifte cœur les plus fenfibles coups.
Jugez dans quels malheurs le Ciel me precipite.
Ouy, je fens qu'à yous voir ma trifteffe s'irrite.
Helas! j'en connois mieux la perte que je fais,
Car enfin je vous perds, & vous perds pour jamais.
ICILE.

Ah, Madame, éloignez cette injufte pensée.
Par ce cruel difcours ma flâme eft offensée.
Pourquoy perdre un efpoir à notre amour fi doux ?
Qui peut nous feparer?

VIRGINIE.

Helas! l'ignorez-vous? C'est le funefte effort du deftin qui me brave; Et fi je fors du fang d'un malheureux esclave, Je vois qu'à votre Hymen je ne dois plus penfer, Qu'à cet efpoir fi doux il me faut renoncer. Duy, Seigneur, nous ceffons de vivre l'un pour

l'autre.

Mais, Dieux ! que mon malheur eft different du vôtre !

Vous ne perdez en moy qu'un cœur infortuné,
Au comble des horreurs par le fort condamné ;
Et pour vous confoler de cette foible perte,
Il cft plus d'une voye à votre amour offerte.
Je ne vous parle point d'un Hymen plus heureux,
Car je n'ofe penfer qu'un cœur fi genereux,
Aprés les doux tranfports d'une ardeur mutuelle,
Puiffe brûler jamais d'une flâme nouvelle :

Mais l'honneur immortel qu'au milieu des combate

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