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Votre rare valeur promet à votre bras,
Le genere ux defir de fervir la patrie,
Pourront de votre efprit effacer Virginie:
Ou fi ces nobles foins ne peuvent l'en bannir;
Pour en combatre au moins le trifte souvenir,
Vous pourrez oppofer, aprés votre victoire,
Aux chagrins de l'amour les plaifirs de la gloire,
Mais moy, defefperée, en l'état où je fuis,
Je fens de toutes parts augmenter mes ennuis;
Je perds l'heureux efpoir d'un illuftre Hymenée,
Et je perds avec luy le rang où je fuis née ;
Enfin pour m'accabler dans ce funefte jour,
Je voy d'intelligence & la gloire & l'amour.
ICILE.

Ainfi vous renoncez à ce jufte Hymenée ?
Que deviendra la foy que vous m'avez donnée ?
Lié par mes fermens, & prefque votre Epoux,
N'auray-je...

VIRGINIE.

Cette foy n'eft plus digne de vous.

Le fort injurieux...

ICILE.

Eh bien, que peut-il faire? Son pouvoir ne peut rien contre un amour fincere, VIRGINIE.

Penferez-vous à moy dans cet état honteux ?
ICILE.

Ah! croyez-moy, Madame, un peu plus genereux;
Rendez plus de juftice à mon ardente flâme.
Votre merite feul l'alluma dans mon ame;
Et je jure à vos yeux, qu'il n'eft rien que la mort
Qui puiffe deformais feparer notre fort;

Que par tant de fermens engagez l'un à l'autre
Tous les Dieux...

VIRGINIE.

Ah, Seigneur! quelle erreur eft la vôtre Lorfque vous me verrez dans un rang odieux...

ICILE.

J'auray le même cœur, j'auray les mêmes yeux, Vous conferverez tout ce que mon cœur adore, Vous aurez vos vertus; & vous aurez encore, Pour m'attacher à vous par un lien plus fort, Vos craintes, vos douleurs, les injures du fort. Ouy, pour ferrer les nœuds d'une chaîne fi belle, Vos dilgraces auront une force nouvelle.

Ah! fi c'eft un devoir pour un cœur genereux, De plaindre, de fervir, d'aider les malheureux; Pour un cœur enflammé quelle douceur extréme De foulager en vous le digne objet qu'il aime, De finir vos malheurs, & de pouvoir enfin Vanger votre vertu des affronts du destin !

VIRGINIE.

Ah, Seigneur cet aveu rend mon ame charmée. Quel plaifir de me voir fi tendrement aimée! Mais quand l'amour pour moy vous porte à vous

trahir,

.

A vos vœux indifcrets, Seigneur, dois-je obeïr? Non, non, rempliffons mieux nos devoirs l'un & l'autre,

Ma generofité doit feconder la vôtre;

Et refufant un bien que j'ay tant fouhaité,
Faire connoitre au moins que je l'ay merité.
ICILE.

Que ce noble difcours pleinement juftifie
Le veritable fang dont vous êtes fortie !
Un cœur dans l'efclavage, & d'un vil fang formé,
D'un courage fi grand n'eft jamais animé ;

Et quelque fier qu'il foit, toûjours quelque foibleffe,

Decouvre toft ou tard fa premiere baffeffe.
Mais finiffez, Madame, un discours fi cruel,
Et qui rend envers moy votre cœur criminel.
Dieux eft-ce là m'aimer, que m'ôter l'efperance?

VIRGINIE.

Eh, qu'a-t'il ce difcours, Seigneur, qui vous of fence?

Croyez que ce refus marque mieux mon amour,
Que tout ce que j'ay fait jufqu'à ce trifte jour.
Ce n'eft pas qu'en effet, de mon deffein troublée,
Par ce coup genereux je ne fois accablée';
J'en fremis par avance, & jugez par mes pleurs....
ICILE.

Madame, par pitié cachez-moy vos douleurs.
C'est trop de mes ennuis, & de votre trifteffe,
Mais je la finiray, croyez-en ma promeffe.

Je perdray vos tyrans, & quel que foit leur rang, Ces pleurs que vous verfez leur couteront du fang. VIRGINIE.

Ah, Seigneur arrêtez; où courez-vous ?

ICILE.

Madame,

Ne vous oppofez point à l'ardeur qui m'enflame. Il faut que l'infolent qui vous ofe infulter, Apprenne deformais à vous mieux refpecter.

Mais comment ?

VIRGINIE.

ICILE.

C'est à moy de vanger votre injure,

C'eft à moy de convaincre & punir l'impofture, adieu, Madame.

J'y cours,

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SCENE III

VIRGINIE, CAMILLE,

CAMILLE.

IL court yous fecourir,

Les Dieux le font laffez de vous voir tant fouffrir,
Madame, efperez tout du courage d'Icile.
VIRGINIE.

Ah! que me fais-tu voir, & qu'ay-je fait, Camille?
Dieux! devois-je d'Icile accepter le secours?
Pour mes feuls interêts j'ay hazardé les jours.
Que n'entreprendra point fa tendreffe offencée ?
De cent perils mortels fa vie eft menacée.
Helas! que ce feroit un fecours odieux,
S'il brifoit ma prifon en mourant à mes yeux.
Prevenons-le, effayons de finir ma difgrace,
Nous-mêmes détournons le coup qui nous menace,
Hâtons-nous, empêchons mon Amant de perir,
Courons voir Appius, il peut nous fecourir;
Que les yeux foient témoins de mes vives allar-

mes,

Peut-être fera-t'il attendri par mes larmes;
Ne nous contraignons plus, le voicy.

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*************

SCENE

IV.

APPIUS, VIRGINIE, CAMILLE.

VIRGINIE.

QUoy, Seigneur,

Ne calmerez-vous pas le trouble de mon cœur?
Rendez-vous aux foupirs que je vous fais entendre.
Perdray-je tant de pleurs que vous voyez repandre;
Et n'obtiendray-je point un utile fecours,
Qui des fers que je crains fauve mes triftes jours ?
APPIUS.

Helas! n'en doutez point, votre difgrace extrême,
Plus que vous ne penfez me déchire moy-même;
Et pour porter mon ame à finir vos malheurs,
Vous n'avez pas befoin du fecours de vos pleurs. ·
Votre feule jeuneffe, & les foins d'une Mere
A qui mille raifons vous ont rendu fi chere,
D'un Pere fi fameux les illuftres exploits,
Lors qu'ils parlent pour vous ont de puiffantes
voix ;

Souvent par ces égards mon ame s'eft émeuë;
De vous rendre à leurs cris elle étoit refoluë,
Si l'auftere devoir d'un employ glorieux,
Cette droite equité preferite par les Dieux,
Si la peur des remords qui fuivent l'injuftice,
M'eût permis de vous faire un fi grand facrifice,
Et n'eût malgré l'effort d'une tendre pitié,
Fait durer des malheurs dont je fens la moitié.
Mais enfin plus je tâche à percer le myftere,
Plus je trouve à vos vœux la juftice contraire:
Témoins, indices, droit, tout parle contre vous.

VIRGINIE.

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