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TRAGEDIE.

ARMINIUS,

TRAGEDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE I.

SEGESTE, SUNNON

Seigneur...

SEGESTE.

Uy, Sunnon, je le veux, je l'attens de ton zele,

Parle, trace à mes yeux la peinture
fidele

Des fentimens divers du Peuple & des
Soldats.

SUNNON.

SEGESTE.

Parle, te dis je, & ne me flatte pas. Je fçay que le traité que je viens de conclure, De la plupart des miens excite le murmure;

Que ne penetrant point dans mes juftes deffeins,
On me voit à regret dans le Camp des Romains.
Je le fçay, dy le refte, il ne me faut rien taire.
SUNNON.

Puifque vous m'ordonnez, Seigneur, d'être fincere,
Je ne vous cele point que de ce changement
Les Peuples étonnez cherchent le fondement.
Quoy, Segefte, dit-on, par qui la Germanie
Juiqu'icy des Romains brava la tyrannie,

Qui de flots de leur fang couvrit nos Champs vingr fois,

Qui fit trembler le Tybre au bruit de fes exploits
Ce Segefte aujourd'huy peut étouffer fa hainę,
Et mêler les Drapeaux avec l'Aigle Romaine?
SEGEST E.

Je fais plus. Du Senat je brigue la faveur,
Son eftime eft pour moy le comble du bonheur,
Et c'eft avec plaifir que j'entens qu'il me nomine
Allié de l'Empire, & Citoyen de Rome:
Je regarde ces noms comme un illuftre prix.
Toy-même à ce difcours tu me parois furpris:
Mais apprens les rai fons de ce qu'on m'a vû faire,
Et ne condamne plus une paix neceffaire.

Les Dieux me font témoins que dans tous mes deffeins,

Me propofant pour but le falut des Germains,
Sans regarder jamais ma grandeur ny ma gloire,
J'ay combattu pour eux,
& cherché la victoire.
Pendant plus de vingt ans, par un heureux effort,
Entre l'Empire & moy j'ay fufpendu le fort:
Mais dans ce même temps Rome étoit occupée
A la perte d'Antoine, ou du jeune Pompée ;
Et fes Chefs divifez par leurs propres fureurs,
Nous laiffoient aifément reculer nos malheurs.
Maintenant que par-tout regne une paix profonde,
Qu'Augufte fous les loix fait trembler tout le mon

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Devois-je attendre icy qu'il raffemblât fur nous Tout l'effort, tous les traits de fon vafte courroux? J'ay cru devoir ceder, puifqu'un leger hommage M'affuroit le repos, & détournoit l'orage.

Ce n'eft

pas que fouvent un refte de fierté

Ne m'ait prelque contraint de rompre le Traité:
Mais de mille Heros la perte encore éclate;
Et qu'ont fait contre Rome Annibal, Mithridate,
Nicomede, Pyrrhus, tant d'autres Rois fame?
Etois-je plus puiffant, étois-je plus heureux ?
J'ay fauvé mes Etats en finiffant la guerre ;
Et quand je me foumets avec toute la terre,
J'obeïs aux decrets des Dieux & du Deftin,
Qui veulent que tout cede à l'Empire Romain.
SUNNON.

Je croy de cette paix les caufes legitimes;
Des Princes vos voisins vous fuivez les maximest
Cependant fi je puis, en vous obeïffant,
Vous oppofer, Seigneur, un interêt puiffant,
J'oferay dire encor qu'une immortelle gloire
Auroit à l'avenir tranfmis votre memoire,
Si voyant l'Univers par les Romains dompté,
Vous feul aviez jouï de votre liberté.

Pour abbattre l'orgueil & le pouvoir de Rome,
Peut-être ne faut-il que le bras d'un feul homme.
Vous l'avez dit cent fois. Eh! qui pouvoit, Sei
gneur,

Prétendre mieux que vous à ce fuprême honneur
Rome s'affure en vain fur la foy des Oracles,
Les Mortels quelquefois y mettent des obstacles;
Ils relevent un Trône, un Eftat abbatu,
Et font changer les Dieux à force de vertu.
Mais fans déveloper un fi profond myftere,
Arminius croit-il ce Traité falutaire?
Votre amitié confond vos droits avec les fiens
Vous l'allez confirmer par de plus forts liens ;
Bien-tôt, en époufant la Princeffe Ifmenie,

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