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vention, terminé avec tout le foin poffible. Celuici en changea totalement la difpofition, & lui dit: il faut apprendre à ébaucher avant que de vouloir finir. Bologna fentit toute la justesse de cette réflexion, & en fit depuis la règle de fon travail.

Après deux ans de féjour à Rome, fon peu d'aifance l'obligea de retourner dans fa parrie: mais en pallant à Florence, il fit connoiffance avec Bernard Vecchietti, gentilhomme doué de beaucoup d'efprit & de goût, qui l'engagea à fe fixer dans cette ville. L'étude des ouvrages de Michel-Ange & des grands hommes, lui dit-il, fuffira pour accélérer vos progrès dans les arts. Sa générosité ne se borna point à des confeils; la pauvreté de Bologna exigeoit des fecours plus puiffans. Il les trouva dans les bontés de Vecchietti, qui ne négligea rien de ce qui pouvoit contribuer à fon avancement. Notre jeune Sculpteur, constamment renfermé dans cet afyle, continua fes études avec une nouvelle ardeur. Il faifoit fuccéder l'étude des livres à celle des ftatues de Michel-Ange. Les fruits de fes occupations furent une infinité de modèles qui prouvoient, fon excellence dans fon art, & fa fupériorité fur tous les artiftes florentins. Quelques jaloux

étoient forcés d'avouer que perfonne n'avoit plus de talens pour faire des figures agréables & des modèles dans des attitudes charmantes; mais ils prétendoient qu'il ne réuffiroit pas à travailler le marbre, ce qui annonce le vrai talent du Sculp teur. Bologna, à qui ces difcours revinrent, fe difpofa à triompher de fes rivaux. D'un morceau de marbre que lui donna Vecchietti, il fit une très-belle Vénus; fon protecteur n'héfita point d'en préfenter l'auteur au prince François de Médicis, fils du grand duc Côme-le-vieux, qui le gratifia d'une penfion.

Vers le même temps,ce prince réfolut de faire conftruire une fontaine dans la place de Florence. Plufieurs artiftes, tels qu'Ammanati, Cellini, Danti & le jeune Bologna, préfentèrent des modèles. Celui de ce dernier fut jugé le plus beau, & il auroit été exécuté fi le grand duc n'eût craint de confier une entreprise de cette importance à un jeune homme qui annon. çoit à la vérité de grands talens, mais qu'aucun ouvrage fameux n'avoit encore fait connoître.

Cependant, fa réputation s'accrut tellement en peu de mois, qu'on le chargea d'exécuter plufieurs morceaux deftinés à être transportés au-delà des monts. Le grand duc même lui com

manda pour fa maifon de plaifance un grouppe de Samfon qui tient fous lui le Philistin, & qu'on envoya depuis, en Espagne, au duc de Lelme. Bologna parut, dans cet ouvrage, fupérieur à lui-même, fe rapprocher davantage de la vraie nature, & s'éloigner d'un certain faire maniéré qu'on remarque dans fes productions. Ce grouppe & celui de deux enfans qui pêchent à la ligne fixèrent irrévocablement le jugement du public. Les magiftrats de Bologne qui en furent informés, prièrent le grand duc de lui permettre de venir dans leur ville pour jeter en bronze la figure de Neptune d'onze pieds de haut, & les autres ftatues dont la fontaine de la grande place eft décorée. Dans le même temps, il fit en bronze un Mercure qui fut envoyé à l'empereur, avec d'autres morceaux de fa compofition. II donna auffi au duc de Bavière une ftatue de marbre repréfentant une jeune fille affise.

Le prince François qui remplaça le grandduc Côme I fur le trône de la Toscane, n'aima pas moins les beaux-arts que fon père. Il chargea notre artiste de faire une figure de la Ville de Florence tenant fous ses pieds un efclave. Elle devoit être placée dans le falon royal du vieux palais, en face de la belle ftatue de la Vic

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toire, fculptée par Michel-Ange. Bologna en fir
un modèle qu'il exécuta enfuite fans en con-
ferver les beautés. Il fut plus heureux dans une
autre entreprise que le même prince lui confia.
On avoit tiré de l'Elbe un énorme rocher de
granit. Le grand duc le montra à Bologna, en
lui difant: ce bloc que vous voyez est destiné à une
fontaine de mon jardin de Boboli, travaillez-y,
& tâchez que le baffin vous faffe honneur, & que
votre ouvrage en fasse au bassin. On se doute
bien que l'artiste s'occupa de cette fontaine avec
tout le foin poffible. Dans un baffin de vingt
pieds de diamètre eft un Neptune en marbre
plus grand que nature, & élevé fur une coupe
de granit; fon attitude eft admirable; à fes pieds
font affifes des figures qui repréfentent trois prin-
cipaux fleuves du monde, le Gange, le Nil,
& l'Euphrate, dont la proportion eft de quatre
braffes, qui verfent l'eau de leurs urnes dans
une pièce d'eau.

Appelé à Lucques, Bologna décora de statues le maître autel du dôme & fes deux chapelles. Il travailla enfuite à la figure du grand duc Côme de Médicis, qui devoit être placée entre celles de l'Equité & de la Sévérité. Je ne fais qu'indiquer ces ouvrages & d'autres moins importans,

pour m'arrêter au beau grouppe de marbre qui fait l'ornement de la place de Florence. C'est l'enlèvement d'une Sabine. Sous la figure d'un vieillard terraffé par un jeune soldat, le Sculpteur a défigné le père de la fille en colère, qui veut en empêcher le rapt. Le jeune homme eft un foldat romain, fier d'avoir enlevé une des plus belles Sabines qui étoient à la fête à Rome, & il a exprimé la crainte & l'épouvante fur le vifage de la jeune fille dont le corps eft auffi tendre que délicat. Pour faire encore mieux connoître le fujet de cette compofition, le Sculpteur a orné la bafe qui la foutient, d'un excellent bas-relief en bronze, dont le fujet eft l'enlèvement des Sabines. Jean Muller a gravé ce grouppe des deux côtés.

Lorfque Bologna s'occupoit des études qu'exigeoit cet ouvrage, il remarqua dans une églife un particulier appelé le grand Italien, à cause de fa taille haute de quatre braffes. Lionardo, (c'étoit le nom de cet homme), s'apercevant qu'il le regardoit attentivement, lui demanda s'il pouvoit lui être bon à quelque chose. Qui, feigneur, répondit Bologna, je fuis Sculpteur du grand duc, & chargé d'un grouppe compofé de trèsgrandes figures. Je fouhaiterois que vous me permif

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