fiez de faire quelques études d'après les proportions de votre corps, leurs beautés m'ont frappé. Il obtint fans peine cette permiflion, & d'après Lionardo a été fculptée la figure du romain qui enlève la jeune Sabine, dont l'attitude & les portions font fi belles.

pro

Ce grouppe, expofé à la vue du public, reçut une approbation générale. Les beaux-efprits célébrèrent dans des fonnets, & autres pièces de poëfies l'auteur & fon ouvrage. Il eut cependant le fort des belles choses que la malignité cherche toujours à déprimér. On raconte à ce fujet que Profper Brefciano partit de Rome en pofte pour venir à Florence. Arrivé au grand galop fur la place publique, il s'arrête un moment devant le grouppe. Puis tournant la bride à fon cheval, il dit d'un air de mépris, quoi! c'eft pour cela qu'on fait tant de bruit : je croyois voir la plus belle chofe du monde. Et il retourna promptement à Rome fans s'arrêter dans la ville.

Les ouvrages multipliés de notre statuaire portèrent la gloire de fon nom au-delà de l'Italie Sa maison étoit remplie de jeunes élèves florentins & flamands fort attachés à leur maître. Avec leur fecours il exécuta en pierre, au bout du

parterre de Pratolino, maifon de plaisance du grand duc, un coloffe nommé l'Apennin. C'est un géant affis au-deffus d'un baffin rempli d'eau,, & d'une telle grandeur, que dans fa tête il y a une chambre qui fert de colombier, & que fon renferme une grotte ornée de coquilles & de jets d'eau. Bologna difoit que fi cette figure eût été debout, elle auroit eu cinquante brasses de hauteur. On ignore l'origine de fon nom; tout ce qu'on fait, c'eft qu'elle fut faite pour repréfenter Jupiter pluvieux, fuivant ce vers de

corps

Tibaile.

Et fitiens pluvio fupplicat herba Jovi.

En 1580, notre ftatuaire fut appelé à Gênes par le feigneur Luc Grimaldi, pour orner la chapelle qu'il avoit fait conftruire à S. François en l'honneur de la Sainte Croix. Il y fit les modèles de fix ftatues grandes comme nature; favoir, la Foi, l'Efpérance, la Charité, la Justice, la Force & la Tempérance. On y voit de plus fix anges affis fur les corniches, & fept bas-reliefs, dont les fujets font la préfentation de N. S. au temple, la flagellation,lę couronnement d'épines, l'ecce homo, fa condamnation à mort, fon départ pour le calvaire, & fa fépulture; ce der

nier, placé au devant d'autel, eft le plus grand & le plus eftimé. On reconnoît la même main dans le crucifix de l'autel. Le tout eft de bronze, & il faut avouer que dans l'art de fondre, Francaville qui les exécuta eut peu d'égaux. Si d'autres ouvrages n'euffent déjà illuftré ce maître, ceuxci auroient fuffi pour l'immortalifer.

Après la mort du grand duc François, arrivée en 1587, Ferdinand fon frère, qui lui succéda, ordonna à Bologna de travailler à la ftatue équestre de leur père Côme I, dont la place publique devoit être décorée. Il feroit difficile de détailler tous les foins qu'il fe donna pour y réuilir à la fatisfaction du grand duc. Cet ouvrage fut découvert en 1594, & reçut également les éloges des gens de l'art & des amateurs. Les ornemens du piédeftal confiftent en trois bas-reliefs qui repréfentent le couronnement de Côme I, fon entrée triomphante dans la ville de Sienne après fa victoire, & la preftation du ferment de fidélité que lui rendent les citoyens de cette ville. Quoique la statue fût découverte, on conferva plufieurs jours l'enceinte de planches qui la renfermoit. Bologna, à l'exemple des anciens peintres grecs, fe tenoit de temps en temps caché derrière cette enceinte

&

& au moyen de petits trous qu'il y avoit prati qués, il écoutoit les difcours du public. Un pay fan, après avoir bien examiné le cheval, s'écriat il est beau, mais il n'a pas tout ce qu'il doit avoir. Ce propos excita la curiofité de fes voifins. On lui en demanda, l'explication. L'artiste, dit-il, a oublié les durillons des jambes du cheval. Bologna trouva la critique fondée, il examina la nature de ces durillons, fit recouvrir sa statue, & parvint à les faire paroître très-naturels & exprimés en fondant le cheval.

Cet artifte avoit époufé une fille de Bologne, dont il n'eut point d'enfans. Une de fes fœurs qu'il aimoit beaucoup venoit fréquemment à Florence paffer quelque temps avec lui. Dans un voyage qu'elle y fit, il voulut à fon départ l'accompagner jufqu'à Milan. Il profita de cette occafion pour voir Pavie, Venife, & plufieurs autres villes de la Lombardie. Le grand duc lui avoit donné des lettres de recommandation, mais fon nom étoit la meilleure. Par tout où il paffa on lui rendit de grands honneurs, & il reçut des artistes l'accueil le plus flatteur.

A fon retour, les frères Prêcheurs du couvent de Saint-Marc lui fournirent une nouvelle

occafion de s'illuftrer. Ils poffédoient depuis cent Tome II.

I

trente ans le corps de faint Antonin, archevêque de Florence. Le defir d'honorer la mémoire de ce faint, qui avoit été religieux de leur ordre, les engagea à placer fes reliques dans un endroit plus diftingué que celui où elles avoient été dépofées jufqu'alors, & à le décorer fuivant leurs facultés. Ils firent part de leur intention à quelques-uns de leurs amis; deux gentilshommes florentins offrirent de fe charger de toute la dépense. Bologna fut choifi pour décorer la grande chapelle de leur église, connue par la quantité de fes ornemens. Les reliques du faint y fufent transférées en 1589. Sa figure en bronze se voit au-deffus de fa châffe, accompagnée de quatre anges dé grandeur plus que naturelle.

En 1594, le grand duc vint voir, dans l'attelier de notre Sculpteur, un crucifix de bronze deftiné au duc de Bavière, & lui demanda un Hercule tuant le centaure Neffus; il fut achevé fur la fin de 1599. On remarque que c'est une des plus précieufes productions de son cifeau, tant pour l'expression des figures, que pour la beauté de leurs contours.

Lorfque ces ouvrages, & d'autres de moindre importance, furent terminés, Bologna qui durant tant d'années confacrées au public, avoit