çurent le projet de former l'Académie, & que de concert avec le Brun & les deux Teftelin ils en obtinrent l'établiffement. Notre artifte fut mis au nombre des douze anciens, & enfuite élevé au grade de recteur, quand cette place fut créée en 1655. On ne voit point dans les falles de l'Académie de morceau fait pour fa réception , parce que les fondateurs de cette comTM pagnie furent exempts de cette loi. Le Christ, plus grand que nature qu'elle pofsède, est un préfent de fon frère Pierre, reçu Académicien en 1655, & mort en 1679 à l'âge de foixantedix-fept ans.

La dernière entreprise de Sarazin n'est pas moins un chef-d'œuvre d'ensemble & de détail, > qu'un témoignage de la reconnoiffance & de l'attachement rare du préfident Perrault qui en a fait tous les frais (3). Je veux parler du maufolée de Henri de Bourbon, prince de Condé, mort en 1646. Sa décoration préfente une grande idée. Tout y a été exécuté comme il a été pensé, toutes les parties font taites les unes pour les autres, & concourent à la perfection de l'en

(3) Il a coûté plus de deux cents mille francs au préfi dent Perrault qui avoit été intendant du prince de Condé

femble. Voici ce qu'en dit Bourfault dans fon épitaphe du préfident Perrault.

Enrichi des bienfaits de fon généreux maître,
Au-delà du trépas fon zèle fut paroître.

Au cœur de ce héros, dont le fort fut fi beau,'
Sa fidèle douleur fit conftruire un tombeau,
Où la délicatesse & la magnificence

Sont d'éternels témoins de fa reconnoiffance.

Au lieu d'un tableau d'autel, on a appliqué fur un marbre noir un crucifix de (4) bronze grand comme nature, au pied duquel est un S. Ignace à genoux, à qui Jéfus-Chrift femble parler. Quelques bandeaux blancs contrastent avec des compartimens de marbre noir, mêlés de marbre de Languedoc, dont les colonnes corinthiennes de l'autel font formées. Deux piédeftaux qui l'accompagnent, portent les figures en bronze de la Force & de la Religion; elles font affifes, grandes comme nature, & grouppées avec un enfant. Une baluftrade à hauteur

(4) Ce Crucifix, dont Sarazin avoit fait le modèle, fut pofé, après fa mort, par fes élèves. On affure que S. Ignace eft de le Gros, figure belle & fupérieure aux deux anges placés sur le couronnement de l'autel, qui font auffi de lui,

d'appui, & d'un marbre noir, forme carrément l'enceinte de cette chapelle. Ses angles faillans portent les figures de la Juftice & de la Piété affifes fur des focles. Elles préfentent ce qu'on peut voir de plus parfait dans toutes les parties de l'art. A l'ouverture de cette baluftrade font pofés deux enfans affligés; l'an tient l'écuffon des armes du prince, & l'autre une table de bronze. Quatorze bas-reliefs auffi de bronze ornent le pourtour de cette balustrade; le Sculpteur y a représenté, fuivant les idées de Pétrarque, les triomphes de la Renommée, du Temps, de la Mort & de l'Eternité, d'une manière grande & belle, fans être de la plus parfaite correction. Dans le triomphe de la Mort Sarazin s'eft placé au milieu des grands hommes modernes, tenant le modèle d'une figure accroupie. Michel-Ange lui met la main gauche fur le bras droit, & femble le raffurer fur le fuccès de cette chapelle, qui devoit mettre le comble à sa réputation en terminant ses travaux. En effet, tomba malade lorsque le bas-relief du triomphe de la Mort l'occupoit, & il mourut à Paris en 1660, âgé de soixante-dix ans.

Sarazin a exprimé les prunelles des yeux de ces différentes figures. En examinant les ftatues

pas

antiques, on remarque que ces parties n'y font traitées uniformément; la plupart ont des prunelles, les autres en font privées. Cette différence eft fenfible dans les figures des arcs de triomphe & dans l'immenfe quantité de celles qu'on voit à Rome, à Florence, à Naples, & dans plufieurs endroits de l'Italie, d'où l'on peut conclure avec certitude que les Sculpteurs en marbre n'ont commencé que fous Hadrien (5) à tracer des prunelles dans les yeux. Il semble que le globe de l'œil uni à quelque chofe de coulant & de tendre; il laiffe d'ailleurs penser au spectateur une action que des traits imaginaires, gravés fur une matière qui n'a qu'une couleur ne peuvent rendre que difficilement. La Sculpture n'a pas, comme la peinture, le fecours des couleurs néceffaires pour faire fentir les prunelles.

Les autres ouvrages de Sarazin, dont on n'a point parlé, font: à Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie, un médaillon ovale où fe voit la Dou Jeur accompagnée du génie de la Tristesse qui. verse des larmes près du tombeau de l'abbé Hen→ nequin, confeiller au parlement; dans la cha→

(5) Mém. de l'Acad. des Belles-Lettres, Tom. XXVII.

pelle de l'hôtel des Fermes, S. Pierre & la Madeleine; quatre crucifix, favoir : à S. Gervais, à S. Jacques-de-la-Boucherie, aux Carmelites du fauxbourg Saint-Jacques, & au noviciat des ci-devant Jéfuites : les trois premiers font audeffus de la porte du chœut, & le fecond eft le plus eftimé des trois, c'est celui dont le modèle fe voit à l'Académie. Ces morceaux, en général un peu lourds, ne font pas les plus recommandables de cet auteur; un monument élevé en l'honneur du cardinal de Bérule à l'inftitution de l'Oratoire. Dans l'église de S. Louis, rue SaintAntoine, ies jambages d'une arcade du fanctuaire font ornés des vertus cardinales. La première eft la Justice affife & pleurant, appuyée fur le bras gauche, tenant une épée nue, & vis-à-vis est un ange affligé, qui tient une ba→ lance. La feconde eft la Prudence fe regardant dans un miroir préfenté par un ange. La troifième eft la Force à qui un ange offre une palme & un laurier; cette vertu affife embraffe une colonne. La quatrième, qui eft la Tempérance, s'appuie d'une main far fon fiège, & de l'autre tient un vafe plein de vin qu'elle renverse devant un petit ange dont l'attitude marque la surprise. Entre ces bas-reliefs font des infcriptions gra