Imágenes de páginas
PDF
EPUB

reçoivent. Mais un habile homme ne doit-il pas quelquefois s'armer de patience, dans un royaume surtout auffi étendu que celui-ci, & auffi riche en reffources? Il est vrai que les arts en avoient encore plus dans ces heureux temps, où la Sculpture faifoit un des principaux ornemens des appartemens. Aujourd'hui qu'une divinité inconftante & légère a tout changé, la Sculpture y a beaucoup perdu; il ne lui reste d'autre fecours que celui des atteliers du roi.

François Anguier, frère aîné de Michel, bon Sculpteur, du corp's des maîtres, travailloit en 1651 au tombeau du duc de Montmorency, qui décore l'églife des religieufes de Sainte-Marie à Moulins. Dans cette même année il fit faire à fon frère deux figures en terre cuite repréfentant Hercule & Alexandre. Michel exécuta la première en marbre fous la conduite de Fran çois, chargé feul de ce fuperbe maufolée. Cette figure eftimée fut fuivie de celles de la Vierge & de S. Jean, & d'un crucifix pour les mêmes religieufes ces ouvrages étoient fans doute de bois ou de ftuc, pour lequel il avoit une prodigieufe facilité. Le modèle de la ftatue de Louis XIII, plus grand que nature, fut fon dernier ouvrage de l'année 1651. On le porta

[blocks in formation]
[ocr errors][ocr errors]

à Narbonne, & on le jeta en bronze pour être élevé dans la principale place de cette ville.

Les modèles des douze figures de bronze, pofées fur le tabernacle de l'Inftitution, au fauxbourg Saint-Michel, furent faits l'année fuivante. Leur tour fin & agréable décèle la main de leur auteur. Il modela, peu de temps après, les deux anges qui portent la tête de S. Remi. Exécutés en argent, ils font confervés à Reims, dans l'église de ce faint; on fait que l'usage de nos rois eft d'y envoyer un préfent après la cérémonie de leur facre.

Il n'y a point d'amateurs qui ne connoiffent les fujets d'histoire que Romanelli a peints avec autant de grace que de légèreté dans l'appartement de la reine Anne d'Autriche, au vieux Louvre à Paris; mais plufieurs ignorent que fa décoration, qui mérite leur estime dans prefque toutes fes parties, appartient à Anguier.

La Sculpture de la première pièce, qu'il entreprit en 1653, confifte en huit grands termes, au milieu defquels font placés les élémens en quatre médaillons. Les parties les plus étroites de fon plafond font occupées par quatre fatyres mâles & femelles d'une grande beauté, emblêmes des faisons. Le haut de la voûte fait voir

l'année & les heures du jour élégamment traitées, en bas-reliefs, feints de bronze.

Dans la feconde pièce, des figures de fleuves défignent la Seine, le Rhône, la Garonne & la Loire. Les quatre renommées placées aux extrémités de fon plafond, & qui portent les armes du roi & de la reine, font belles, fveltes, & d'un très-beau caractère. Deux bas-reliefs peints. en bronze, & repréfentant la France & la Navarre, ornent le haut de la voûte.

Les angles du plafond de la troisième pièce offrent des renommées & des génies ils grouppent avec des trophées & des monumens élevés à l'immortalité. Douze petits amours portent une guirlande autour du grand morceau de peinture qui forme le milieu de cette pièce ; ces enfans volent fi bien, ils font difpofés fi naturellement, & avec un fi grand art, que la vue èn eft enchantée.

Dans le cabinet, les huit vertus, & les quatre petits génies qui tiennent chacun une fleur de lis, méritent d'être vus.

Quelle différence de ces magnifiques décorations avec les nôtres! Les artiftes du fiècle dernier pouvoient donner l'effor à leur imagination & déployer leurs talens. Nos pères cher

choient le plaifir des yeux & de l'efprit dans des fujets de la fable, de la poëfie & des arts. Des ouvrages folides & de bon goût les payoient de leurs dépenfes, & ils laiffoient à leurs enfans l'exemple & les idées de ce genre de magnificence, tandis que la nôtre, je parle de nos plus grandes maifons, fe réduit à des plafonds blancs, dont la Sculpture eft bannie, ainsi que la peinture qui n'a pour afyle que quelques deffus de porte.

Après différentes entreprises faites pour le furintendant Fouquet & des particuliers, la reine Anne d'Autriche fit travailler, en 1662, notre infatigable Sculpteur à la plus grande partie des ouvrages qui font dans l'église du Val-de-grace. Il plaça fur l'autel une Nativité en marbre ; l'enfant eft dans une crèche, devant laquelle la Vierge & S. Jofeph, presque grands comme nature, font profternés. Le caractère de la Vierge eft beau, la difpofition en eft heureuse, S. Joseph marque fa furprise & fon attention. Ce grouppe est le plus complet & le plus beau qu'ait fait Anguier. Sur quatre des fix colonnes torfes qui décorent cet autel, tout entier de fa compofition, il a placé des anges de bois doré tenant chacun un encenfoir. Ces colonnes font unies

dans leurs intervalles, par des feftons de palme; on y voit de petits anges qui portent dans des cartels des verfets du gloria in excelfis. Enfin, le devant d'autel présente un Christ mort, exé cuté en bronze d'après le modèle d'Anguier. Les quatre panaches du dôme offrent les évangéliftes en bas-reliefs, entourés de bordures ovales.

Cet homme, dont la fécondité étonne, a de plus fculpté, dans ce temple, feize figures de femmes tenant les fymboles des attributs de la Vierge; elles ont fix pieds de proportion, font noblement traitées, & placées fur les cintres des chapelles & du chœur. Dans les ornemens de la voûte, un peu trop multipliés, on diftingue les médaillons des têtes de la Vierge, de S. Jofeph, de S. Joachim, & de fainte Elifabeth, représentés avec leurs attributs. Ces ouvrages ne furent achevés qu'en 1667. Cependant, Anguier fit exécuter fous fa conduite deux figures en pierre de fix pieds & demi, pour l'église des pères de la Mercy; l'une représente S. Pierre Nolafque, fondateur de cet ordre, & l'autre S. Raymond, qui lui a donné des conftitutions; elles font fières, & fentent la main d'un habile homme, quoiqu'il y ait quelque chofe à defirer.

« AnteriorContinuar »