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du deffin, & à l'âge de quinze ans il ofa peindre la vie de fainte Jule dans une chapelle fituée près d'une porte de Troyes.

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A mefure que fon goût fe formoit, le jeune artifte fentit l'infuffifance des lumières de fon maître fon avancement. Il y fuppléa par pour une étude conftante & méditée des beaux mor→ ceaux de Sculpture qui ornent les églifes de Troyes. Ces morceaux, dont le nombre passe deux cents, ont ouvert le génie & formé le goût des artistés célèbres que cette ville a vu naître fous le règne de Louis XIV. On les doit à François Gentil, né à Troyes, & à Meffer Domenico Florentin, amené en France par le Roffo, & qui a beaucoup travaillé à Fontainebleau fous la conduite du Primatice (2).

Nourri par les études qu'il avoit faites d'après cès deux grands hommes, Girardon hafarda

(2) Ces artiftes, uniquement connus par leurs ouvrages, floriffoient au milieu du XVI fiècle. L'infpection des sculp→ tures du Gentil fait préfumer qu'il avoit été en Italie. Le goût qui y règne ne s'acquiert que par l'étude de l'antique & des ouvrages des grands maîtres modernes. A l'égard du Domenico, on conjecture que le Primatice avoit été fon maître, & qu'il s'étoit établi à Troyes, après l'avoir fuivi dans fon abbaye de Saint-Martin.

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quelques ouvrages de Sculpture. On conferve encore dans fa famille une Vierge en pierre d'un pied & demi de hauteur, diftinguée par fon deflin hardi & affez correct, & par fes draperies fines & légères.

Nous voici au moment où Girardon va prendre. un vol rapide que n'annonçoient point ses travaux actuels. A quatre lieues de Troyes eft le château de S. Liébaut, appartenant alors au chancelier Séguier. Baudeffon appelé pour y travailler, mena avec lui fon élève. Le chancelier qui avoit le coup d'il le plus jufte, le remar-. qua, le fit parler, & lui trouva autant de vivacité dans l'efprit, que d'amour pour fon art. Charmé de ses heureufes difpolitions, ille fut encore plus des bons, témoignages de fa, conduite & de fon application. C'en fut affez pour l'engager à l'envoyer à Rome, & fuppléer aux foibles fecours que Girardon recevoit de fa famille. Ce jeune Sculpteur, né fouple & complaifant pour ceux qui pouvoient lui être utiles, fe fit des amis à Rome, & ménagea extrêmement Pierre Mignard, auprès duquel les talens d'un artifte, fon compatriote, furent très-bien accueillis.

Avec d'auffi puiffans fecours il employa tout

fon temps à l'étude. Arrivé à Paris en 1652, le chancelier le reçut avec bonté, lui donna une penfion fur le fceau, & voulut bien l'honorer de fa recommandation auprès de le Brun, qui l'aida de fes idées & de fes avis en lui confeillant de travailler chez les Anguier. Girardon attentif à faifir tout ce qui pouvoit être favorable à fes intérêts, ne fe laffa point de fuivre les confeils de le Brun & de lui faire fa cour. Bientôt il eut fa part des ouvrages, puifque des l'année 1653 on lui confia deux ftatues grandes comme nature, pour la chapelle de Notre-Dame de la paix, aux Capucins Saint-Honoré. Lorfque le Brun fut devenu premier peintre du roi, & parvint à la fortune, dont il commença à jouir en 1662, la complaisance de Girardon dégénéra prefque en une aveugle foumiffion.

L'Académie royale de peinture qui fe l'étoit incorporé en 1657, en reçut un bas-relief, dont le fujet eft la Vierge âgée, dans un état de foumiffion aux fouffrances que Siméon lui avoit prédites.

Elle le chargea de faire le bufte en marbre du président de Lamoignon, dont elle vouloit faire préfent à ce magiftrat, en reconnoiffance de ce que M. de Bafville fon fils l'avoit puif

famment fecourue dans une affaire intéreffante.

Deux ans après, l'Académie l'éleva au grade de profeffeur, & il parcourut toutes les dignités de ce corps, jufqu'à celle de chancelier, où il fut nommé en 1695. On a vu quelquefois des artiftes devoir leurs places diftinguées, moins à leurs talens, qu'au hafard des circonftances. Il n'en fut pas de même de Girardon, ce furent fes ouvrages publics qui le placèrent à la tête de l'Académie.

Ce Sculpteur fit une perte irréparable, en 1671, par la mort du chancelier Séguier. Il étoit dans la fleur de fon âge, afpiroit aux grands ouvrages, & pouvoit tout attendre de la protection de cet illuftre magiftrat, qui l'honoroit d'une bienveillance particulière. Si quelque chofe put calmer fa douleur, ce fut l'attachement qu'il avoit voué à le Brun, & que l'arrivée de Puget à Paris, en 1666, ne fit qu'augmenter. Représenter notre artiste presque déconcerté à la vue des ouvrages de ce grand Sculpteur, c'est faire fon éloge; mais lui imputer les fujets de difcorde qui, en obligeant l'artiste provençal de retourner à Marseille, l'avoient perdu dans l'esprit de le Brun, c'est l'accuser d'une noire &

baffe jaloufie, dont le foupçon feul eft injuste. Un reproche plus fondé qu'on peut lui faire, c'est d'avoir été adorateur de la fortune, au point que, même dans fes ouvrages particu liers, on reconnoît le goût de deffin du premier peintre du roi. Que peut-on en conclure, finon qu'il étoit médiocrement créateur, & que fon génie n'égaloit pas fon talent pour modeler? Il faut encore avouer qu'il n'a pas fu affez bien travailler le marbre, & qu'il a généralement imprimé à fes ouvrages la pefanteur de fon cifeau.. Il avoit l'art de modeler avec une perfection & une facilité rares. La figure de Jupiter, placée dans une des niches de la colonnade du Louvre, dépofe de fon talent. Ce plâtre, travaillé à la main, a douze pieds de proportion, & quoique ce ne foit qu'une première penfée, il est un de ceux qui peuvent faire juger plus réellement du mérite de fon auteur. Je paffe aux bains d'Apollon.

Sept figures de marbre, grandes comme nature, compofent ce grouppe; il n'y en a que quatre qui foient de Girardon. On n'ignore pas que le Brun en a donné le dessin général, & que l'idée lui en appartient. Apollon eft affis au milieu des nymphes de Thétis qui s'empreffent de

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