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le fervir. Des trois placées fur le devant, il y en a deux à fes pieds prêtes à les lui laver & à les effuyer; la troisième debout, dans une attitude noble & gracieuse, tient un baffin d'une main, & de l'autre un petit vafe avec lequel elle verfe de l'eau fur les mains d'Apollon. Parmi les ouvrages modernes, ce grouppe eft celui dont la compofition réunit le plus de figures. Peut-être que les feuls grouppes antiques, formés de plus de quatre ftatues, font les deux qu'on voit à Rome, dont l'un, appelé le taureau Farnèse, est de cinq figures; l'autre qui en a en a dix-fept, repréfente Niobée mourant avec fes enfans. Les anciens ont traité ces fujets, auxquels on peut joindre Achille chez Déidamie, par des grouppes compofés de grandes figures. Ce genre n'a guère été imité par les modernes, que dans les bains d'Apollon.

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C'eft plus encore par des libéralités, que par des titres honorables accordés aux artistes, que François I a été le reftaurateur des arts en France. A fon exemple, Louis XIV qui employoit aux Sculptures de la galerie d'Apollon les frères Marly, Regnauldin & Girardon, proposa un prix d'honneur à celui de ces quatre artistes dont l'ouvrage feroit le plus parfait. Girardon, pour vaincre, n'eut, pour ainfi dire, qu'à emrer dans

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la carrière. Il eut l'honneur de recevoir de fa majefté trois cents louis d'or.

En 1683 Colbert mourut; Louvois qui le remplaça dans la furintendance des bâtimens, adopta un plan entièrement oppofé à celui de fon prédéceffeur. Le Brun ceffa d'être en faveur ; Manfart fut confulté fur tous les projets, & fi Girardon fut employé, il ne le dut qu'à fon ancienne réputation, & même il n'eut que les ouvrages dont les autres Sculpteurs fe foucioient

peu.

lui

La difgrace ne l'abattit point. Comme il joignoit la vivacité à l'enjouement de l'esprit, il s'étoit lié avec les plus beaux génies de fon temps, tels que la Fontaine, Santeul, Boileau, Racine, leur commerce agréable étoit pour une fource de lumières utiles. Le grand Condé dont il avoit fait le portrait en médaillon (3), & le duc d'Orléans régent, qui aimoit les arts au point de les pratiquer, l'honorèrent toujours

(3) C'est le même qui étoit dans le cabinet du père Tournemine, célèbre Jéfuite. Henri-Jules, prince de Condé, qui lui en fit préfent, lui dit plaisamment que pour que la reffemblance fût parfaite, il n'y manqueit de tabac au bout du nez.

qu'un peu

de leur eftime, & venoient fouvent le voir travailler. D'aufli flatteurs motifs de confolation le déterminèrent à élever dans fa patrie un monument de fon amour, & de la nobleffe de fes idées; fans doute que l'envie de faire fa cour au roi y entroit auffi pour quelque chose. II écrivit en conféquence, le 31 Août 1687, aux maire & échevins de Troyes pour leur annoncer le don qu'il vouloit faire à la ville d'un grand médaillon de marbre blanc représentant Louis XIV.

Girardon fuivir de près fa lettre. A son arrivée (4) le premier échevin, en l'absence dụ maire, alla à la tête des autres échevins lui préfenter le vin de la ville, & lui annoncer qu'on avoit fixé cejourd'hui (3 Septembre 1687) pour recevoir le médaillon de fa majefté avec toute

la pompe convenable. A cet effet le confeil de la ville avoit rendu une ordonnance par laquelle il étoit enjoin à toute la milice bourgeoife de fe trouver aujourd'hui matin fous les armes dans la place de l'Hôtel-de-Ville, & aux marchands. de tenir leurs boutiques fermées. En conféquence, la milice bourgeoife affemblée le ma

(4) Extrait d'une relation datée du 3 Septembre 1687.

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a défilé devant l'Hôtel-de-Ville, précédée des tambours, fifres, hautbois & trompettes. Le confeil de l'échevinage l'a fuivie en corps', & on a marché en cet ordre jufqu'à la maison paternelle de Girardon, où le médaillon étoit dépofé. Après les remercimens que le plus an

cien des échevins lui a faits au nom de la Ville, on s'eft remis en marche dans cet ordre, une partie de la milice bourgeoife ayant défilé. Entre les deux haies qu'elle formoit, marchoient les deux trompettes de la Ville, les quatre fergens de ville tenant à la main un bâton orné de fleurs de lis d'or. Quatre hommes, avec les livrées de la Ville, portoient fur leurs épaules le médaillon découvert & orné d'une riche bordure, placé sur un brancard, couvert d'un tapis violet parfemé de fleurs de lis d'or. Le corps de l'échevinage fuivoit, Girardon marchant avec le plus ancien des confeillers de l'échevinage; le reste de la milice bourgeoife fermoit cette marche. Lorfqu'on a été arrivé à l'Hôtel-de-Ville, le premier échevin a reçu le médaillon, & l'a fait placer dans la cour de l'Hôtel-de-Ville, fur un trône qui y avoit été préparé. Il a enfuite remercié Girardon, l'a embraffé, & l'a conduc dans la falle de l'Hôtel-de-Ville, où l'on avoit

fervi un très-bel ambigu. Toutes les perfonne's diftinguées de la ville avoient été invitées à ce repas; la fanté du roi y a été bue en excellent vin de Champagne, & on n'a pas oublié celle du Sculpteur. Quatre fontaines de vin ont coulé pour le peuple toute la journée, & les tribunaux ont été fermés. Cette cérémonie s'eft faite au bruit de falves continuelles de l'artillerie, & au fon des cloches de la ville. Le refte de la journée s'est passé en bals & en réjouiffances publiques & particulières. Toute la ville a été illuminée.

Ce ne fut qu'en 1690 que Girardon retourna à Troyes pour y placer ce (5) monument dans la grande falle de l'Hôtel-de-Ville. Ce qu'il a fait enfuite pour l'embelliffement de fa patrie doit naturellement trouver ici fa place.

La grilie de fer qui entoure le chœur de faint Remi eft un de fes dons: le crucifix de bronze dont elle eft ornée, paffe pour un de fes plus beaux ouvrages. Les décorations du principal autel de S. Jean, & de celui de la communion

(5) Ce médaillon, avec les ornemens & l'infcription, a huit à dix pieds de haut fur quatre de large. Sébastien le Clerc l'a gravé.

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