: 1 artiste habile & jaloux de fa gloire, qui les entreprit moyennant une honnête récompenfe. Il en parla à Bologna; celui-ci engagea Francaville à accepter les propofitions de l'abbé : elles le furent moins par l'amour du gain que de la gloire. Cet amour lui infpira une ardeur inconcevable avec laquelle il fit pour le jardin de Bracci un grand nombre de figures, telles que le Soleil & la Lune, Cérès & Bacchus, Flore & Zéphir, Vertumne & Pomone Pan & Syrinx. Dans la maison du même abbé à Florence, on voit une belle ftatue de la Nature; une Vénus de quatre braffes & demie, tenant dans fa main droite un petit Satyre, symbole du plaifir, & dans fa gauche une femme qui défigne la Génération; Protée représenté par l'Art qui aide la Nature. Ces ouvrages sont si confidérables, qu'ils auroient pu occuper la vie de plufieurs artistes célèbres. Baldinucci les avoit vus, & aflure avoir admiré le feu & la légèreté qui les caractérisent. Cette entreprise étant achevée, Francaville réfolut de retourner à Rome. Il y paffa plufieurs mois, appliqué à la pratique du modèle & du deffin, & occupé à fe remplir la tête des grandes idées des anciens & des modernes. Peu de de temps avant fon voyage, le grand duc avoit chargé Bologna du grouppe des Sabines & d'Hercule avec le Centaure. Il le trouva à fon retour livré à ces travaux. Son maître l'y affocia, & les têtes des deux ftatues qu'il fe contenta de retoucher, furent l'ouvrage de l'élève. Nous avons dit qu'en 1580, Luc Grimaldi appela Bologna à Gênes. Francaville l'y fuivit, & il fculpta pour la cour de fa maifon les figures en marbre de Jupiter & de Junon. La chapelle de Matthieu Senarega, placée dans la cathédrale de cette ville › reçut auffi , par fes foins de nouveaux embelliffemens. On fait qu'elle pofsède un fameux tableau du Baroche. A la vue de ce chef d'œuvre le génie de notre artifte s'enflamma, il fit avec beaucoup d'art fix ftatues de marbre; favoir, les quatre Evangélistes, faint Etienne & S. Ambroife. Ces figures font d'une beauté & d'une finefle fingulières. Après avoir laiffé à Gênes un monument de fa gloire, il retourna à Florence avec fon maître. Son premier ouvrage dans cette ville décore une chapelle de Sainte-Croix; il confifte en cinq ftatues de bon goût & fort eftimées, qui repréfentent Moïfe, Aaron, l'Humilité, la Virginité & la Prudence. Bologna avoit entrepris, comme on l'a vu, d'orner la chapelle dépofitaire du corps de faint Antoine, dans l'églife des Dominicains. D'après les modèles de ce ftatuaire, Francaville fculpta fix grandes ftatues de marbre; favoir, S. Dominique, S. Jean-Baptifte, S. Thomas d'Aquin, S. Antoine, S. Philippe, & S. Edouard. Ces figures, ouvrage de l'élève, ne font moins belles que fi elles étoient du maître; il e; il pourra même arriver que leur mérite les lui faffe attribuer, ainfi que d'autres qui ne lui appartiennent pas davantage. pas La même année 1589 fut remarquable par l'entrée folennelle de Chriftine de Lorraine, femme du grand duc Ferdinand. Francaville, fans ceffe occupé de grands ouvrages, décora la façade de la cathédrale de fix coloffes de terre, de plâtre & de stuc, parmi lesquels on distinguoit S. Zanobi & S. Poggio, tous deux évêques de Florence, & S. Miniat, qui furent depuis placés dans cette église, où l'on les voit encore aujourd'hui. Le grand duc Ferdinand chargea enfuite notre artiste de faire la fontaine qui eft à Pise, sur la place des Chevaliers, avec la statue de Côme I, fondateur de l'ordre de Saint-Etienne. Il lui de manda auffi un plan pour le palais des prieurs de cet ordre, fitué fur la même place. Dans cette ville Francaville sculpta en marbre la figure de Ferdinand I, au pied de laquelle font une femme & de petits enfans qui repréfentent la ville de Pife fur le point d'être fecourue par ce prince. Elle fut placée fur les bords de l'Arno, vis-àvis le palais. Ces ouvrages le fixèrent plufieurs années à Pife : on y donnoit des leçons publiques fur les arts & les fciences, & en particulier fur l'anatomie, qu'il fuivit fort exactement. Après l'avoir bien étudiée, il s'occupa à faire des modèles en terre cuite de l'homme & de la femme dans différentes attitudes & proportions. En confidération de fes talens & de fes excellentes qualités, les pifans, dont il avoit gagné l'estime & l'affection, lui accordèrent le droit de bourgeoifie. Enfin, il retourna à Florence, où il fculpta deux figures de Mercure pour des particuliers. Dans le même temps, Barthélemi Corfini, riche gentilhomme florentin, forma le dessein d'orner une grande chapelle dans l'églife des Carmes, pour recevoir le corps de S. André Corfini, religieux de cet ordre & fon parent. Francaville, à qui cette entreprise fut confiée, entra dans les vues du gentilhomme, qui, dans ce moment, ne furent point fuivies, parce que Corfini s'en осспра moins que de la canonifation de fon parent. & Il y avoit alors à Florence un Sculpteur nommé Romulus Ferruzzi, dit le Tadda, dont les talens, pour la représentation des animaux, étoient connus. Gondi, gentilhomme de cette ville, qui demeuroit en France, lui en avoit demandé plufieurs destinés à la décoration de fon jardin à Paris. Gondi informé de la grande réputation de Francaville, lui commanda un Orphée en marbre de la hauteur de fix braffes, qu'il vouloit placer au-deffus d'une fontaine, au milieu des animaux faits par le Tadda. Francaville travailla cette figure avec beaucoup de foin. Lorfqu'elle fut à Paris dans le jardin de Gondi, dont on parloit beaucoup alors, Henri IV l'alla voir. Frappé de fa beauté, il témoigna à Gondi le defir qu'il avoit d'attirer le Sculpteur à fa cour. Celui-ci obtint aifément le confentement du grand Duc. On convint d'un traitement honorable & des frais du voyage. Le tout étant réglé, Francaville partit de Florence, en 1601, avec un jeune homme de fes élèves, nommé François-Barthélemi Bordoni. Arrivé à Paris, le roi lui donna un logement |