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Sa naïveté plut beaucoup, & l'on trouva qu'il n'avoit rien paru dans ce genre de plus vrai, Pour figurer avec cet enfant, Pigalle, fur la fin de fa vie, fculpta une petite fille qui tient un oiseau envolé de fa cage. Il voulut ravoir le premier, & ne l'obtint qu'en le payant plus du double du prix qu'il en avoit reçu.

On peut placer ici fon bas-relief de SaintGermain-des-Prés. Lorfqu'il y travailloit, invité par les Bénédictins de Saint-Denis, il fe rendit dans leur maifon avec l'intention de con

noître les ouvrages de fculpture que renferme leur églife. Il y trouva de belles chofes; mais le maufolée du maréchal de Turenne lui parut mefquin & peu digne d'un auffi grand homme. L'enthousiafine le prit, & il s'écria : Sije traitois un pareil fujet, je repréfenterois le héros près de defcendre dans le tombeau ouvert fous fes pieds, la France le retiendroit pour l'en empêcher, la valeur feroit défignée fous la figure d'Hercule. Il analyfa en un mot le projet qu'il exécuta depuis pour le maréchal de Saxe. Un de fes amis (5) l'écrivit, & le lui montra lorfqu'il fut chargé de cet ouvrage en 1756: c'est le premier qu'il ait

L'abbé Gougenot.

fait

pour le roi; il l'auroit entrepris, disoit-il, dans la feule vue de fe faire connoître.

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L'auteur y avoit introduit l'Amour éteignant fon flambeau, pour exprimer fes regrets de la mort du maréchal. Le marquis de Marigny fit obferver à Pigalle que ce monument devant être placé dans une églife, il falloit changer cette figure; celui-ci lui mit donc un cafque fur la tête. Mais lorfque fa deftination fut fixée à Strasbourg, le fculpteur ôta ce cafque & rendit à fa ftatue fon véritable attribut en lui couvrant les yeux d'un bandeau. Par ce changement heureux, elle eft devenue utile, d'inutile qu'elle étoit relativement à la figure d'Hercule. La grande réputation que cet ouvrage acquit à Pigalle, il la foutint par le monument que la ville de Reims réfolut en 1765 d'ériger à la gloire de Louis XV. Lorfque le roi alla voir cet ouvrage, il connoiffoit trop le mérite de l'auteur pour ne pas l'honorer de fon ordre. Ses talens & fes ouvrages parloient pour lui, S. M. crut ne pouvoir le refufer à une fi rare recommandation, elle chargea Monfieur le Dauphin de lui faire offrir le cordon de Saint Michel. Pigalle remercia le prince, & juftifia son refus fur ce que Bouchardon & Lemoyne, fes anciens,

ne l'avoient pas encore. A la mort du premier, Lemoyne préféra à cette marque de distinction une penfion plus utile à fes enfans, & alors Pigalle l'accepta.

Un des plus beaux jours de fa vie, & il l'avoua lui-même, fut celui où Bouchardon le défigna pour achever fon monument de la place de Louis XV. Dans quelles plus dignes mains le bureau de la Ville auroit-il pu le remettre? Tel Augufte, après la mort de Virgile, confia à deux beaux-efprits de fa cour la révifion de l'Eneïde.

:

On a dit qu'il n'y avoit pas d'occupation plas brillante pour un orateur, que de célébrer un héros de même il n'y en a point de plus glorieuse pour un artiste que d'élever un monument à un grand homme. Plein de cette idée, Pigalle va à Ferney pour fculpter le bufte de Voltaire. Il le trouve affaiffé par l'âge, la tête penchée fur fa poitrine & foufflant des pois. Quelle attitude! Quel parti le fculpteur en tirera t-il? Pigalle défefpère de la réuffice. Enfin il s'avife de lui demander s'il eft l'auteur de la Pucelle. A cette question le poëte prend un ait riant, & accorde volontiers à l'artiste le plaisir de lui en réciter quelques morceaux. Le modèle

fut prompte nent achevé, & Pigalle, impatient, partit le lendemain matin fans voir Voltaire.

Il defiroit depuis long-temps de faire une figure à fon choix : fon intention étoit d'offrir aux jeunes gens un modèle pour l'étude des mufcles & de l'anatomie dans le goût de l'Ecorché de Michel Ange. L'occafion s'en préfenta bientôt une fociété de gens de lettres ; lui propofa d'ériger un monument à la mémoire de Voltaire vivant. Il y confentit avec plaifir, pourvu qu'il ne tût pas contraint de le vêtir. On l'en laiffa le maître. Il exécuta donc le marbre d'après un modèle vivant, le plus laid, le plus décharné & le plus dégoûtant qu'il fût poffible de trouver. Quelques amis lui repréfentèrent que des voiles heureufement deffinés déroberoient le hideux de cette figure, & ne permettroient aux yeux de s'arrêter que fur une tête tant de fois couronnée. Il fut conftamment fourd à leurs raifons & préféra une anatomie favante à une belle statue. Un homme d'efprit fit dans le temps cette épigramme en la voyant.

Pigal au naturel repréfente Voltaire,

Le fquelette à la fois offre l'homme & l'auteur.
L'ail qui le voit fans parure étrangère,

Est effrayé de la maigreur.

Le monument que la reconnoiffance de la France a élevé au Maréchal de Saxe, étoit achevé depuis bien des années ; ce ne fut qu'en 1776 que notre artiste alla le pofer à Strasbourg dans l'églife luthérienne de Saint Thomas. Il commença par examiner la place qu'il devoit & donna fes foins pour que la chapelle occuper, fût éclairée convenablement. Comme il prévit que ces préparatifs feroient longs, il propofa à un ami qui l'avoit accompagné de fe rendre à Berlin pour faluer S. M. & revoir fon Mercure & fa Vénus. Ils y arrivèrent la veille du jour que le grand Duc de Ruffie & la princeffe de Wirtemberg, destinée en mariage à ce Prince, devoient partir pour la Ruffie : le roi de Pruffe leur donnoit un grand fouper. Pigalle & fon ami reftèrent à l'entrée de la falle avec une foule de fpectateurs. Le roi l'ayant diftingué, comme étranger, donna ordre de le laiffer entrer, & demanda le nom de ce François : dites au roi, répondit l'ami, que c'eft l'auteur du Mer. cure. Le prince avoit alors à fe plaindre d'un article que le directeur du Journal qui porte ce nom, y avoit inféré. Cette équivoque de nom détourna fa penfée de l'artifte qu'il auroit comblé de bontés & de préfens. L'indifférence dédai

gneufe

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