Le monument que la reconnoissance de la France a élevé au Maréchal de Saxe, étoit achevé depuis bien des années ; ce ne fut qu'en 1776 que notre artiste alla le poser à Strasbourg, dans l'église luthérienne de Saint Thomas, Il commença par examiner la place qu'il devoic occuper, & donna ses soins pour que la chapelle fût éclairée convenablement. Comme il prévit que ces préparatifs seroient longs , il proposa à un aini qui l'avoit accompagné de se rendre à Berlin pour saluer S. M. & revoir fon Mercure & sa Vénus. Ils y arrivèrent la veille du jour que le grand Duc de Rusie & la princesse de Wirtemberg, destinée en mariage à ce Prince, devoient parcir pour la Ruffie : le roi de Prulle leur donnoit un grand souper. Pigalle & son ami restèrent à l'entrée de la salle avec une foule de spectateurs. Le roi l'ayant distingué, comme étranger, donna ordre de le laisser entrer , & demanda le nom de ce François : dites au roi , répondit l'ami, que c'est l'auteur du Mer. cure. Le prince avoit alors à se plaindre d'un article que le directeur du Journal qui porte ce nom, y avoit inséré. Cette équivoque de nom détourna fa pensée de l'artiste qu'il auroit comblé de bontés & de présens. L'indifférence dédai gneuse gneuse du prince mortifia Pigalle ; il seroit le roi fut informé de la inéprise qu'il avoit faite , il ordonna à l'abbé Perneti, son bibliothécaire, de témoigner à Pigalle par écrit le chagrin de S. M. d'avoir été mal instruire. A son retour à Paris, en 1780, le tombeau du comte d'Harcourt lui fut proposé : il l'ac€epta dans l'intencion , disoit-il, de consommer sa carrière & de terminer ses travaux. La comtesse voulut qu'il rendît de la manière la plus hideuse un sujet déjà triste par lui-même. Pigalle fit plusieurs modèles qui ne la satisfirent point; à la fin elle se décida pour celui qu'il a suivi, & qu'elle trouvoit encore trop gai , quoiqu'effrayant & repouflant. Le dernier ouvrage de notre artiste est une jeune fille qui se tire une épine da pied; figure ausfi belle que bien composée ; la finelle des contoars & le travail du marbre annoncent un artiste consommé dans son art. Tome II 11 Pigalle a fait ausli plusieurs portraits en marbre & en bronze de la plus grande beauté & d'une très - parfaite rel?embiance , tels que ceux de Diderot, de l'abbé Raynal, de MM. Maloët & Perronet, de l'abbé Gougenot son ami, auquel il érigea à ses frais un petic tombeau en marbre & en bronze dans l'église des cordeliers. Ce fameux artiste ne tenoit pas de la nature tes difpofitions nécessaires pour les beaux-arts , i les devoir à une étude opiniâtre de ce qu'il ý a de plus exquis dans les ouvrages des célèbres Sculpteurs Italien's & François. Il avoit inoins d'esprit que de talent, moins d'étendue que de justesse dans les idées ; son goût de delfin, sans être libre & grand, est pur & fage, fimple & vrai, sans être maniéré. Si l'on ne peut l'associer aux hommes de génie , on le placera volontiers parmi les artistes qui ont fait honneur à l'Ecole Françoise. Hétoir connu pour avoir l'ame noble, grande & généreuse, beaucoup de probité, un attachement inviolable à ses amis & à la famille; il l'a bien fait voir en épousant, dans un age déjà avancé, la nièce dont il n'a point eu d'en. fans. Après son travail, il se plaisoit à vivre avec ses amis, leur entrecien le délassoit agréa blement des fatigues inséparables de sa profes- Une rare modestie ornoit Pes talens , & lui peu Parmi ses élèves on distingue M. Mouchy, l'hôtel de la monnoie , & a beaucoup travaillé à Sainte Genevieve. Dans cette église ce jeune homme tombe d'un échaffaud & fe calle le bras & la cuisse. Pigalle désespéré de cet accident, fe hâte de lui fournir tous les secours néceffaires. Il pense ensuite qu'il va être bien longtemps incapable de travailler : il pourvoit à la subsistance & à celle d'une fainille désolée, & l'Académie, à la prière , l'agrée quoique dans fon lit. LE une idée des ouvrages de Pigalle. Je commence par le mausolée du maréchal de Saxe, la plus grande composition en sculpture qui existe. Au milieu d'un trophée militaire ce héros est représenté debout, couronné de laurier & tenant le bâton de maréchal. Plus bas la Mort enveloppée d'un linceul, ciers un clepsydre d'une main, & de l'autre ouvre le tombeau où elle semble inviter ce grand hoinine defcendre. Une belle femme désigne la France qui s'empresse de le retenir , & tâche de repousser la Mort qu'elle regarde avec horreur. Derrière elle est un faisceau d'étendards & de drapeaux près duquel l'Amour regarde en pleurant le héros qu'il va perdre. De l'autre côté, sur des drapeaux & des lances brisées on voit un aigle & un |