fe préfenta fut l'entreprise du maufolée de monfieur & de madame la Dauphine. Il falloit que le fujet allégorique indiquât en même temps la présence du prince inhumé, & le defir qu'avoit marqué la princeffe d'être réunie à fon époux. Pour remplir ces vues, Couftou imagina de représenter le Temps couvrant d'un voile funéraire l'urne de M. le Dauphin, & de laiffer l'autre ouverte. Cette idée allégorique eut la préférence fur plufieurs autres non moins ingénieufes. Madame la Dauphine étant décédée avant l'entière exécution de ce monument, le Sculpteur a couvert la feconde urne. Il en commença le modèle en 1766, & ne négligea rien de ce qui dépendoit de lui pour répondre à la confiance du directeur des bâtimens. Durant le cours de cet ouvrage, le marquis de Marigny lui donna une nouvelle preuve de fa confiance, en lui procurant la ftatue de Louis XV que majesté lui avoit permis de placer à Menars. Couftou l'y fit pofer en 1775, & dès ce moment il ne penfa plus qu'à mettre la dernière main au monument par lequel il a fi glorieufement terminé fa carrière.

Attaqué d'une maladie qui le minoit depuis long-temps, & qui ne fe déclara qu'à la fin de

1776, Couftou n'eut pas la confolation de voir affemblé & monté ce dernier ouvrage. M. le comte d'Angivilliers prévit avec douleur la perte dont les arts étoient menacés. Il crut donc devoir hâter le moment de la récompenfe deftinée aux travaux de cet habile artiste. Il demanda pour lui au Roi le cordon de S. Michel, avec la permiffion de le porter avant fa réception. Couftou le reçut de fes mains en préfence de l'Empereur, qui lui témoigna toute la fatisfaction que lui avoit procurée la vue de fon ouvrage, & accompagna cette marque de bonté, des complimens les plus flatteurs fur la grace qu'il venoit d'obtenir. Couftou fat fi fenfible à cette honorable distinction, qu'elle fembla pour quelques jours le rappeler à la vie; mais bientôt le mal reprenant le deffus, il y fuccomba le 13 Juillet 1777, âgé de foixante un ans, généralement regretté de fa famille & de fes amis.

Cet artiste a vécu dans le célibat. Il a laiffé pour héritiers deux fœurs & un frère, architece du Roi, & infpecteur de fes bâtimens. M. le comte d'Angivilliers a récompenfé les talens héréditaires dans fa famille, en obtenant pour lui le cordon de S. Michel, dont fon frère avoit joui fi peu de temps.

Parmi les ouvrages de Couftou, il faut placer le bas-relief en bronze de la Vifitation, qu'on voit dans la chapelle du Roi à Versailles, à l'autel de la Vierge; à S. Roch, la figure en pierre de ce faint dans la croifée; le bas-relief du fronton de fainte Génevieve; repréfentant une croix rayonnante adorée par des Anges & des Chérubins, & à Belle. vue une Galathée fur les eaux.

Le chœur de la cathédrale de. Sens offre un tombeau (2) destiné à réunir deux époux qu'une égale tendreffe avoit unis durant leur vie. Du côté qui fait face à l'autel, la Religion pofe fur leurs urnes cinéraires une couronne d'étoiles, fymbole des récompenfes célestes, deftinées aux vertus chrétiennes dont ces auguftes époux ont été les modèles. A côté de la Religion paroît l'Immortalité tenant le cercle & le laurier qui font fes attributs. Le regret caufé par la mort du prince, la fatisfaction d'enrichir fon tombeau du trophée de fés vertus morales, forment fur fon vifage une expreffion compliquée très-inté

(2) Maufolée de feu M. le Dauphin & de feue madame la Dauphine; Description pittorefque par M. Dandré Bardon, 1777.

reffante. La balance de la Justice, le miroir de la Prudence, le lis de la Candeur enlacés dans les branches du palmier, font les matériaux du trophée. Les deux figures de ce premier grouppe font liées par la médiation du génie des sciences & des arts dont ce prince faifoit fes amusemens, Pénétré de la plus vive confternation, il essuie d'une main fes larmes, & de l'autre tient un compas pour mefurer le globe céleste qui lui

fert de foutien.

Dans le fecond grouppe placé en face de la nef, paroît le Temps; fa taille eft d'une belle proportion, fes formes font élégantes, fes chairs ont la fermeté de celles d'un bel homme: il dé veloppe fur l'urne de la Dauphine le voile funéraire déjà étendu fur celle du Dauphin, mort le premier. Le Temps s'élève fur les débris d'une fuperbe architecture, parmi lefquels un riche carquois eft confondu. L'Amour conjugal envi ronné des cinq brillantes étoiles que le ciel a confervées pour le bonheur de la France, eft à la gauche du Temps. Il tient fon flambeau éteint & regarde avec douleur un enfant qui brife les chaînons d'une chaîne entrelacée de fleurs, fym bole de l'hymen.

Couftou étoit né avec cette candeur & cette

tranquillité qui annoncent le repos d'une ame honnête. Ses ouvrages indiquent un homme familiarifé avec les grands modèles & nourri de bonnes études faites en Italie. On y trouve la correction & fquvent la fermeté heureusement únies à la grace. Son talent fupérieur doit d'autant plus étonner, que fon feul génie l'a élevé où fa réputation l'attendoit.

Fin du fecond volume.